“Guerre écosystémique”, “Après la nuit carbonique”, voilà les deux scénarios présentés par la Red Team Défense en juin dernier. Sous la houlette de l’Agence de l’innovation de défense (AID), cette initiative a ainsi imaginé des conflits biotechnologiques et énergétiques à l’horizon 2030-2060.
À quoi pourront bien ressembler les futurs conflits qui se dérouleront dans les décennies à venir ? Plusieurs grandes puissances travaillent sur ces sujets à l’image des Etats-Unis qui ont déjà établi plusieurs scénarios et récemment présentés les innovations qui feront partie de l’US Army aux environs 2030. En France, c’est la Red Team Défense qui est chargée de répondre à cette question. Cette initiative, placée sous le pilotage de l’AID, en coopération avec l’État-major des armées (EMA), la Direction générale de l’armement (DGA) et la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), tente d’anticiper les potentiels risquent susceptibles de déclencher des conflits dans les années 2030-2060.
Avec la participation d’auteurs, de dessinateurs, de scénaristes de science-fiction, d’experts scientifiques ou militaires, la Red Team Défense se divise en deux : la team création et la team design. Ensemble, ces différents protagonistes venant de tous horizons, ont conçu et présenté en juin dernier, deux scénarios différents. “Après la nuit carbonique” et “Guerre écosystémique”, offrent ainsi des visions innovantes et réalistes de risques pouvant menacer la France dans les futures décennies.
Scénario 1 : Après la nuit carbonique
Deux thèmes des plus présents dans l’actualité sont traités dans ce scénario “Après la nuit carbonique” : le réchauffement climatique et la sobriété énergétique. C’est en raison de mégafeux durant l’été 2035 qu’une prise de conscience mondiale sur la décarbonation de l’atmosphère est faite. À la suite d’une nuit carbonique sur l’ensemble de la planète, due aux épaisses fumées noires, emplies de particules liées aux combustions. Suite à la signature d’un traité de sobriété énergétique mondial, les armées sont contraintes de réduire leur consommation d’énergie sans perdre leur capacité à agir. Un dispositif de seuil de Joule est mis en place pour les contrôler.
De nouvelles générations de combinaisons militaires basses énergies, sont créées. Dont l’objectif est l’optimisation de l’énergie produite et consommée par le soldat. Dans ce scénario, un conflit éclate en 2050, avec une problématique énergétique constante. Les armées seraient alors capables d’utiliser des oasis énergétiques naturels présents sur le terrain. Des nano drones en forme de moustiques pourraient neutraliser l’action des combinaisons de nouvelles générations. Des centrales nucléaires mobiles seraient présentes sur les théâtres de combat. L’énergie serait alors la clef pour réussir à renverser les équilibres et vaincre l’ennemi.
Scénario 2 : Guerre écosystémique
Cet autre futur alternatif poursuit dans la lignée de la 5e révolution industrielle, en marche durant les années 2020. L’usage des biotechnologies va en grandissant dans l’industrie mais également auprès de la population. Des imprimantes à ADN existent et sont disponibles en quelques clics sur internet. Elles permettent de faire des manipulations génétiques de manière extrêmement simple et accessible. Au niveau militaire, des armes biologiques existent également pour déstabiliser directement les écosystèmes, les rendre invivables pour les êtres humains et ainsi chasser les populations.
Dans un contexte de forte tension en 2043, des capteurs végétaux sont disposés pour sécuriser la frontière est de l’Europe. Ce système détecte les mouvements ennemis. Mais le conflit éclate. Des zones sont contaminées par des bombes biologiques. Toutes blessures causeraient immédiatement la mort. Des populations sont alors placées en quarantaine. Des équipes de “battlefield environmentalists” tentent de restaurer les écosystèmes pour les rendre à nouveau vivable par les populations. En vain. La perte de contrôle est totale. Un “Tchernobyl vert” se développe. L’écosystème s’emballe, devient fou et de nouvelles maladies apparaissent. L’ennemi a ainsi changé de camp pour tous les belligérants.
Dans les deux scénarios présentés par la Red Team Défense, des problématiques environnementales, énergétiques ou encore biotechnologiques émergent. Le numérique n’est quant à lui jamais mentionné. Il est pourtant présent partout, en filigrane. Toutes les innovations présentées dans ces deux “mondes”, se basent sur des technologies numériques. Une façon supplémentaire de considérer que les risques liés au numérique dépassent de loin ceux que l’on peut imaginer de premier abord.