Nouvelle organisation, refonte de l’architecture pour intégrer modularité et temps réel, adoption du cloud… Le Club Med et son nouveau CDO posent les fondations pour des cas d’usage IA générateurs de valeur en 2023.
Les données constituent un capital stratégique pour les acteurs du tourisme, dont les opérateurs de villages vacances. Pierre & Vacances, par exemple, fait fructifier les données vocales des call-centers afin d’accroître les taux de conversion.
Club Med, une marque historique (créée dans les années 50) de cette industrie, s’efforce elle aussi depuis plusieurs années de valoriser son patrimoine de données. Avec plus ou moins de succès, d’ailleurs.
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Customer value, démocratisation et innovation
L’entreprise, propriété du conglomérat chinois Fosun International, demeure cependant convaincue des bénéfices de la data pour la satisfaction et la maximisation de la valeur client. A cette fin, les données doivent donc, notamment, participer à la personnalisation et être facilement consommables par les métiers.
Club Med a ainsi défini une stratégie Data reposant sur trois piliers principaux, comme l’expliquait le nouveau chief data officer de l’entreprise, Siddhartha Chatterjee, lors de Big Data & AI World.
Trois objectifs sont donc visés grâce à l’exploitation des données et de l’intelligence artificielle. Le premier est une amélioration de la “customer lifetime value”. Pour accroître la valeur des clients dans le temps, Club Med doit identifier en amont ses futurs consommateurs fidèles.
Le CDO souhaite également “démocratiser la Data” auprès des collaborateurs. Cela suppose un recours accru au self-service afin d’exploiter la donnée “pour gagner du temps et prendre des décisions data driven”.
Enfin, troisième pilier : l’innovation. L’équipe Data du voyagiste est en effet aussi en charge de l’émergence de nouveaux usages, grâce notamment à l’introduction de technologies temps réel, ou au travers de partenariats avec des startups.
Mais un des principaux défis dans la mise en œuvre de cette stratégie Data réside dans les talents. Siddhartha Chatterjee souligne que “des talents clés sont partis”, et ce notamment en raison de l’absence de certains outils plébiscités par ces profils très convoités.
Road 45 : la transformation Data du Club Med
Poids du legacy, BI, gouvernance et data lake ont également pénalisé jusqu’à présent les développements Data du Club Meda. Pour y remédier, la direction générale a lancé en 2021 un programme de transformation intitulé ‘Road 45’.
Les finalités sont multiples. Il s’agissait, d’une part, de basculer d’une architecture monolithique vers un modèle modulaire, et d’autre part d’augmenter la fraîcheur de la donnée ainsi que d’autonomiser les métiers sur la consommation des données.
Le Club Med dispose donc désormais d’une nouvelle architecture en temps réel bâtie sur la plateforme cloud de Google, GCP. Entre 80 et 90% des données stratégiques (CRM, réservations, centres d’appels…) sont collectées en temps réel.
L’architecture de la Data Factory se compose notamment de serveurs Kafka, qui interviennent pour l’ingestion temps réel des sources de données. Ces données sont ensuite versées dans des bases, SQL et BigQuery.
A cette “plateforme moderne et performante” s’est ajoutée une organisation adaptée pour en permettre l’exploitation. Et le CDO de préciser qu’il a installé, dès sa prise de poste, une organisation “fédérale, agile et pilotée avec des méthodologies type OKR [Ndlr : Objectives Key Results].”
Une équipe Data dédiée à l’adoption pour prévenir l’échec
Les missions de la direction Data se répartissent entre quatre équipes : data factory & innovation, self-service & DataOps (ex-BI), ML & IA, adoption. Cette dernière équipe dédiée à l’adoption constitue une nouveauté au sein du Club Med.
Elle collabore avec la direction technologique (DevOps) et les trois autres pôles data à l’adoption des solutions et algorithmes par les métiers. En plus de la constitution de cette entité centrale, Siddhartha Chatterjee indique que les effectifs des organisations régionales, les BU du Club Med, ont aussi été renforcés.
Des équipes Data sont ainsi actives localement. Sur la gouvernance, l’approche s’appuie là aussi sur un modèle décentralisé au travers de la définition de domaines de données. Chaque domaine dispose d’un responsable (domain owner) chargé de la qualité et du catalogage des données, en partenariat avec des data owners de son périmètre.
Ces fondations sont nécessaires, mais seuls les cas d’usages génèrent réellement de la valeur. La mise en production de “multiples” usages est en cours. La finalisation est annoncée pour 2023. Le CDO en cite certains.
Les applications développées visent ainsi à se doter d’une vision omnicanale (unifier les données des différents canaux), à réaliser du precision marketing (prédiction des comportements d’achat avant le séjour et sur les villages) et à procéder au routage intelligent des appels.
Ambition valorisation des données non structurées (voix et texte)
Les centres d’appels constituent “un grand générateur de business”, signale le chief data officer. Ceux-ci représentent entre 30 et 35% des ventes de l’entreprise. Ce canal est par conséquent stratégique sur le plan commercial et au niveau de la satisfaction client.
Des projets Data & IA ciblent donc spécifiquement les collaborateurs des centres d’appels. Il s’agit par exemple de fournir aux conseillers une interface regroupant toutes les données disponibles sur le client, ainsi que d’autres sources utiles pour optimiser le taux de conversion et la satisfaction.
Les centres collectent par ailleurs des volumes importants de données non structurées (appels enregistrés, commentaires sur les réseaux sociaux, réclamations client…). La Factory réfléchit donc à la valorisation de ces données.
C’est ce que fait déjà le groupe Pierre & Vacances Center Parcs, dont les call-centers traitent chaque année plus d’1,5 million d’appels. L’analyse de ces données non structurées permet par exemple d’extraire des irritants et potentiellement des causes de non-conversion.
Depuis 2020, Club Med développait quant à lui des cas d’usage des données axés en particulier sur le marketing. L’objectif était ainsi de stopper l’inflation des coûts média et d’améliorer la performance des campagnes, expliquaient alors ses représentants.
Ces projets n’ont pas été évoqués par le nouveau CDO lors de sa keynote, qui semble ainsi faire table rase. Siddhartha Chatterjee a en revanche fait référence au taux d’échec des initiatives Data de 85% calculé par Gartner. Et l’expert de considérer que les raisons de ces échecs sont “rarement techniques”.
Acculturer, communiquer et former les métiers
C’est un des motifs pour lesquels il a ainsi décidé d’intégrer une équipe adoption au sein de sa direction. “Les métiers et utilisateurs consommateurs des produits Data n’arrivent pas bien à comprendre leur utilité et à les utiliser de manière performante”, analyse-t-il.
Pour accentuer l’acculturation, le CDO insiste sur la nécessité de fonctionner en communautés, composées d’utilisateurs intéressés par les produits Data et qui pourront agir comme ambassadeurs dans les domaines métiers.
Afin de créer ces communautés et les alimenter, Club Med s’appuie sur Microsoft Teams, ainsi que sur l’outil collaboratif Workplace de Meta. Des communications via des newsletters sont aussi réalisées pour partager des informations sur les actualités, l’avancement des projets, etc.
La formation représente aussi un pilier indispensable à l’adoption. Cette formation peut être de natures diverses (technique, business…). Avec l’aide de partenaires, la direction Data lance des formations en différentes langues pour toucher ses publics internes au niveau mondial.
Démontrer la valeur en 2023 et intégrer la Data dans les villages
Selon Siddhartha Chatterjee, Club Med dispose désormais des briques qui lui permettent de franchir un nouveau cap de maturité : une moindre adhérence au legacy, une organisation fédérale, une plateforme moderne et temps réel, une roadmap de cas d’usage et des processus d’acculturation.
La promesse sera vérifiée à partir de 2023. Le programme Road 45 doit en effet se concrétiser par une “accélération business” et une appropriation au quotidien par les utilisateurs métiers.
Club Med souhaite en outre développer l’exploitation des données sur site, c’est-à-dire au sein de ses villages pendant la consommation de la prestation. La firme pourra pour cela tirer profit de son application mobile et des écrans installés sur les espaces physiques.
Cela représente une seconde étape de la transformation digitale du groupe, qui s’est d’abord concentrée sur le online et le volet commercial, comme l’explique le chief data officer.
“A partir de l’année prochaine, ou de 2024, nous commencerons la digitalisation dans les villages”, annonce-t-il.