Côme Berbain, le directeur de l’innovation du groupe RATP, revient sur les grands axes mis en avant lors de #Vivatech2022 : la transition écologique des villes, l’industrie en milieu urbain et l’innovation au service des voyageurs.
Quelles innovations allez-vous présenter cette année sur le salon ?
En tant que partenaire historique de l’événement, nous serons à nouveau présents pour cette sixième édition de Vivatech. Notre stand de 200 mètres carrés accueillera de nombreuses innovations autour de trois grandes thématiques : la transition écologique des villes, l’industrie en milieu urbain et l’innovation au service des voyageurs.
En ce qui concerne la transition écologique des villes, nous allons parler de bus à hydrogène, de réduction des émissions de particules et de qualité de l’air. Sur l’hydrogène, nous avons un premier bus opérationnel à La Roche-sur-Yon. Il est approvisionné par de l’hydrogène généré depuis un champ éolien. Pour nous, si l’hydrogène n’est pas vert, cela n’a aucun intérêt.
L’hydrogène reste encore un champ d’innovation. Nous essayons d’analyser quelle est sa place par rapport à l’électrique et au biogaz dont les technologies, elles, sont maîtrisées et industrialisées. L’hydrogène remplace idéalement l’électrique dans le cas de bus de 18 mètres (bus articulés) qui nécessitent de la recharge en ligne et beaucoup de batteries en raison notamment de leur poids. Autre cas d’usage très pertinent pour l’hydrogène : les minibus en zones interurbaines qui parcourent de grandes distances par jour (ramassage scolaire, navette en grande banlieue…). Le véhicule étant petit, il ne peut embarquer beaucoup de batteries.
Qu’entendez-vous par industrie en milieu urbain ?
Contrairement à certaines entreprises industrielles situées hors des villes, nous sommes un acteur industriel urbain, en souterrain certes mais au cœur de la ville. Parmi nos innovations, nous allons mettre en avant Perceval, un chien-robot quasi tout-terrain, qui est utilisé par les experts de RATP Infrastructure pour inspecter les environnements de travail difficiles.
Inspection des éléments chauffants, avec notamment relevé de température, inspection des sous quais du RER A, aide à la surveillance caténaire, ronde sur des sites avec postes à haute tension… Parmi plus de 40 cas d’usages identifiés, les missions de Perceval ont un objectif majeur : assister les équipes dans les tâches répétitives en facilitant l’inspection d’éléments difficiles ou dangereux d’accès.
Qu’en est-il côté innovation voyageurs ?
Dans cette catégorie d’innovations, nous allons parler de bus autonome. Nous aurons, dans le hall de Vivatech, un bus long de douze mètres, identique aux bus que vous pouvez prendre aujourd’hui sur une ligne RATP classique. La seule différence, c’est que celui-là sera autonome. Nous sommes à quelques mois du lancement de l’expérimentation avec voyageurs, sur la ligne 393, de ce bus opéré par le groupe RATP pour Île-de-France Mobilités.
L’occasion pour les visiteurs et futurs clients de découvrir le véhicule, ses lidars, caméras et capteurs. Le Groupe RATP est le premier opérateur en France à expérimenter un bus autonome de cette longueur. Cette expérimentation dépasse la seule mobilité autonome puisqu’elle permet de tester différents dispositifs d’aide à la conduite qui pourront améliorer la sécurité ou les performances des lignes régulières comme l’annulation d’angle mort.
Nous parlerons aussi intelligence artificielle pour mesurer les flux de voyageurs en temps réel. Cela permet de savoir s’il y a du monde dans le métro qui arrive ou sur le prochain quai, et où il vaut mieux se positionner afin de proposer la meilleure expérience de voyage qui soit.
Y a-t-il d’autres axes que vous souhaitez mettre en avant ?
Cette année, nous avons également choisi de mettre en lumière la question de la place des femmes dans le numérique, la tech et l’innovation. Aujourd’hui, j’emploie 40 % de femmes dans mes équipes. Ce n’est pas encore la parité mais, dans les domaines tech et innovation, c’est déjà énorme. Nous essayons de prendre notre part dans le fait de pousser la place des femmes dans ce domaine.
Et à travers notre fondation, nous menons des actions beaucoup plus en amont que le recrutement, notamment envers les jeunes filles au collège. Le phénomène que nous constatons est qu’il y a beaucoup d’autocensure au collège et au lycée. Quand vous cherchez des profils Bac+5 pour porter des projets d’intelligence artificielle, par exemple, il est trop tard, les femmes ont « disparu » du circuit et ce, très en amont. C’est donc quand elles sont au collège et au lycée qu’il est critique de travailler ce sujet si nous voulons recruter des candidates à Bac+5.
Quelle est votre stratégie vis-à-vis des start-up ?
Le sujet des start-ups se place plus largement dans la thématique des partenaires d’innovation. Aujourd’hui, nous avons plus de 140 partenaires. Ce sont des partenaires académiques, comme l’école des Ponts et Chaussées, le MIT ou l’École Polytechnique. Nous avons aussi des grands groupes, comme Alstom, ainsi que des PME et, bien évidemment, des start-ups. Celles-ci apportent une autre manière de regarder les problèmes et une capacité à développer très vite, ce qui n’est pas forcément toujours le point fort dans un grand groupe.
Il est donc intéressant de jouer cette complémentarité entre les start-ups et nous. Nous le faisons tout d’abord à travers notre filiale d’investissement, RATP Capital Innovation, qui investit dans de jeunes pousses dans le domaine des nouvelles mobilités et des nouveaux modèles économiques en matière de ville. Ensuite, nous avons notre accélérateur de start-ups, qui est un dispositif annuel. Chaque année, nous identifions cinq thématiques et nous lançons des appels à projets sur ces thèmes. Nous montons ensuite des partenariats avec les start-ups sélectionnées et les métiers internes du groupe. Les start-ups de la « promotion » 2022 de notre accélérateur seront présentes sur notre stand, sur le salon.
Quelles actions menez-vous auprès de vos collaborateurs en matière d’innovation ?
Nous menons tout d’abord des actions de sensibilisation et d’acculturation, en organisant régulièrement des cycles de conférences internes. Les derniers en date ont traité de décarbonation des bâtiments, mais aussi de nos activités industrielles – Industrie 4.0 – et sur le métavers.
Nous organisons aussi des learning expeditions. Nous emmenons tous les ans une quinzaine de personnes au CES et dans des salons divers et variés pour s’inspirer et s’acculturer à l’innovation. Nous avons aussi des processus de formation, notamment grâce à nos labs d’innovation. Nous formons les collaborateurs à la méthode d’innovation et au fait d’apprendre à se tromper vite et à se confronter rapidement au terrain et au marché.
Enfin, nous faisons participer les collaborateurs à l’innovation en organisant des challenges internes d’innovation participative. Nous partons des idées de tous les agents d’une entité du groupe. Vous n’imaginez pas à quel point les conducteurs de bus ou de métro – parce qu’ils vivent le service au quotidien – sont hypercréatifs et ont une multitude d’idées. Chaque jour, ils voient les problèmes, nous les remontent et proposent des solutions. Tout l’enjeu de ces challenges d’innovation participative est de partir de ces idées-là, qui viennent du terrain, et de mettre en place les bons projets.