Alliancy

Connaître la « valeur climatique » d’un investissement

Information extra-financière en devenir, le dividende climat est promu par l’association Dividendes Climat, cofondée par l’Ademe, Sweep, Team for the Planet, Mirova et la Fondation Kanopée Partage. Sa présidente, Brune Poirson, nous en explique les tenants et aboutissants.

Alliancy. Comment fonctionnent les dividendes climat ?

Brune Poirson. Un dividende climat est une information extra-financière qui mesure l’impact climatique positif d’un investissement en capital. Chaque année, une entreprise qui vend un produit ou un service évitant ou séquestrant des émissions de CO₂eq peut mesurer son impact, le faire vérifier par un tiers indépendant et le « convertir » en dividendes climat. Elle peut ensuite les distribuer à ses actionnaires, au prorata de leur part de capital.

Quelle est la valeur d’un dividende climat ?

Brune Poirson. Un dividende climat représente une tonne de CO₂eq évitée ou séquestrée. C’est le miroir d’un dividende financier pour le climat ! Lorsque les entreprises font du profit, elles peuvent distribuer des dividendes financiers à leurs actionnaires et être valorisées pour cela ; il faut que les entreprises ayant un impact climatique positif puissent faire de même !

[bctt tweet= »« Nous avons déjà commencé la phase pilote avec une dizaine d’entreprises, allant de start-up jusqu’aux grands groupes comme Decathlon, en passant par des PME/ETI. » » username= »Alliancy_lemag »]

Où en est la méthodologie de calcul ?

Brune Poirson. La méthodologie d’impact permettant de revendiquer des dividendes climat repose sur des principes et règles décrites dans le Protocole Dividendes Climat, disponible gratuitement sur notre site. Celui-ci est élaboré en collaboration avec des experts, des chercheurs et des institutions. Il s’inspire des travaux déjà réalisés notamment par le World Business Council of Sustainable Development et les normes ISO.

Il a vocation à être enrichi au fur et à mesure avec des méthodologies sectorielles et les travaux d’organisations travaillant sur la mesure des émissions évitées et séquestrées. La version actuelle est utilisée pour la phase pilote en cours, et une nouvelle révision est prévue pour la fin de l’année 2023, avant d’envisager une consultation publique internationale. Notre objectif est de garantir une méthodologie transparente, la plus standardisée possible, alignée sur les travaux scientifiques les plus à jour.

Où sont-ils reconnus ?

Brune Poirson. Les dividendes climat sont encore relativement récents, mais nous constatons un intérêt croissant pour cette approche en France et ailleurs dans le monde. Nous avons déjà commencé la phase pilote avec une dizaine d’entreprises, allant de start-ups telles que Naio Technologies, Accenta, Echo Tech Ceram, Cool Roof France, Altyn, Leviathan Dynamics, jusqu’aux grands groupes comme Decathlon, en passant par des PME/ETI comme Acorus et Lisea. Nous travaillons activement à faire reconnaître les dividendes climat auprès des investisseurs, des entreprises et des organismes de réglementation à l’échelle internationale.

En quoi les dividendes climat viennent-ils compléter les crédits carbone ?

Brune Poirson. Les dividendes climat se distinguent des crédits carbone de plusieurs manières. Tout d’abord, le type de solution / projet éligible diffère. Les dividendes climat ne s’appliquent pas uniquement aux projets qui peuvent prouver leur additionnalité, notamment financière. Ils visent à mesurer l’impact climatique positif (c’est-à-dire la création de « valeur climatique ») de n’importe quelle solution, même si celle-ci est financièrement viable.

De plus, ils sont de nature différente. Contrairement aux crédits carbone, les dividendes climat ne sont ni un actif, ni un flux financier. Ils ne permettent pas non plus de compenser son empreinte carbone et ne peuvent pas être ajoutés aux crédits carbone. Les dividendes climat sont un droit lié aux actions possédées par les actionnaires et relèvent du domaine extra-financier.

Enfin, les dividendes climat s’adressent uniquement aux actionnaires et cherchent à encourager spécifiquement l’investissement en capital. Ils viennent compléter les crédits carbone. Jusqu’à aujourd’hui, un investisseur qui réalise un investissement positif pour le climat doit acheter des crédits carbone pour montrer sa contribution (et donc payer deux fois). Grâce aux dividendes climat, il peut valoriser son investissement en tant qu’actionnaire de manière plus simple et immédiate. De plus, l’entreprise peut compléter ses revenus en vendant des crédits carbone à des clients. Ainsi, une même tonne de CO2 peut permettre à la fois de distribuer des dividendes climat et de vendre des crédits carbone. Cependant, comme les actionnaires recevant des dividendes climat ne peuvent pas les utiliser pour réduire leur empreinte carbone, cela ne pose pas de problème.

Les dividendes climat permettent-ils d’identifier les entreprises pratiquant le greenwashing ?

Brune Poirson. Ils n’aident pas à identifier les entreprises pratiquant le greenwashing. Ils valorisent plutôt les entreprises et les investisseurs qui contribuent à la neutralité carbone sans recourir au greenwashing.

Les dividendes climat ne peuvent pas servir à compenser une empreinte carbone, ni à revendiquer une neutralité carbone. Ils sont là pour mettre en évidence un impact positif, en parallèle d’un impact négatif (afin de revendiquer et distribuer des dividendes climat, une entreprise et un actionnaire doivent préalablement calculer leur empreinte carbone). Ainsi, ils encouragent la transition vers des modèles économiques plus favorables à la neutralité carbone, tout en ne dissimulant pas l’empreinte carbone existante qui doit être réduite au maximum.

En quoi permettent-ils de valoriser l’investissement dans l’innovation ?

Brune Poirson. Les dividendes climat valorisent la contribution à la neutralité carbone, ce qui permet aux entreprises moins rentables ou qui prendront du temps à générer des revenus significatifs (ce qui est le cas des innovations !) d’être valorisées pour leur impact climatique positif plus tôt dans leur développement et de manière plus importante.

En effet, la capacité d’une entreprise à distribuer des dividendes climat est une façon de quantifier son « goodwill environnemental » et ainsi de le valoriser financièrement aux yeux des investisseurs. Ainsi, grâce aux dividendes climat, l’innovation « climatique » peut être davantage valorisée et encouragée !

Quitter la version mobile