Poursuivant son observation des attaques géopolitiques qui menacent l’économie et la société, Michel Juvin détaille comment le contexte actuel, qui compromet la philosophie initiale d’Internet, démultiplie les impacts de la guerre informationnelle.
Pour commencer cette chronique, je rappelle que les hommes doivent avoir accès à l’éducation et communiquer de manière libre et égale, selon la déclaration universelle des droits de l’Homme signée le 10 décembre 1948[1] (suivant l’inspiration d’ailleurs de la déclaration de l’homme et du citoyen signée sous la Révolution française de 1789).
Cette maxime a été profondément marquée ces dernières années par l’avènement d’Internet et la révolution de l’information qui en a découlé, avec en toile de fond une grande question : celle de la neutralité du Net. Dans la situation géopolitique actuelle, ce concept prend une dimension particulière. Il est en effet légitime de se demander aujourd’hui si nous ne nous dirigeons pas vers la fin de la neutralité du Net dans son sens le plus global, avec pour conséquence la fin de la confiance dans Internet et l’information.
Mais avant de répondre à cette question, rappelons rapidement l’origine du concept.
A l’origine, la neutralité du Net pour débloquer la recherche
Celui-ci peut être tracé jusqu’aux besoins initiaux du CERN, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire. Ses travaux sur l’identification des atomes sont en effet effectués après analyse des trajectoires à l’issue des collisions de deux trains de protons (lancés à la vitesse de la lumière et dans le vide le plus absolu sur un anneau de 27km situé à 100m sous terre entre la frontière française et suisse). Or, dès le départ, cette trajectoire est photographiée sur un support numérique de très haute définition (au niveau de l’atome) et le volume d’informations enregistrées lors des impacts est gigantesque !
Autrement dit, les ressources machines du CERN n’étant pas suffisantes, l’idée a été très vite de pouvoir publier ces données et le mode de calcul sur un réseau public pour que des personnes puissent prêter leurs « ressources machines » et contribuer aux travaux de recherche, via un réseau ouvert : Internet.
Tim Berners Lee rappelle la philosophie induite par cette pratique : Internet doit être un espace indépendant du contrôle étatique et décentralisé. L’objectif est de donner de l’information gratuitement pour permettre à chacun de trouver, de progresser, apprendre et contribuer à son tour en publiant son expertise et/ou sa compréhension de la société.
A partir de là, au-delà d’une information unitaire, beaucoup d’autres informations ont été publiées librement sur Internet. Elles sont aujourd’hui classées en information blanches (en accès libre), en informations grises dont l’accès, grâce à l’indexation, nécessite de faire des recherches dans un Internet plus profond (« Deep Web ») mais aussi en informations cachées non indexées, dans le « Dark Net » accessibles via un navigateur spécifique, et, souvent, en donnant des gages à des « e-criminels » sans aucun contrôle éthique.
Beaucoup de particuliers et d’entreprises ont donc publié des explications, des livres, des notices techniques, contribué à des réseaux de discussion, parfois pour des raisons commerciales ou simplement pour exprimer des idées. Précédemment, ces informations ne pouvaient être consultées que dans des bibliothèques, lors de réunions ou encore de formations. En quelques mots, l’accès libre à l’information a donc révolutionné le monde et le partage de l’accès du savoir pour le bien de l’évolution de l’Homme. Wikipédia est certainement le site le plus représentatif de cet élan.
Jusqu’il y a quelques années, on n’osait par ailleurs pas imaginer qu’une fausse information soit publiée sur Internet. Quand cette prise de conscience a commencé, la plupart des sites et des réseaux sociaux se sont appuyés sur des département de « fact-checking » pour supprimer les fausses nouvelles et conserver la confiance des utilisateurs.
Mais au-delà de cette philosophie générale, il est important de comprendre que la neutralité du Net se décline en parallèle autour de quatre domaines différent : le juridique, le social, le cyber et le domaine politique.
Faisons le tour de ces implications.
La neutralité du Net sous l’angle juridique
La définition de la neutralité du Net suivant le règlement Européen du 25 novembre 2015 établi :
- le droit des utilisateurs d’accéder aux informations et de pouvoir publier de manière libre par l’intermédiaire de leur service d’accès à internet,
- Obligations aux fournisseurs d’accès à Internet de traiter tout le trafic de manière égale entre les utilisateurs.
Pour être exhaustif, il faut associer à ce règlement, la loi SREN de mai 2024 dont l’objectif est de protéger l’internaute et en particulier les jeunes Français par un contrôle et la suppression des informations non conformes à la loi.
La neutralité du Net sous l’angle social
Un accès libre et égalitaire à l’Internet offre la possibilité à tous de se documenter, d’apprendre ainsi que de rapprocher les Hommes. C’est par l’intermédiaire des réseaux sociaux que beaucoup de personnes ont eu la chance de retrouver des membres de leur famille qui s’étaient éloignés. En la matière, un mémoire d’un élève de l’Exécutive MBA CMSRI documente actuellement l’usage des réseaux sociaux facilitant le rassemblement des familles afin de mettre en place des réunions festives autour des Anciens.
La neutralité du Net sous l’angle Cyber
Il n’aura pas échappé aux professions de la cybersécurité que l’accès à l’information pour tous met l’ensemble des internautes à la portée des cyber-attaques ; que ce soient des escroqueries, des usurpations d’identité (deep fakes compris) ou encore des tentatives de fraudes contre les individus et les entreprises. Le nombre de cyber-attaques est en constante progression et révèle une protection insuffisante / inefficace contre l’ingéniosité des hackers et les organisations cybercriminelles étatiques.
La neutralité du Net sous l’angle politique
De manière concomitante, la décision de la cour d’appel de Cincinnati le 2 janvier 2025 abrogeant pour les USA la neutralité du Net et, la suppression des départements de vérification des informations publiées sur les réseaux sociaux (Tweeter/X puis ceux de Méta) ouvre la voie à la manipulation de l’information, à la restriction de l’accès à Internet (suivant le profil des utilisateurs) et à la désinformation.
Dans la chronique « Les Carnets de Michel » de décembre 2024, je démontrai qu’Internet a été une des armes utilisées pour faire basculer certains pays sous emprise russe (à l’issue de la deuxième guerre mondiale) vers l’OTAN et l’Europe, on s’aperçoit aujourd’hui que les réseaux sociaux tentent de faire basculer politiquement des pays sous emprise occidentale vers les puissances non démocratiques de l’est du monde.
Certains pays l’ont compris et commencent à interdire l’accès aux réseaux sociaux dont celui d’origine chinoise : TikTok. On l’a vu notamment en France (temporairement en Nouvelle Calédonie dans le cadre de l’élection de Mai 2024), mais aussi en Australie et en Suède pour les moins de 16 ans. Certains pays ont par ailleurs mis en place des organismes de vérification des informations comme en France avec PEReN et Viginum (pour contrôler les ingérences politiques de l’étranger) afin d’éveiller les citoyens et de maintenir une certaine confiance dans les informations publiées sur Internet et les réseaux sociaux. Heureusement, les médias traditionnels (télévision et journaux officiels) conservent encore des départements de journalistes qui vérifient les informations.
Vers la fin de la neutralité et donc de la confiance dans Internet ?
Au-delà de ces seuls exemples, le contexte devient de plus en plus difficile pour le respect de la neutralité du Net. Listons certains des faits les plus emblématiques qui mettent en évidence les changements majeurs que nous vivons actuellement :
- Les Etats-Unis ont aboli un décret émis sous la précédente administration Biden en faveur d’un accès égalitaire à Internet le 2 janvier 2025.
- Contrairement à la philosophie initiale d’Internet de Tim Berners Lee, les réseaux sociaux et les Intelligence Artificielle ont centralisé l’information dans leurs datacenters (qu’ils soient américains ou chinois) et leurs algorithmes de consultation de l’information privilégient leurs orientations politiques,
- La Russie comme la Chine avec le Great Firewall, la Corée du Nord, et bien d’autres pays, ont coupé ou restreint Internet à tous leurs citoyens, les privant d’un partage d’information à l’échelle mondiale ; ainsi même l’utilisation de VPN localement ne permet plus d’accéder à un Internet occidental !
- Elon Musk a supprimé le département de « fact checking » de son réseau X (ex Twiter) en 2023 lui permettant de publier des fausses informations sans opposition ; il retire aussi Twitter du code des bonnes pratiques de l’UE dans la désinformation.
- Et Meta a également mis fin au fact-checking en janvier 2025 suivant la stratégie de Musk d’une « liberté d’expression totale de usagers ! » qui feraient naturellement leur propre censure des fausses informations.
- Désormais il faut également ajouter les « fakenews » issues des publications assistées par l’Intelligence Artificielle qui permettent très facilement à chacun d’usurper l’identité d’une personne (souvent connue) et de lui faire exprimer de fausses informations ; parfois les images vidéo sont fabriquées en temps réel !
Le constat est donc saisissant : il est synonyme d’une fin de la neutralité du Net et de l’accès pour tous ; Internet, par l’omniprésence des réseaux sociaux, devient en premier lieu un outil de propagande politique limitant pour chacun l’ouverture d’esprit et l’accès à des informations contradictoires pour exercer son libre arbitre.
Non-neutralité des algorithmes
Cette situation est par ailleurs renforcée par l’usage d’algorithme privilégiant certaines informations sur les réseaux sociaux. Un tel algorithme privilégiant les messages est facile à comprendre même s’il est difficile d’en avoir une définition fonctionnelle précise. Si on prend l’exemple de X :
- La sélection des tweets est effectuée par le choix de l’utilisateur en fonction des informations consultées. Progressivement, l’utilisateur voit ce qu’il apprécie et est ainsi récompensé puisque l’algorithme privilégie ce qu’il préfère. Au bout de quelques semaines, l’algorithme fera une sélection automatique et l’utilisateur prendra du plaisir à ne pas quitter l’application. Commercialement, il restera plus longtemps et donc verra plus de messages publicitaires. La plateforme sera gagnante. C’est ce qu’on appelle l’enfermement algorithmique.
- Concernant X, les tweets émis par Elon Musk apparaissent forcément dans les 3 premiers tweets consultés même si Elon Musk n’est pas dans votre liste de relations préférées !
Plus l’utilisateur consulte les réseaux sociaux, plus il est récompensé et il devient ainsi « addict » sans se rendre compte de cette dépendance. L’exemple de l’arrêt pendant 14 heures de TikTok aux US juste avant le 20 janvier a provoqué des messages incroyables de dépendance à ce type de plateforme montrant la rupture avec la réalité de la vie en société.
Avec une utilisation importante de ces réseaux sociaux et la quantité d’informations consultées, celles qui sont volontairement fausses vont donc devenir « justes et réelles ». Il est alors très facile de faire basculer les personnes n’ayant pas ou peu d’esprit critique vers une orientation politique ou encore de les manipuler. Cette pratique est celle utilisée par les régimes politiques qui modèrent l’information sur les chaînes publiques d’informations comme en Russie ou encore en Chine, ainsi que d’autres pays ayant un sens de la démocratie différent de celui de l’occident.
Petite histoire géopolitique de l’arme de la communication
On le voit bien, la question de la neutralité du Net a un lien direct avec des grands enjeux sociaux autant que géopolitique. Pour mettre encore plus en évidence ce lien, il est utile de revenir rapidement sur l’importance prise par l’arme de la communication dans l’histoire de l’Humanité.
En effet, l’Homme a toujours dû se battre, par la force et l’adaptabilité, contre les éléments et les autres êtres vivants ; avec une volonté endémique de combat pour posséder plus. L’évolution des armes, depuis les premiers bâtons jusqu’aux armes atomiques, s’inscrit dans cette logique. Et dans la droite lignée de cette évolution il existe une arme qui ne nécessite pas de grosse infrastructure et dont l’efficacité y compris à distance peut être est redoutable : c’est l’arme de la communication, dont Internet est devenu l’un des plus grands démultiplicateurs.
L’arme de la communication a été très tôt utilisée pour la guerre. Dans l’histoire récente, l’exemple de la guerre en Irak en 2003 est généralement celui dont on se souvient le mieux. La préparation de l’opinion américaine avec des fausses interviews de Koweïtis médisant de l’occupant Irakien puis le mensonge de la présidence américaine devant l’ONU à propos de la présence de l’arme nucléaire a créé un précédent majeur dans la désinformation. Or, lors de cette guerre, les journalistes sur place étaient placés dans un centre où ils ne pouvaient recevoir d’information que d’autres journalistes triés par les militaires.
Nous retrouvons cette volonté de contrôle étroit de l’information à la Maison Blanche en ce début d’année 2025 : en conférence de presse, de nouveau les journalistes sont filtrés en fonction de leur accord avec la nouvelle dénomination du Golfe du Mexique comme un « Golfe d’Amérique ».
Mais au-delà de ces exemples institutionnels, il faut bien comprendre que la désinformation est une activité finement orchestrée. Ainsi, l’astroturfing[2] (processus de désinformation) est une pratique commerciale qui simule des faux commentaires positifs en faveur d’un premier message qui lui-même est orienté (mécanisme utilisé pour les faux commentaires et avis d’internautes), renforçant ainsi l’importance du message initial. Certains de ces Botnets sont constitués d’esclaves (Thaïlandais, Indiens, Philippins, Chinois et sont donc prisonniers de leur liberté) comme le montre ce reportage sur France24. Ces camps de travail forcé sont situés dans le nord du Cambodge, en Birmanie, en Chine mais aussi en Europe centrale dans des pays colonisés par la Russie.
La désinformation, mésinformation et malinformation sont des armes de communication utilisées dans le cadre des cyber-attaques informationnelles d’états à l’encontre des pays majoritairement occidentaux. On peut d’ailleurs s’amuser de voir que le mot « désinformation » est apparu en 1953 dans le dictionnaire russe et seulement en 1980 dans le dictionnaire français[3].
Des actualités qui nous rappellent l’importance de la lutte contre la désinformation
Rappelons à quel point les exemples de désinformations sont nombreux et stupéfiants :
- Les opérations contre les JOP de 2024 expliquées par le rapport de la Viginum, notamment la campagne Matriochka Juin 2024 en provenance de la Russie[4],
- Les messages relayés par les télévisions RT et Sputnik notamment pour déstabiliser les pays africains,
- La campagne de désinformation sur TikTok en faveur du candidat Roumain pro-russe (Calin Georgescu), comme le montre l’excellent rapport de la Viginum de Février 2025 dénonçant l’ingérence étrangère russe dans cette élection présidentielle dont sont aussi victime la Géorgie et la Moldavie,
- La campagne de désinformation pro-Trump d’Elon Musk qui a publié un nombre très significatif de fausses informations en faveur de son candidat sur X,
- Création aux USA en 2018 par Elon Musk d’une plateforme de notation des journalistes ouverte à tous qu’il propose d’appeler Pravda! (Vérité en Russe).
- Enfin, très récemment, l’ingérence informationnelle d’Elon Musk via son réseau contre le premier ministre Anglais ou encore le représentant du gouvernement Allemand ; utilisant mêmes des injures à leur encontre.
L’un des exemples à suivre est celui de la Roumanie. Il sera très intéressant de pouvoir constater lors de la prochaine élection présidentielle dans quelques semaines, l’importance de la campagne de désinformation russe sur les Roumains qui devront à nouveau à exercer leur libre arbitre.
On s’aperçoit que la désinformation est majoritairement effectuée via les réseaux sociaux et touche des populations différentes. L’étude conçue par Laurent Cordonier, Directeur de recherche de la Fondation Descartes, met en évidence la réception de l’information sur les français. En l’occurrence, les populations séniors sont plus réceptives aux médias traditionnels et les plus jeunes aux médias sociaux. Or, il reste une activité de vérification de l’information sur les médias traditionnels effectuée par les journalistes ; conformément à la loi française et Européenne. Alors que sur les réseaux sociaux, les cellules de vérification des publications sont dépassées ou supprimées, comme pour X par exemple ; quand elles ne sont pas influencées par des instances étatiques comme pour TikTok par exemple.
En la matière, le mémoire de stage de Pierre Berthoux de novembre 2018 « Le rôle du Journalisme à l’heure de la désinformation » publié chez Académia et Reporters Sans Frontières présente des faits intéressants :
- Les états ont conscience des capacités de désinformation que les réseaux sociaux peuvent véhiculer. Progressivement ils constituent leur arsenal législatif pour tenter de réguler ces plateformes.
- Les internautes sont convaincus que les médias (l’élite politico-médiatique) leur cachent des choses et vont accepter de partager une information même s’ils ont conscience qu’elle est peut-être fausse[5]; il suffit que cette dernière ait un semblant de vérité.
- A mesure que les réseaux sociaux prennent de l’importance, l’importance du rôle de vérification des faits exercée par les journalistes diminue.
- Sur le Web, toutes les informations présentent la même « aura » ; que ce soit un expert ou un quidam ; pas de reconnaissance de l’expertise et diminution de la reconnaissance de la science.
- Le système de contrôle exercé par les pouvoirs en place s’appuie sur la tromperie.
- TikTok est un puissant outil de communication utilisé par les pouvoirs en place pour désinformer leurs peuples ; une trentaine de pays sont cités : la Turquie, la Chine, le Vietnam, l’Inde, Thaïlande, Iran, et bien sûr la Russie. Désormais, à la suite de la position de D.Trump, les USA ont aussi utilisé TikTok comme outil de maintien de désinformation pour rester au pouvoir.
- Christophe Deloire précédemment secrétaire général de RSF rappelle que « s’en remettre à la sagesse des foules pour savoir quels sites d’information sont dignes de confiance est un leurre qui peut s’avérer dangereux ».
- Citant François-Bernard Huyghes (Directeur de recherche à l’IRIS) et pour ne pas la confondre la désinformation et le mensonge, Pierre Berthoux rappelle que la désinformation est un ensemble de trois facteurs : « une intention stratégique, une intention médiatisée et un processus qui servent aux intérêts de son initiateur au détriment de la cible ». Le mensonge n’est pas associé à un processus de désinformation.
Enfin, il faut rappeler que les biais cognitifs des Humains issus de la loi de Brandolini, en particulier celui appelé « disqualification du positif », font que les messages à caractère politique et les fausses informations ont 70% de chances supplémentaires d’être retweetés alors que la vérité a besoin de 6 fois plus de temps que la fausseté pour atteindre une cible de 1500 personnes. Les Humains sont ainsi les moteurs de ce chaos informationnel !
Alors, comment faire pour bénéficier d’un internet de confiance ?
Pour retrouver un internet digne de confiance suivant la définition philosophique de Tim Berners Lee cité au début de cette chronique, de nombreuses actions semblent nécessaires.
L’objectif serait déjà de renforcer les structures de « Fact-Checking » pour confirmer les informations vraies et avoir le moyen d’associer automatiquement aux fausses nouvelles les motivations politiques sous-jacentes ; cela permettrait de pondérer le poids de ces désinformations. Il s’agirait alors d’entrainer ou de former tous les internautes, y compris les élèves des collèges et lycées, de s’exercer à l’esprit critique.
Lorsqu’il y a débat ou doute sur une information (une information est un renseignement non vérifié), celle-ci pourrait être mentionnée systématiquement comme « non vérifiée ; en attente de vérification » et une réunion d’experts aurait lieu, constituée aussi de journalistes dont le profil est public et non rattaché à un parti politique, auront débattre pour confirmer ou infirmer l’information. Wikipedia propose cette possibilité et, bien que parfois des non-experts s’insèrent dans le débat, la vérité est globalement constatée.
Cependant, ces experts sont exposés alors aux tactiques pratiquées par les organismes (Etats ou grandes sociétés privées) spécialiste de la désinformation :
- Les prédateurs de désinformation produisent leurs messages suivant leurs objectifs politiques,
- Les premiers destinataires (leurs sympathisants qui sont souvent fictifs et achetés : social botnets ou commentateurs payés ou encore les esclaves cités précédemment) vont amplifier par leur retransmission les messages : c’est l’amplification algorithmique,
- Des actions d’intimidations sont alors engagées pour discréditer les porteurs des vraies informations : les experts ou journalistes.
Cette stratégie d’attaque est la même que celle qui est dénoncée par RSF sur les journalistes dans l’infographie du 12 avril 2018. N’oublions pas que le rôle de ces experts et journalistes est primordial dans cette infobésité notoire qui inonde internet et les réseaux sociaux, et toute action étatique visant à réduire leur rôle indique le degré de dictature de l’information d’un état, comme cela semble se produire aujourd’hui aux Etats-Unis.
Comme on l’a vu, il ne suffira pas à une hypothétique force de réussir à recouvrir la philosophie initiale d’internet, les biais cognitifs humains mettront toujours en danger la vérité.
Une réaction européenne s’impose
Les pays Européens majoritairement (aujourd’hui) tentent de mettre en place des lois pour limiter la propagation des fausses informations qui détruisent leur démocratie ; mais ce combat sera toujours en retard par rapport aux développements des stratégies d’attaque et aux technologies disruptives comme l’IA peut le faire en ce moment. Rappelons que les IA s’appuient sur les informations accessibles sur Internet !
Et si l’éducation pouvait contribuer à lire entre les lignes ! Comme les experts et directeurs cybersécurité le font régulièrement lors de nos formations, une de nos fonctions est d’anticiper et de prévenir les utilisateurs face aux risques d’attaques lorsqu’ils manipulent l’information. Nous aidons les utilisateurs à identifier les fausses informations et avoir un œil critique sur tous les messages. Comme le propose Pierre Berthoux dans son mémoire, nous pourrions aider les utilisateurs à distinguer les fausses informations en les aidant à deviner et comprendre l’intention sous-jacente de créer le désordre, et cela pour chaque information.
A titre d’information, la Fondation Descartes est une initiative citoyenne apartisane qui analyse les informations et les désinformations ; elle peut nous aider à faire la différence entre le vrai et le faux et retrouver confiance dans l’information et les médias.
Rappelons-le : la recherche de la vérité à un coût et dans ce monde soumis à autant de conflits géopolitiques et de guerres économiques (même entre alliés) y compris les actions de déstabilisation de la démocratie, il faut peut-être protéger l’Europe et leurs démocraties comme le dit l’ancien premier ministre Dominique de Villepin dans Médiapart le 17 janvier 2025, avant de tenter de retrouver la neutralité du Net demain ? En tout cas, soyons averti et engageons-nous pour que la force de la loi prime sur la loi de la force !
[1] https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/dudh_cle8bfd42-1.pdf « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; abus qui est en France sous le contrôle d’un juge judiciaire Article 66 de la loi pénale lorsque le contenu informationnel constitue une infraction !
[2] Ou similitantisme en Français largement pratiqué par la société Cambridge Analytica en 2016 en amont de la première élection de Donald Trump à la Maison Blanche
[3] Bien qu’il existât un « quatrième pouvoir » en France évoqué par Balzac dès 1840 !
[4] La France a aussi fait preuve d’innovation en publiant son rapport en Russe, pour être sûre d’être lue !
[5] L’humoriste Anne Roumanoff a intitulé son spectacle « on ne nous dit pas tout » !