Comment le plus gros datacenter de France se prépare à accueillir les Jeux olympiques de Paris 2024 ? 

Diffusion télévisuelle, réseaux internet, cybersécurité, billetterie… À Paris 2024, le numérique sera partout. Derrière ce monde virtuel se cache la réalité physique des datacenters qui seront mis à l’épreuve sur le plan de la performance et de la sécurité. Reportage.

« Ce sont peut-être les derniers lieux physiques du numérique », souligne Gérome Billois, expert en cybersécurité chez Wavestone. Les datacenters sont l’arrière-boutique qui abritent les données et les puissances de calcul des entreprises comme des grands événements. À un mois du début des Jeux olympiques de Paris 2024, les entreprises pilotant ces sites stratégiques se montrent frileuses pour évoquer les dispositifs mis en place durant l’événement. À l’exception de Digital Realty, numéro un mondial du secteur, qui a ouvert les portes de son fleuron à 1.5 milliard d’euros, situé à La Courneuve, aux portes de Paris. 

Dans les salles de stockage, des rangées de baies regroupant des serveurs trônent derrière des grilles. Au sein de cette pièce blanche et climatisée, les clients de Digital Realty peuvent réserver tout ou partie de l’espace pour y installer leurs technologies. Sur le toit de cet immense bâtiment circulaire, de la même taille et à quelques pas du Stade de France, les installations rappellent celles de grands industriels. Fabrice Coquio, président de la branche française de l’entreprise, le confirme : « C’est une usine ». D’imposants tuyaux circulent en provenance de l’intérieur du bâtiment. Des allées de grilles d’aérations soufflent l’air chaud expulsé par les climatiseurs, sous des toiles d’ombrage pour atténuer la chaleur.  

Les datacenters pour absorber un “mur de la data”  

Ce site, dont la quatrième et dernière section sera finalisée en 2025, sera clé dans le fonctionnement des Jeux olympiques de Paris 2024. Sa proximité avec la capitale et de nombreux sites olympiques comme le village des athlètes, le Stade de France ou encore le site du Bourget, offre la possibilité à ses clients, dont font partie les principaux partenaires de l’événement, d’obtenir une réactivité très forte. « Nous créons de la donnée, la stockons et sommes capables de l’envoyer à Paris en 8 millisecondes », assure Fabrice Coquio. Il ajoute : « Nos clients se préparent pour les JO depuis longtemps ». 

Durant cet événement, suivi par près de 4 milliards de téléspectateurs, Digital Realty se prépare également à un échange de données attendu à près de trois fois le poids de celui connu à Tokyo en 2021. Selon le président de la filiale française, il existe un réel enjeu de diffusion qui repose sur la structure des réseaux et l’assurance de maintenir les connexions. « Il est important de travailler sur la redondance pour basculer immédiatement en cas de problème », estime Fabrice Coquio. « Nous avons doublé ces cinq derniers mois, le nombre de connexions installées », ajoute-t-il, observant un phénomène d’accélération de l’installation de nouvelles machines. « Durant les JO, notre consommation électrique devrait augmenter de 20 % ». 

À travers la circulation de vidéos en qualité 4K, d’échanges de communication, d’interviews ou de jeux associés, Fabrice Coquio estime que ce sont des milliards de pétaoctets de données qui vont être échangées en août prochain. Autrement dit, des millions de milliards de milliards de d’octets. Un nombre des plus abstraits. « Les datacenters ne font pas les JO mais ils permettent les JO », affirme-t-il. « Nous sommes face à un mur de création de données », observe le dirigeant, soulignant une tendance qui s’inscrit même au-delà de l’événement et qui montre l’importance grandissante des datacenters dans de nombreux domaines de la société. « On estime une multiplication de la donnée par dix tous les 6 ans », explique-t-il. 

Une sécurisation physique et virtuelle 

Dans ce monde virtuel, une réalité physique ne doit pas échapper aux entreprises de datacenters. « Ils doivent être implacables sur la sureté », estime l’expert en cybersécurité chez Wavestone, Gérome Billois. . Sur le site Paris Digital Park de La Courneuve, la sécurité est partout. Trois bornes escamotables protègent deux grands portails automatiques, formant un sas, permettant de contrôler strictement les véhicules entrant dans la zone. Dans les couloirs du bâtiment, seuls des agents de sécurité permettent l’accès aux 40 000 m² de salles hébergeant les serveurs, soit la taille de sept terrains de football sur plusieurs étages. « Durant les Jeux olympiques, nous aurons une vigilance accrue, en diminuant les congés du personnel », déclare Fabrice Coquio.   

Concernant la sécurité virtuelle, ou cybersécurité, Digital Realty laisse à ses clients la possibilité d’ajouter plusieurs couches de sécurité. « La responsabilité des datacenters est de faire fonctionner le serveur », indique Gérome Billois, ajoutant que la cybersécurité gérée par ces entreprises est souvent réduite aux contrôles d’accès, caméras de vidéosurveillance, groupes électrogènes de sécurité ou encore la climatisation. « Ce sont tous des systèmes numériques qui peuvent être piratés et pourraient causer de gros dégâts », poursuit l’expert en cybersécurité. Malgré tout, ils peuvent fournir, au-delà de la zone de stockage, des offres de services cloud ou encore des services de protection. 

« Selon le niveau de service, les datacenters ont des responsabilités qui peuvent être importantes auprès de leurs clients », indique Gérome Billois qui estime que durant les JO, ces sites peuvent être des cibles de choix pour les cybercriminels. « On peut imaginer des scénarios d’attaque sur les systèmes de climatisation ou d’incendie », indique-t-il. Selon lui, la climatisation est l’actif clé du fournisseur de datacenter. « Si elle s’arrête, il peut y avoir des problèmes matériels qui peuvent aller jusqu’à leur destruction », avertit l’expert en cybersécurité chez Wavestone. Des conséquences qui pourraient, par ricochet, nuire à un évènement suivi par la moitié de l’humanité.