Le Cigref invite les DSI à mieux intégrer les défis géopolitiques dans les stratégies numériques 

 

La géopolitique, trop souvent absente des stratégies numériques, doit désormais être surveillée de près par les multinationales. Le Cigref, réseau des grandes entreprises, appelle dans son dernier rapport les directions des systèmes d’informations (DSI) à endosser un rôle plus actif.

 

Les enjeux géopolitiques s’invitent de plus en plus dans le quotidien des entreprises internationales du numérique. En témoigne l’annonce récente de Donald Trump d’imposer 25% de droits de douane sur les semi-conducteurs, promettant des effets en cascade sur la chaine de valeur. Sur le constat de la polarisation de l’espace numérique mondial, le réseau des grandes entreprises Cigref a publié un rapport nommé “Géopolitique et stratégie numérique, défis et leviers d’actions pour les directions du numérique”. Celui-ci donne deux principaux conseils pour adresser les tensions géopolitiques : multiplier les partenariats internationaux pour réduire le risque de situation de dépendance et mettre en place une veille de la géopolitique internationale chez les DSI. “Aussi lointaine qu’elle puisse paraître, la dimension géopolitique peut avoir de sérieuses conséquences pour les DSI. Il est donc crucial pour ces derniers d’identifier et d’anticiper ses impacts”, explique Martin Pailhes, le responsable de la plateforme Digital & IP de la fonction juridique du groupe BNP Paribas, cité dans l’étude. Les conflits régionaux, au Moyen-Orient et en Europe, ont déjà illustré les conséquences de plus en plus importantes des tensions géopolitiques sur la chaîne d’approvisionnement mondiale. Les DSI devraient donc garder à l’œil l’actualité internationale pour anticiper toute rupture possible de leur supply chain, notamment pour le hardware.  

 

Les grandes entreprises se doivent de mieux anticiper 

 

Les risques RSE sont également mentionnés dans le rapport, la réputation de l’entreprise étant en jeu si la bonne gestion des employés d’un de ses partenaires venaient à être remise en cause, par exemple. Du côté software, le rachat d’un fournisseur par un acteur d’un autre pays pourrait, lui, être de nature à entrainer un changement de juridiction que les multinationales se doivent d’anticiper. En ce qui concerne le choix de partenaires dans des secteurs stratégiques et sensibles comme le cloud, les semi-conducteurs et les services numériques, le Cigref recommande par ailleurs de privilégier des solutions locales ou européennes. Le réseau d’entreprises conseille aussi d’étudier l’option on-premise pour l’hébergement des données, afin de profiter d’une infrastructure hébergée au sein de l’entreprise, même si cela demande un investissement financier important. Ces approches peuvent effet réduire certains axes de dépendance, dus à la multiplication des usages clouds. Bien que les entreprises retirent une forme de sécurité à être le plus « autonome » possible, le Cigref souligne toutefois la nécessité des collaborations internationales pour rester compétitif. En particulier, les entreprises étrangères peuvent apporter une connaissance précieuse sur la fiscalité de leur région et à propos des spécificités juridiques locales. “Dans le domaine commercial, collaborer avec des acteurs étrangers permet à une entreprise internationale d’accéder à des technologies disruptives”, expose également le rapport.  

 

Une “cellule prospective IT » essentielle

 

Les partenariats internationaux permettent aussi d’augmenter la clientèle de l’entreprise en acquérant de nouveaux marchés. Dans certains cas, s’implanter dans un pays n’est d’ailleurs pas possible sans eux. En Chine par exemple, l’État oblige chaque entreprise étrangère à recourir à des prestataires locaux pour bénéficier de ses services. Ce qui ne va pas sans défis supplémentaires. Pour que les collaborations internationales se fassent vraiment au bénéfice de l’entreprise, les DSI sont donc encouragés à intégrer la dimension géopolitique à leur réflexion stratégique via une “cellule prospective IT”.  

Cependant mettre en place une telle cellule peut-être difficile. Le rapport du Cigref constate ainsi des obstacles structurels au sein des DSI comme “l’absence de processus formalisés” mais aussi d’outils prospectifs appropriés. Développer le bon état d’esprit au sein des DSI peut également demander des efforts ad-hoc. Les directions des risques, de la conformité et de la sûreté peuvent y aider, en étant des sources d’inspiration par leur culture de la prévention, jusqu’à former ou sensibiliser certains des collaborateurs. D’autres initiatives sont à mettre en place comme “des scénarios précis des évolutions potentielles de la scène géopolitique en fonction des enjeux IT de l’entreprise”, à renouveler tous les 6 à 12 mois. À cela s’ajoute une cartographie et un processus de revue régulière des fournisseurs afin d’identifier les risques géopolitiques associés à chacun. Toutes les équipes peuvent aussi contribuer à la veille internationale via une documentation interne. “Des informations pourraient être anodines pour certains, mais stratégiques pour d’autres”, explique le document du Cigref.