Les pratiques contractuelles et commerciales « illégitimes » de certains fournisseurs IT perdurent. Certaines se sont même montrées « inflexibles » durant la crise sanitaire… Le Cigref tenait sa 3ème conférence sur les relations fournisseurs et utilisateurs de services numériques. Résultat : 1-0, et largement à leur avantage.
Le Cigref tenait la semaine dernière sa troisième conférence de presse, en format phygital cette fois, sur le thème : « Crise Covid-19 et relations entre fournisseurs et utilisateurs de services numériques : où en est-on ? »
« Il était important de partager le bilan de cette année mouvementée par la crise sanitaire et riche en actualités sur les relations avec les grands acteurs du secteur », a expliqué d’entrée Bernard Duverneuil, DSI d’Elior et président du Cigref.
Depuis la crise de la Covid-19, une « nouvelle normalité » s’est en effet mise en place (télétravail notamment, digitalisation accrue des process…) qui a eu un impact évident sur la relation avec les fournisseurs des divers services et outils numériques.
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Il y a deux choses à souligner a poursuivi le président : « Tout d’abord, la résilience de nos fournisseurs (pas si habituelle !)… La crise nous a montré une posture de partenariats de la plupart d’entre eux, notamment d’infrastructures Cloud et de télécoms qui ont permis d’assurer un minimum d’activité de nos entreprises. Ensuite, nous avons pu constater une réelle mobilisation de leurs équipes et une réelle qualité d’échanges. Ce qui a permis des reports de projets, une absence de facturation pour des services non utilisés, etc. Pour autant, tous n’ont pas été à la hauteur. Certains sont restés inflexibles et on en gardera mémoire. »
Et de citer par exemple l’inflexibilité évidente des fournisseurs d’ERP ou de CRM… Des outils déjà en place avant la crise et que les entreprises avaient besoin d’upgrader. A l’inverse, il y aurait eu davantage de souplesse et d’ouverture du côté des fournisseurs de suites collaboratives.
Le Cigref a mis en place sept groupes de travail avec de grands fournisseurs (AWS, Google Cloud, IBM, Microsoft, Oracle, Salesforce et SAP), « que nous invitons régulièrement à rencontrer nos adhérents », a poursuivi Philippe Rouaud, président du Club Relations Fournisseurs du Cigref.
Un nouveau groupe sur la valeur d’usage des suites collaboratives y a été adjoint, dont le rapport devrait sortir prochainement. « A ce stade, nous avons identifié des outils open source crédibles, pour répondre à certaines fonctions, précise Stéphane Rousseau, DSI du groupe Eiffage et pilote de ce groupe de travail. Sur les grandes suites collaboratives par exemple, on n’a pas l’étendue immense des fonctionnalités proposées, mais on y trouve des couches supplémentaires pour satisfaire des besoins spécifiques. »
[bctt tweet= »Le Cigref compte parmi ses adhérents les DSI de 150 grandes entreprises publiques et privées, dont le budget SI s’élève à 50 milliards d’euros. » username= »Alliancy_lemag »]Bernard Duverneuil est ensuite revenu sur l’impact de la crise sanitaire sur leurs adhérents, qui a encore accentué des failles structurelles révélées, tel le SAAS et la cyber-sécurité.
« On constate un dévoiement du modèle du SaaS qui reproduit les vieux travers du monde du logiciel on-premise… avec une perpétuelle inflation tarifaire. On n’achète pas un produit, mais un groupe de produits, a-t-il expliqué, allant jusqu’à craindre un jour devoir payer pour extraire ses propres données du cloud. Ainsi, si facilités de paiement il y a eu durant la crise, ce fut uniquement une réponse à court terme des fournisseurs. Le cloud rythme bien avec des coûts fixes : on ne remet pas en cause les contrats ! Et les Cloud Natives adoptent les mêmes pratiques du marché. » Et de rappeler que les fournisseurs de cloud public avaient été les vrais gagnants de la crise : + 19 % de chiffre d’affaires cette année (lire encadré).
Concernant la question de la cybersécurité et la croissance exponentielle des attaques diverses, Bernard Duverneuil a rappelé que si les attaques sont certes liées aux usages et à la gouvernance, elles sont également dues aux failles des produits et donc à la responsabilité des fournisseurs. D’où son appel aux ESN françaises « qui pourraient nous aider davantage en matière de cybersécurité avec un accompagnement, une expertise… « Cet appel est d’apporter ceci en amont et non à l’issue de certaines crises !, insiste-t-il. Beaucoup d’entreprises ont besoin de plus de maturité en la matière et les ESN doivent s’y intéresser davantage. »
Une action au niveau européen
En conclusion, le Cigref continue donc de dénoncer les pratiques illégitimes des fournisseurs, « dommageables pour notre performance et donc pour notre économie, a indiqué son président. Pour autant, ces pratiques commerciales illégitimes sont de plus en plus regardées par les différentes autorités nationales de la concurrence comme en Allemagne par exemple où l’on agit contre certaines plateformes ou en Italie où l’autorité a lancé au total six enquêtes qui visent Google Drive, iCloud (Apple) et Dropbox. »
Il s’est également félicité que la souveraineté s’était récemment invitée dans les débats publics, notamment avec l’apparition de StopCovid (captation et hébergement des données) ou encore la signature de grands contrats cloud (Health Data Hub/Microsoft, JO2024/Alibaba…). Même s’il reconnaît que, pour tous, c’est le signe que ces offres n’ont pas d’équivalent dans l’offre européenne…
« Les ESN et hébergeurs français doivent proposer une offre alternative européenne, avec une certaine prise de risques des deux côtés, a-t-il commenté, y compris de la part de l’Administration. Ce doit être un pari commun qu’il s’agirait de lancer. L’enjeu est de se doter d’un Cloud de confiance (transparence, protection des données…), mais il faut aller encore plus loin. » Et de citer les exemples du Brésil et de la Chine qui cherchent à reprendre le contrôle des plateformes sur leur marché, pour se positionner mieux sur l’échiquier international.
Selon le Cigref, la souveraineté numérique n’est possible qu’au niveau européen, en matière de données notamment. Seule façon de défendre nos économies. En ce sens, il insiste sur l’importance de soutenir le projet GAIA’X, créé à l’initiative des gouvernements français et allemand pour la mise en place d’une infrastructure de données en forme de réseau indépendante, sûre et fiable pour l’Europe.
Aujourd’hui, il ne s’agirait donc plus d’une bataille contractuelle d’une entreprise avec un fournisseur, mais bien d’une économie à défendre pour tous. « Un combat qui nécessitera de prendre des risques réels », a-t-il conclu.
Quand le piège du modèle SaaS se referme… sur les entreprises
1/ Adoption d’une solution sur un marché naissant : on bâtit des pilotes dans une démarche de co-construction !! C’est la lune de miel, avec un vrai transfert de savoir-faire.
2/ Extension de la couverture fonctionnelle, avec un déploiement de la solution à grande échelle.
3/ Le fournisseur parvient à faire passer l’extension fonctionnelle, mais les entreprises sont réticentes.
4/ L’heure de la maturité et des blocages… avec une hausse pure et nette des licences qui mette à genoux l’entreprise.
5/ Résiliation… ? Oui, mais comment ? Et après ?
La solution ? Il faut un « vrai » cloud payé à l’usage.