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Collectivités : comment les DSI territoriales ont changé de périmètre d’action  

Systèmes d’information, développement numérique, le périmètre d’action des « DSI » s’est élargi au fur et à mesure que le digital, devenu une dimension transversale stratégique, a pris possession de nombreux volets de la vie des territoires, des collectivités et des administrés qui les composent. En Région Bretagne, à Bordeaux Métropole ou à La Roche-sur-Yon, le numérique et ses incarnations présentent des traits communs mais aussi des différences liées aux compétences spécifiques à l’échelon territorial concerné ainsi qu’aux moyens disponibles 

Comme tout département fonctionnel, peu importe qu’il soit dans le secteur privé ou la sphère publique, une direction du numérique et des systèmes d’information (DNSI) doit construire sa légitimité auprès des utilisateurs. « A l’instar du système nerveux d’un organisme, quand tout fonctionne bien, personne n’y pense ». C’est ainsi que Baptiste Le Coz, à la tête de la DNSI de la Région Bretagne, résume son métier. Epaulé par deux adjoints et 115 ETP, il incarne cette direction, dotée d’un budget de 17 M€ en 2024, hors équipements lycées et fonds européens.  

La mutualisation a contribué à la maturité croissante de la fonction IT/digital à l’échelle territoriale. La direction générale du numérique et des systèmes d’information de Bordeaux Métropole (70 M€ de budget/an en investissement et fonctionnement), pilotée par Jean-Nöel Olivier, opère le numérique pour la métropole et 19 autres communes. Soit un total de 22 500 utilisateurs et 1600 services numériques. « Il y a une forte composante d’aménagement numérique et d’attractivité du territoire dans notre action, explique Jean-Nöel Olivier qui anime l’équipe regroupant les 48 conseillers numériques déployés sur le territoire. A la Roche-sur-Yon, Emmanuel Chopot, directeur des systèmes d’information et du développement numérique (SIDN) revendique un statut de direction-ressource : « Nous sommes une direction métier au service de toutes les composantes des collectivités. Le point fort, c’est la mutualisation. La Roche-sur-Yon est déjà mutualisée avec l’agglomération. A terme, l’objectif est d’intégrer petit à petit l’ensemble des communes de l’agglomération, soit 13 au total en comptant la ville elle-même ».   

Cyber, cloud et numérique responsable, IA : une maturité qui se bâtit avec le temps 

Le numérique doit être « utile, utilisable et utilisé » dit Pierre Hurmic, maire de Bordeaux. La mutualisation a été un levier pour accroître la maturité numérique de la métropole bordelaise notamment en matière de cybersécurité et de gestion du cloud. « Mais chaque avancée s’est faite pas à pas, observe Jean-Nöel Olivier, en tenant compte des contraintes budgétaires. « Cette approche progressive nous a permis de maintenir un contrôle effectif sur les solutions choisies, en intégrant des principes de réversibilité pour le cloud, garantissant une indépendance vis-à-vis des fournisseurs », souligne-t-il.  

Un peu, beaucoup de SaaS… Dans ce domaine, les stratégies varient. La Région Bretagne a confié un certain nombre d’applications aux éditeurs, mais a encore beaucoup d’applications qu’elle héberge elle-même pour des « questions de maîtrise et de coûts », précise Baptiste Le Coz. « Le jour où on se fera pirater, car cela arrivera nécessairement, il faut que nous puissions minimiser l’impact et être prêts à redémarrer dans la foulée. La région a d’ailleurs quasiment sanctuarisé ses budgets cyber », ajoute-t-il.  A la Roche-sur-Yon, le passage des applications en mode SaaS a permis des mises à jour centralisées et rapides, offrant une modernisation continue « sans gestion serveur complexe », note Emmanuel Chopot. Pour ce dernier, un des plus gros défis à venir sera toutefois de mettre l’intelligence artificielle au service du territoire. « L’IA va s’intégrer peu à peu à nos applications métiers, reconnaît-il. Mais il faudra déterminer comment la faire intervenir à un coût écologiquement raisonnable pour qu’elle apporte un vrai service »  

L’IT comme soutien sans frictions des organisations 

Le numérique est devenu un moyen de transformation qui doit permettre d’être plus efficace dans la mise en œuvre des politiques publiques et du fonctionnement interne des institutions. Les outils déployés sont tous censés répondre à des impératifs de sécurité, de fluidité et de RSE (ex : frugalité énergétique).  

A chaque échelon, son projet de transformation structurant. En 2025, la Roche-sur-Yon va changer le système d’information patrimonial (SIP) permettant de gérer les interventions techniques sur le terrain. Un électricien, un plombier, un menuisier, quand il reçoit des consignes numériques, doit utiliser l’outil informatique pour pouvoir faire son suivi, assurer le reporting de ses interventions, faire un suivi des coûts, etc. 

L’inclusion numérique constitue aussi une valeur forte pour ces trois professionnels. « Même si notre plateforme moncompte.bzh, un équivalent breton de FranceConnect en quelque sorte permet d’accéder à énormément de services et compte 110 000 utilisateurs, il ne faut pas oublier qu’en Bretagne, environ 30 % de la population est éloignée du numérique. Nous voulons rendre le numérique accessible à tous, mais toujours avec une alternative humaine pour accompagner ces publics », explique Baptiste Le Coz pour la région Bretagne. De son côté, Bordeaux Métropole a engagé il y a deux ans une approche centrée sur l’usager (« Projet Pulse ») pour repenser son parcours en matière de services numériques. « Pour ce faire, nous avons adopté une méthodologie moins administrative et plus orientée vers le citoyen que nous avons élaborée en lien avec l’université Bordeaux Montaigne », signale Jean-Nöel Olivier. La Roche-sur-Yon travaille sur l’inclusion numérique en adaptant ses services aux seniors. Deux espaces France Services ont également été ouverts pour faciliter l’accès aux services numériques locaux. 

Les RH, un point de tension pour tous 

La crise sanitaire a boosté les métiers du digital et a renforcé le différentiel des salaires entre le secteur privé et le secteur public. « En France, on manque toujours de 80 000 postes d’ingénieurs par an en informatique. Ce déficit n’est pas épongé », regrette Baptiste Le Coz. Les tensions sur le recrutement demeurent donc un souci largement partagé par toutes les collectivités territoriales, quelle que soit leur taille. Certains métiers sont plus particulièrement touchés comme ceux de chef de projet informatique, d’administrateur réseau ou de chef de projet data. « Ces métiers sont devenus essentiels pour soutenir les ambitions dans le domaine de la ville intelligente, même dans les villes moyennes. Pour retenir les talents dans le secteur public, un des atouts que nous mettons en avant est la qualité de vie dans une ville moyenne en comparaison d’une grande métropole », avance Emmanuel Chopot. « Le souci n’est d’ailleurs pas uniquement d’ordre financier, nuance Jean-Noël Olivier. Il y a aussi des impératifs d’équité et de cohérence des grilles salariales. De facto, la difficulté à attirer et conserver des talents spécialisés, comme des data analysts par exemple, est accentuée par cette concurrence salariale ». 

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