Dans un rapport récent, La Machine à Sens analyse les raisons d’être de 50 entreprises à mission, dans lequel plus de la moitié d’entre elles formulent des objectifs de nature managériale : QVT, inclusion, formation…
Les entreprises de la Tech ne sont pas en reste et se sentent souvent investies d’un devoir d’exemplarité. Les exemples ne manquent pas : en voici cinq.
Sogilis est une ESN fondée par Christophe Baillon, un autodidacte (il n’a pas le Bac), passionné de génie logiciel, qui a choisi de recruter des profils « études supérieures », mais aussi de laisser leur chance à des profils atypiques. Impliquée dans le dispositif « Je ne suis pas un CV », Sogilis met aussi un point d’honneur à la formation : chacun de ses 50 collaborateurs peut continuer à apprendre tout au long de sa vie et se réorienter si besoin. Un budget annuel de 400 000 euros (10 jours par personne et par an, en plus du DIF).
L’ouverture d’esprit n’exclut pas la rigueur : Sogilis est spécialisée dans les logiciels critiques normés, dans l’aéronautique et la santé notamment, et a investi également le Cloud Native.
L’ESN demande à ses collaborateurs de choisir parmi les projets clients, en qualifiant les projets et en proposant une démarche de production. « Les équipes ont le droit de refuser des projets. Chez nous et contrairement à d’autres ESN, on ne vend pas des profils. On cherche à grandir intelligemment, à créer un cercle vertueux, à conserver nos collaborateurs grâce à l’intérêt de leurs missions », résume Luc Jeanniard, lui-même formé en génie électrique avant de bifurquer vers le génie logiciel, ancien Dev, ancien Scrum Master, aujourd’hui responsable du centre d’excellence de Grenoble et facilitateur de la QVT chez Sogilis.
Sogilis refuse les étiquettes, à commencer par celle de l’entreprise libérée - les étiquettes sont trop étroites ! Mais elle a mis en place ses propres rituels, autour du recrutement par exemple : chaque candidat est d’abord sélectionné par l’équipe technique avant de rencontrer le dirigeant.
Plus besoin de DRH, alors ? Pas pour les recrutements, mais pour « travailler la marque-employeur et tordre le cou aux idées reçues », encore trop nombreuses sur le marché de la Tech.
En juin dernier, le groupe Kardham (immobilier professionnel) a publié un livre blanc en partenariat avec Orange, intitulé « Reprendre la main sur l’espace pour manager en mode hybride ».
Nicolas Cochard, responsable R&D du groupe Kardham et historien du travail, rappelle à Alliancy à quel point nous avons jumelé le temps de présence et la production, sous l’influence du Taylorisme. « Pour la plupart des emplois tertiaires, ce lien est pourtant sans objet : nous pouvons très bien écrire un rapport en 3 heures plutôt qu’en 8, la nuit plutôt que le jour… Mais nous acceptions assez bien cet héritage de la pointeuse… jusqu’au télétravail, où son absurdité est devenue plus visible. »
La question du lieu a donc mis en lumière celles du temps, de la confiance et de l’autonomie. Le contrôle managérial, lorsqu’il est fondé sur le respect des horaires, suscite désormais un sentiment de doute et de rejet. Dans cette révolution en cours, le lieu en revanche reste un levier positif. Nicolas Cochard conseille aux managers de s’appuyer sur le lieu pour en faire un outil capable de resserrer les liens : « sacraliser des moments collectifs afin d’être vraiment ensemble physiquement, repenser l’endroit de la rencontre en fonction de l’objectif, aller plus souvent dans un lieu tiers pour participer à une expérience collective, inviter le collaborateur à un face-à-face physique, ritualiser par le présentiel l’intégration des nouveaux venus, et bien sûr faire des temps de réunion des moments riches ».
Les rémunérations et primes sont l’une des principales sources de tensions en entreprise. Pour avancer sur le sujet, certaines entreprises plaident en faveur de la transparence des salaires : ce partage des chiffres peut se faire en interne comme dans la start-up Tilkee, ou à l’externe comme le fait Buffer, qui publie sur son site les salaires de ses employés. D’autres, encore plus rares, décident de laisser les collaborateurs fixer le montant de leur propre salaire. C’est le cas chez Imfusio, qui conseille les entreprises dans leurs transformations et entend bien montrer l’exemple.
Autre approche, moins « risquée » mais pourtant encore très peu pratiquée : la publication des grilles de salaires de l’entreprise, comme le fait Shine. C’est aussi une manière de favoriser l’égalité hommes-femmes !
Golden Bees (HR Tech) ou Luko (néo-assurance habitation) ont misé sur les congés illimités et partagent leur expérience. Parmi les bénéfices relevés : un impact positif sur la productivité, même en prenant plus de congés que le reste de la population française et une valorisation de la marque-employeur : quel meilleur moyen de dire aux collaborateurs qu’on leur fait confiance ?
Chez « Les Filles et les Garçons de la Tech », une ESN « à mission », les collaborateurs bénéficient de la semaine de 4 jours payée 5, soit 12 jours de congés annuels supplémentaire, 17 jours alloués à la formation et 10 jours pour s’engager auprès des associations de leur choix.
Autre exemple, chez Orange, le « congé de respiration » permet aux salariés disposant de plus de 10 ans d’ancienneté de partir entre 3 et 12 mois, pour réaliser un projet personnel hors du groupe, tout en conservant une partie de leur salaire.
Manutan est spécialisée dans les équipements et fournitures d’entreprise. L’entreprise fondée en 1966 a basculé progressivement vers l’e-commerce, sans renoncer à la vente de terrain. Elle a annoncé au premier semestre 250 recrutements pour l’année 2022. Valérie Benoît, People Development Director, supervise 330 managers pour une population totale de 2 200 collaborateurs. Elle estime qu’être manager, c’est tenir le rôle de « courroie de transmission de toute l’entreprise. » Un poste qui demande d’être « à l’aise avec la communication, avec la transversalité, et capable de savoir ce qui se passe en-dehors de son périmètre ».
L’entreprise « chouchoute » ses managers depuis longtemps : « On leur parle de confiance et d’autonomie depuis 2015. On n’a pas attendu la pandémie. Nous responsabilisons nos managers, qui eux-mêmes peuvent ainsi responsabiliser leurs équipes. »
Dans le With Love Employee Group (questionnaire interne) de 2021, 73% des employés ont déclaré que « le management est accessible, ouvert au dialogue », 75% que « le management nous fait confiance pour accomplir notre travail correctement sans nous contrôler constamment » et 75% que « le management admet que des erreurs involontaires peuvent se produire dans le cadre professionnel. »