David Ramon, directeur Data et CRM du groupe Rocher, a partagé sa méthode pour réussir sa transformation numérique à l’occasion d’une intervention lors du salon Big Data AI. Le groupe prône une vision 360, c’est-à-dire des données accessibles et élaborées par tous les collaborateurs, IT comme “métier”.
Prise de décision, optimisation et amélioration de l’expérience client… la data et l’IA sont au centre de ces évolutions. Le groupe Rocher, spécialisé dans les marques de cosmétiques et textiles, en a bien conscience et a accéléré sa transformation numérique depuis 2020. Lors d’un atelier sur le salon Big Data & AI, David Ramon, directeur Data et CRM du groupe Rocher a souhaité partager son expérience et exporter son modèle dans d’autres entreprises.
En termes de processus, le premier chantier a consisté selon lui à décloisonner les données de gestion de la relation client, en créant une stack data – une pile de données – CRM, commune pour les douze marques du groupe. David Ramon insiste sur cette nécessité d’obtenir ainsi une vision 360” pour améliorer la communication et l’expérience client. Les premières transformations ont permis l’optimisation des coûts médias, qui représente 8 millions de clientes à opérer à travers plusieurs mediums, et d’importantes dépenses à la clé. “Aujourd’hui, la fameuse lettre Yves Rocher est envoyée aux clientes en fonction de leur appétence aux différents médias. Cette optimisation a permis de financer la première étape de notre transformation”, explique David Ramon. Une manière de prouver auprès de toutes les parties prenantes de l’entreprise qu’agir sur la data permettait bien des optimisations importantes et des résultats concrets.
Réorganiser le groupe Rocher
En ce sens, le groupe français a revu la collaboration entre ses équipes IT et les directions métiers, par la formation de binômes collaboratifs pour construire les produits data en parfaite synergie. “Il faut remettre les métiers au cœur de la production de Dashboard [NDLR : tableau de bord des données d’activités], leur mettre à disposition des données de qualité, et, ainsi, créer de la confiance”, a souligné le directeur Data et CRM du groupe Rocher. C’est pourquoi, les métiers pilotent dorénavant par exemple la qualité des données centralisées dans les plateformes de données clients. Aujourd’hui, les customer journey ou parcours client, basés sur des insights data, peuvent être partagés plus facilement. Ainsi, les autres équipes, pays et marques peuvent s’inspirer d’un modèle efficace, voire le reproduire. L’objectif en cours pour le groupe Rocher, est de passer d’une intelligence économique classique, avec une forte contribution des équipes IT, à de l’analytique en libre-service ou self-service analytics. Le directeur Data et CRM reconnait cependant que le travail est encore en cours, car il implique des changements structurants en termes de gouvernance. Les équipes risquent sinon de reproduire une “vérité alternative” sur les façons de créer des indicateurs clés de performance, par exemple.
La valeur ajoutée de l’IA
Le groupe tente donc d’instaurer une gouvernance à travers le déploiement de l’IA. L’intelligence artificielle générative a en effet permis de mieux expliquer la valeur ajoutée des outils numériques en général, notamment à travers les hausses de performance. Pour 2025, le groupe Rocher construit donc un programme d’IA à l’échelle, visant l’acculturation des collaborateurs et une meilleure détermination des projets à valeur ajoutée. “Le groupe décidera d’un budget global alloué à l’IA. Puis, en interne, les “AI champion” de chaque métier pourront “pitcher » leur idée. Si une valeur ajoutée est détectée, alors mon équipe pourra passer le projet à l’échelle avec une industrialisation du processus”, raconte David Ramond. La gouvernance mise en place s’accompagnerait également d’un organe de régulation, nommée “AI Inside Board”.
En la matière, les enjeux sont forts, notamment à cause des difficultés à définir un langage métier et une couche sémantique cohérente à l’échelle. “On ne sait pas encore comment l’implanter ni la faire vivre, parce que développer une définition commune est très chronophage”, avoue le directeur Data du groupe.
La prochaine étape ?
Les outils d’analytics conversationnels pourraient bien être une réponse au passage à l’échelle, notamment en matière de data visualisation. Le groupe Rocher commence ainsi à interroger les données en prompt, donc en langage courant, et envisage le passage à la commande vocale. Cette évolution nécessite cependant des cadrages de vérification pour instaurer une confiance suffisante chez les utilisateurs métiers.
Selon David Ramond, l’outil conversationnel offre d’une certaine façon la possibilité de démocratiser l’accès aux données en masquant l’interface d’intelligence économique qu’était la “Business Intelligence” utilisée par le passé. Les prises de décisions pourront ainsi davantage se fonder sur les données. “Cette technologie présente encore trop de défauts et ne peut pas totalement remplacer les Dashboard. Elle serait plutôt complémentaire”, relativise cependant le directeur Data et CRM.
Démultiplier et passer à l’échelle
De manière générale, David Ramond conseille aussi aux entreprises d’investir dans un profil datascientist poussé pour “cruncher” la donnée sur un domaine particulier, avant d’investir dans des profils plus IT. Cela étant, il rappelle que les POC (preuves de concept) – ne génèrent pas de valeur : chercher le passage à l’échelle est donc une priorité. Et en la matière, tous les métiers de l’entreprise ne sont pas forcément égaux. « Nous devons nous adapter aux différents niveaux de maturité d’un domaine à l’autre. Pour certains, on jouera un rôle d’incubateur data ; quand, pour d’autres, avec une équipe scientist opérationnelle, nous aiderons à passer à l’échelle en leur donnant un maximum de pouvoir pour minimiser l’intervention IT”, affirme David Ramond. Au-delà de ses expériences en matière de relation client, le groupe français espère maintenant pivoter sur d’autres domaines, tels que la finance et la chaine d’approvisionnement.