Pour la gouvernance de l’entreprise, le cloud aura eu un effet notable : la mise en concurrence des DSI avec des acteurs contre lesquels elles n’ont pas été historiquement armées pour lutter. Beaucoup d’entre elles n’ont d’ailleurs vu venir la problématique qu’au dernier moment… en étant mis devant le fait accompli par une business unit « partie » chez Amazon ou Azure. Cette mise en concurrence de facto pose de nombreuses questions à la DSI : qu’est-ce qui me différencie de ces concurrents externes ? Comment vais-je fidéliser mes clients ? Où se situe exactement la valeur que je peux apporter ?
Les réponses à ces interrogations sont d’autant plus importantes qu’il est illusoire pour une DSI de pouvoir espérer tenir les tarifs du marché de façon à fournir un prix facial compétitif avec des offres comme celles d’Amazon, même si des systèmes fonctionnant en 24/7 peuvent s’avérer plus chers dans une solution « cloud public » que dans une solution installée en interne. A elle de faire valoir ses nombreux autres atouts.
Quels sont les arguments phares de la DSI ?
Premier d’entre eux : l’administratif. Grâce à ses contracts managers, la DSI peut affirmer son statut de point de contact unique face à des prestataires cloud variés. La complexité des contrats et des discussions avec des acteurs de la trempe d’Amazon sont un poids mort pour une BU qui aurait à les gérer en propre. Et au niveau d’un groupe, quel intérêt de reproduire ces échanges des dizaines de fois parce que chaque BU fait ses affaires de son côté ? En centralisant les transactions, la DSI se dote d’un véritable levier pour proposer à tous de nombreux avantages, tout en libérant du temps côté métier. La vie des fournisseurs en sera également facilitée… un argument qui peut peser dans la négociation.
La DSI « broker de services » a également une carte à jouer pour faciliter la compréhension des offres disponibles. Un document de référence de 250 pages détaillant celles-ci n’est pas une arme de conquête et de fidélisation des clients. Il est donc crucial pour la DSI de marketer et de packager ces offres, de leur donner un nom accrocheur. Il ne s’agit pas de réinventer le catalogue, mais de faire preuve de créativité. Par exemple, peut-être est-il possible de réaliser rapidement une version « low-cost » d’un ensemble de services, avec un bundle « minimum » pour une petite filiale qui vient de se créer ? Mieux présenter, clarifier, expliciter… sont des atouts de poids face à la multiplication des offres cloud disponibles et à l’infobésité à laquelle sont confrontés les BU. Fournir des services de type monitoring, backup… validés par les services IT de l’entreprise, permet d’apporter un complément aux offres du cloud public, souvent plus limitées en ce domaine. Et cela facilite également le déploiement de mêmes services en cloud hybride (public / privé). Autre levier de valeur souvent sous-estimé en la matière : créer un portail maison qui permettra de filtrer et de rendre plus lisibles et utiles pour l’entreprise les portails déjà fournis par les grands acteurs comme Amazon ou Microsoft. Dans tous les cas, une connaissance accrue des « vrais » besoins des métiers est incontournable, pour justement être en mesure d’accompagner au mieux les BU dans leur choix.
Troisième argument de poids pour la DSI : sa proximité avec les clients. Cela fait des années que les discours sur ce lien privilégié à construire entre métiers et IT existent. Aujourd’hui, la maturité du cloud permet de relever la tête du guidon et d’avoir le loisir de rendre la promesse concrète. La DSI n’a de toute façon pas le choix ! Elle n’est plus ce fournisseur unique qui vient une fois par an présenter son catalogue en sachant que son interlocuteur est obligé d’acheter. Il faut donc, comme n’importe quel acteur économique, « animer sa communauté client ».
Il est d’ailleurs toujours étonnant de voir dans une entreprise des branches qui sont confrontés aux mêmes enjeux et qui appliquent des solutions totalement différentes. Cela signifie qu’à aucun moment elles n’ont se concerter et mutualiser leurs efforts. Dans son nouveau rôle, la DSI est l’intermédiaire parfait pour organiser la coopération à travers des échanges thématiques, des rencontres, des séminaires, qui vont responsabiliser les acteurs et les valoriser. Les nombreux outils collaboratifs du marché ne sont pas des solutions miracles, mais ils peuvent aider à créer cette dynamique, qui va permettre de se distinguer très fortement des prestataires extérieurs. Si elle doit détecter et savoir gérer ses « leads », l’approche purement commerciale n’est pas le différenciateur de la DSI : au contraire, le test rapide et la co-construction, facilités par l’appartenance à une même maison seront des arguments bien plus percutants. Cela fait d’autant plus de sens qu’aujourd’hui on peut décommissionner vite et bien ce qui a été mis en place. Cette capacité à « démontrer » par l’exemple, y compris sur des périmètres réduits, est un gros différenciateur car de nombreux acteurs du marché ne seront pas prêts à mobiliser leurs équipes pour des budgets de moins de 100 000 euros.
Comment la DSI peut faire valoir au plus vite sa valeur ajoutée ?
Pour toucher les BU avec ses arguments, tout en se rapprochant au maximum des prix du marché, la DSI doit passer par l’étape très importante de la réorganisation sur un modèle de « Service Line » qui va prendre en charge l’ensemble des activités autour d’un service : du build au run en passant par le marketing de l’offre. Cela revient à identifier les sujets sur lesquels elle a vraiment besoin d’être concurrentielle et optimisée, et d’autres sur lesquels à cause de spécificité comme la réglementation, la pression du marché sera bien moindre. La refonte du modèle économique est également un impératif : bien comprendre la structure des coûts, définir des règles compréhensibles pour les coûts transverses, comme le réseau… pour pouvoir établir un véritable business plan de l’offre et disposer de véritables outils de pilotage avec la capacité à ajouter / retirer des offres du catalogue. Une cellule d’animation commerciale en transverse assurera la cohérence de la démarche. Cette approche responsabilise face aux réalités du marché. Il devient possible de renforcer les offres à succès et d’abandonner plus vite ce qui ne fonctionne pas, tout en pratiquant les meilleurs tarifs selon les situations.
Le changement du rapport entre la DSI et les business units, doit donc également s’accompagner d’une réorganisation pour les équipes de la DSI elle-même. Les collaborateurs doivent en effet adhérer à la philosophie qui positionne la DSI comme un acteur du marché à part entière, avec une démarche de relation client à part entière, quitte à faire évoluer les fiches de poste pour certains. Si une frange de la population IT peut être réticente face à ces changements, l’approche Service Line attire pour sa part beaucoup de talents qui voient un vrai avantage à maîtriser de A à Z la vie du produit/service qu’ils doivent porter. Sans déstabiliser les équipes, il sera donc nécessaire de faciliter l’émergence de ces profils mixtes, qui vont savoir jongler entre les besoins clients et la complexité technologique. Alors que se profile à l’horizon un futur où le cloud public représentera sans doute plus de 90% de l’informatique d’une organisation, ce seront bien ces nouveaux acteurs clés de la DSI qui lui permettront de se transformer… et de rester incontournable.
A noter :
Devoteam Management Consulting participe au prochain dîner de la rédaction, programmé le 26 septembre, qui aura pour thème : « la Compétitivité de la DSI ».