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Céline Forest (DITP) : « Le principe de transparence de l’action publique renforce la confiance des usagers. »

>> Cet article est issu du Guide guide pratique « Les organisations à l’épreuve des défis cachés de l’expérience client et usager » disponible sur notre page dédiée aux défis de la relation client et usager.

 

Cheffe de la mission expérience usagers, membre du codir de la DITP au sein du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, Céline Forest revient sur les grands enjeux du programme « Services Publics + » (amélioration continue de l’expérience usagers), lancé début 2021 et dont elle a la charge.

Alliancy. Après une carrière dans le privé, vous avez intégré le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. Quelle est votre mission ?

Céline Forest, Cheffe de la mission expérience usagers, membre du codir de la DITP au sein du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques

Céline Forest. À l’automne 2020, après plus de quinze ans dans le secteur privé, j’ai rejoint la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), au sein du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, qui accompagne les administrations et opérateurs publics dans leur démarche de transformation et de modernisation.

Je suis ainsi en charge d’une mission dédiée au développement et à l’amélioration de l’expérience usagers au sein des services publics, un enjeu qui fait sens à mes yeux et me permet de travailler au service de l’intérêt général. C’est dans ce cadre que la DITP a lancé le 28 janvier dernier, sous l’autorité de la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, le programme d’amélioration continue « Services Publics + ». Ce programme est destiné à améliorer en continu la qualité des services publics, en associant les usagers, les agents publics et les élus à la démarche (lire encadré). « Services Publics + » s’appuie sur un principe de transparence de l’action publique pour renforcer la confiance des usagers dans leurs services publics.

Quels sont les grands défis en matière d’expérience clients dans le domaine public par rapport au privé ?

Céline Forest. Le grand défi des entreprises est, et a toujours été, de mettre les attentes et intérêts des clients au cœur de leur fonctionnement parce que leur satisfaction est l’affaire de tous les collaborateurs. Le client doit fédérer l’entreprise autour d’enjeux communs. L’ensemble des corps de métier ont en effet un impact, direct ou indirect, sur la satisfaction des clients, car c’est la finalité de l’action de l’entreprise.

Dans les services publics, l’usager est amené à interagir avec de nombreux acteurs en fonction de son parcours et de ses événements de vie. Par exemple, il interagira avec la Direction générale des services publics pour régler ses impôts, avec la Caisse d’allocations familiales s’il a des enfants, avec Pôle Emploi s’il est en recherche d’emploi, etc. Chacune de ses expériences aura un impact sur sa confiance envers les services publics.

Concernant l’administration justement, au sein de laquelle l’usager a de très nombreux points de contact, comment travaille-t-on sur l’omnicanalité ?

Céline Forest. Tous les services publics et les opérateurs n’ont pas le même niveau de maturité sur ces sujets. Nous devons donc prendre en compte les spécificités de chacun et travailler ensemble à l’élaboration d’écosystèmes efficaces et adaptés aux enjeux et pratiques des usagers. Le programme « Services Publics + » engage les services publics à mettre plusieurs canaux d’interaction à la disposition de l’usager et à faciliter son orientation vers le bon interlocuteur en fonction de la nature de sa demande. Les périodes de confinement successives ont montré l’importance d’assurer la continuité de service des administrations et opérateurs publics, en ayant notamment recours à des modalités d’échanges distanciels.

Certains services sont sûrement précurseurs. Partagez-vous les bonnes pratiques ?

Céline Forest. Absolument ! Pendant la crise, nous avons organisé des sessions d’échanges et co-construit avec les réseaux de service public un guide des bonnes pratiques dans l’administration. Nous animons par ailleurs la communauté d’agents travaillant sur ces enjeux d’expérience usagers avec des webinaires favorisant les temps d’échanges et le partage de bonnes pratiques. Certains services publics adoptent des pratiques particulièrement innovantes pour répondre aux attentes de leurs usagers et moderniser l’action publique au quotidien. On peut citer par exemple le site Internet des impôts (DGFIP) et le succès de la mise en place du prélèvement à la source ; les démarches innovantes liées à la santé avec le dispositif ameli (le site de l’Assurance maladie) ; ou encore le dispositif GEND 20.24 mis en place par la Gendarmerie nationale pour être au plus proche des besoins et attentes des usagers : des pratiques qui bénéficient au plus grand nombre de Français.

En quoi l’analyse de la voix de l’usager vous aide-t-elle à progresser ?

Céline Forest. Un avis, positif ou négatif, c’est du ressenti et de l’émotionnel qu’il faut prendre en considération… Cette voix de l’usager nous permet de déceler les signaux faibles de satisfaction ou d’insatisfaction pour partager les bonnes pratiques et expériences vécues avec l’administration ou déceler des manquements qui pourront, ensuite, donner lieu à la mise en œuvre d’actions d’amélioration.

[bctt tweet= »De manière générale, près de trois Français sur quatre déclarent faire confiance à l’administration pour leur apporter conseils et solutions s’ils rencontrent des difficultés ou commettent des erreurs de bonne foi (72 %). » username= »Alliancy_lemag »]

L’inverse serait insupportable, que ce soit d’ailleurs dans le privé ou le public. Le partage d’informations permet de travailler dans une logique d’amélioration continue du service délivré. Il faut confronter les données des usagers avec l’ensemble des parties prenantes, et notamment les agents, mais aussi avec les représentants des usagers et les élus. Les plans d’actions et prises de décisions doivent être mis en œuvre au sein des services publics de proximité, en responsabilisant les points de contact usagers, et en identifiant les axes d’amélioration propres à la nature de la relation à l’usager (suivant qu’il soit bénéficiaire d’un service, soumis à des contraintes légales, etc.) ou aux enjeux territoriaux.

L’aspect technologique peut-il bloquer une « bonne » expérience clients ou usagers ?

Céline Forest. Tout va très vite et l’on n’est jamais à l’abri de nos surprises en matière des nouveautés qui se préparent… Mais, sur l’expérience clients, la robustesse des solutions technologiques mises à la disposition des usagers est un facteur clé pour garantir une bonne expérience clients/usagers. De manière générale, les organisations sont plutôt bien équipées et l’on assiste, depuis deux ans environ, à une période de stabilisation des outils, l’attention se portant davantage sur l’accompagnement au changement des collaborateurs/agents dans la prise en main de ces outils et leur utilisation quotidienne. Le point dur reste organisationnel et culturel, même si je constate que, dans le secteur public, l’expérience humaine est très bien prise en compte. Notre programme de transformation joue totalement la carte de la transversalité, en partant de l’avis des usagers !

Quels sont les indicateurs qu’il faut suivre sur l’expérience clients ?

Céline Forest. La DITP met en place des dispositifs d’écoute usagers pour prendre en considération leurs attentes et ressentis au travers de baromètres. Ces derniers permettent notamment de mesurer leur satisfaction, leur perception du niveau de complexité administrative, leur confiance en l’administration, etc. Autant d’indicateurs qui permettent d’évaluer l’appréciation globale des services publics par les Français, d’identifier des axes de progression et de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue.

Les services publics publient également chaque année, dans une démarche de transparence, les résultats de leurs actions afin de rendre compte de l’efficacité de l’action publique. L’ensemble de ces résultats sont rendus publics et sont consultables en ligne, conformément aux obligations de la loi du 18 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (Essoc), sur le site resultats-services-publics.fr. Ces résultats, accessibles en open data sur www.data.gouv.fr, indiquent la qualité de service perçue par les usagers, mesurée par des enquêtes, et la performance des services de l’administration. Les indicateurs sont définis par chaque réseau administratif en fonction des caractéristiques de ses missions et de son métier.

Et côté entreprise, en voyez-vous ?

Céline Forest. Je vois trois indicateurs clés. Le Net Promoter Score (NPS), correspondant au pourcentage de clients promoteurs moins le pourcentage de clients détracteurs, le Customer Effort Score (CES), qui permet d’évaluer l’effort déployé par le client pour que sa demande soit traitée, et aussi le Customer satisfaction (CSAT), qui mesure la satisfaction globale de la clientèle par rapport à un produit ou un service. Deux autres indicateurs sont également à prendre en compte si l’on veut crédibiliser les actions d’expérience clients. Tout d’abord, il y a la satisfaction des collaborateurs dans une logique de symétrie des attentions. Et, enfin, il est intéressant de chercher à mesurer une corrélation entre l’évolution du NPS (cité précédemment) et la performance financière et économique de l’entreprise. On remarque alors que plus le NPS est élevé, plus l’entreprise est performante, ce qui permet de crédibiliser les actions engagées et d’asseoir ses actions en termes d’expérience clients.

Embarquer des agents des services publics dans une telle démarche, est-ce la même chose que dans le privé ?

Céline Forest. La difficulté réside dans l’hétérogénéité des services délivrés et la taille des administrations et opérateurs. Les métiers et compétences sont très variés et il faut concilier un enjeu d’harmonisation des pratiques et de personnalisation… Malgré leurs différences, les services publics partagent une passion commune pour la satisfaction des usagers et la recherche de l’intérêt général, ce qui est une grande source de motivation. Cet engagement, très présent, est une force ! Il s’agit donc de travailler sur des parcours usagers très différents tout en assurant une cohérence globale de l’expérience usagers et en créant des parcours transverses… À ce sujet, j’apprends chaque jour.

Les quatre piliers du programme d’excellence opérationnelle « Services Publics + » (plateforme adossée au site Service-Public.fr)

  1. La mobilisation de tous les services publics autour de neuf nouveaux engagements affichés dans tous les services publics (+ 2,5 millions d’agents mobilisés).
  2. La publication des résultats au niveau local dans une logique de transparence.
  3. L’écoute des usagers sur le terrain, avec la possibilité, pour tous les Français, de donner leur avis et de partager leur expérience des services publics en ligne.
  4. L’amélioration continue de la qualité de service par la prise en compte de ces retours, incluant tous les services publics, les entreprises, les représentants d’usagers et les élus.
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