Depuis la célèbre allégorie de la manufacture d’épingle d’Adam Smith, l’organisation du travail a été au cœur des réflexions sur la gestion des entreprises, du fait du lien qui s’est opéré entre gains de productivité et croissance économique. Faire plus avec moins a constitué pendant longtemps le moteur principal de la révolution industrielle et finalement du progrès. Depuis, l’innovation a très largement pris le relai et la nouvelle révolution économique que nous traversons, avec les technologies de l’information, est moins fondée sur un accroissement de l’efficience que sur une accélération des cycles de « destructions créatrices » qu’elle engendre.
Depuis Ford avec le Taylorisme et Toyota avec l’invention des méthodes de « lean management », la transformation des entreprises s’est fondée sur l’application de processus de production, de remodelage des organisations selon des règles élaborées de façon exogène et appliquées de manière plus ou moins autoritaire au corps social de l’entreprise. Ces méthodes sont d’ailleurs relayées par des sachants, les fameuses « black belt » du lean, qui ont la charge d’évangéliser le management.
L’arrivée de l’automatisation et de la robotisation dans l’industrie et les services rend nécessaire de repenser les méthodes de transformation voire de redéfinir les concepts d’efficacité ou d’efficience tel qu’ils ont été compris depuis plus d’un siècle.
Tout d’abord, dans une économie de service fondée sur l’innovation, l’efficacité doit se bâtir sur un triptyque : productivité, engagement des salariés et satisfaction des clients. Bien souvent, les gains de productivité étaient conçus dans une logique d’accroissement de la rentabilité de court terme mais finissait par augmenter le stress au travail pour les salariés parfois au détriment de la satisfaction des clients internes ou externes. Dans « Reinventing organizations », Frédéric Ladoux a décrit des modes d’organisation radicalement nouveaux qui laissent une plus grande autonomie à des entités de production et il démontre que certains de ces modèles permettent de résoudre cette quadrature du cercle en créant une alliance positive entre productivité, bonheur au travail et satisfaction des client finaux.
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Ensuite, il existe des méthodes de gestion de la transformation qui visent à éliminer « l’entropie humaine », et donc à gagner en efficience, tout en s’appuyant sur les acteurs de terrain pendant des temps suffisamment longs pour que le changement soit conçu et mis en place par les acteurs eux-mêmes. Les consultants ont un rôle de « coach » et agissent comme le ferait un judoka, en utilisant la force d’une organisation existante pour amplifier sa puissance.
A la différence des méthodes traditionnelles, ces missions mettent l’accent sur des phases consacrées à la transformation relativement longues, l’identification des leviers de changement prenant un temps relativement bref de quelques semaines. Il s’agit d’un véritable coaching qui peut durer de 6 mois à 9 mois, de sorte que la culture d’entreprise évolue et que ce soit cette nouvelle culture collective qui finisse par induire le changement. L’accompagnement consiste ainsi principalement à appliquer une méthodologie rigoureuse de travail avec les équipes sur le terrain les consultants devenant des « coachs » qui sont de véritables « accoucheurs » de la transformation.
Avec une percolation toujours plus intime des technologies de l’information au sein des processus de production, l’amélioration de la performance est plus difficile à modéliser ex ante et dépend moins d’un schéma organisationnel conçu a priori que d’un processus dynamique de transformation. Cela doit révolutionner le métier de consultant en inversant la pondération entre les phases de conceptualisation et celles d’exécution opérationnelle sur le terrain.