Des chercheurs ont procédé à une analyse fine du dispositif ayant permis le déploiement dès 2021 de 4 000 conseillers pour accompagner les Français dans leurs usages numériques. Même si des améliorations sont attendues, l’opération a rencontré ses publics cibles et atteint ses objectifs.
Dans le cadre du plan France Relance, doté d’un budget global de 100 milliards d’euros, un dispositif d’ampleur – appelé « Conseillers numériques France Services » – a été lancé en 2021 afin de rendre plus accessible aux Français leur usage du numérique. Cette opération affichait trois objectifs principaux. Le premier était de soutenir les Français dans leurs usages digitaux (travailler à distance, consulter un médecin, gérer des courriels, suivre la scolarité des enfants…). Le deuxième était de sensibiliser aux enjeux du numérique et favoriser des usages citoyens et critiques (maîtrise de l’information, protection des données personnelles, maîtrise des réseaux sociaux…). Le troisième d’accompagner les usagers vers l’autonomie, notamment dans la réalisation de démarches administratives.
Au total, 4 000 postes de Conseillers numériques France Services (CnFS) ont été créés et plus de 4,1 millions d’accompagnements ont été réalisés dans le cadre de cette opération, dans 2 880 structures mobilisées sur l’ensemble du territoire. La formation et une partie de la rémunération des conseillers ont été prises en charge par l’État qui a confié la gestion opérationnelle du dispositif à la Banque des Territoires. Si l’ensemble de la démarche France Services a récemment été saluée pour son efficacité par la Cours des Comptes, fait suffisamment rare pour être noté, de plus amples informations sont également disponible depuis peu concernant le volet des Conseillers numériques en tant que tel.
Une grande diversité d’interventions réalisées
Deux chercheurs, Pierre Mazet et Jordy Stefan, ont en effet réalisé pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires une étude approfondie relative au déploiement du dispositif. Un des premiers résultats de cette étude est la diversité des interventions réalisées par les CnFS. L’accompagnement individuel en rendez-vous arrive en tête (84%), suivi de l’initiation individuelle à l’informatique (78,5%), l’animation d’ateliers collectifs sur les compétences de base (76%), l’accueil/accompagnement individuel tout venant (74,2%), l’animation d’ateliers collectifs sur les usages numériques (68,6%), et la formation aux outils / usages numériques (65,7%).
Lorsqu’on interroge les CnFS sur l’intervention qui occupe le plus de leur temps, on obtient des résultats qui permettent de hiérarchiser ces différentes activités :
- Pour la moitié des CnFS, ce sont les accompagnements individuels qui les occupent le plus, l’accompagnement sur rendez-vous étant privilégié sur « l’accueil tout venant » (respectivement 32,4% et 18%).
- Un CnFS sur cinq fait mention des ateliers collectifs sur les compétences de base (19,1%) comme activité principale (c’est la seconde activité principale) ; un résultat bien supérieur à ceux sur les usages numériques (5,5%).
Principal objectif des publics : obtenir un accompagnement aux outils numériques
Selon les conseillers, c’est d’abord pour avoir un accompagnement aux outils numériques (8,4/10) que les publics se déplacent jusqu’à l’offre – ce qui est cohérent avec la modalité d’intervention principale : l’accompagnement individuel. Sur ce plan, l’offre d’intervention correspond à la demande des publics, ou à l’inverse, les structures se sont adaptées aux demandes qu’elles recevaient. Les demandes d’accompagnement portent davantage sur les outils que sur des démarches – « démarches courantes sur internet (6,42), ou démarches administratives (7,59). Avoir une formation sur des outils numériques arrive en seconde position des items « thématiques » (7,89). Les autres types de demandes (sécurité des données, accès matériel) recueillent des scores comparativement plus bas ; les CnFS ne sont pas identifiés comme source d’informations sur les acteurs du territoire.
La dimension de réassurance se place en seconde position. Cet item renvoyant à une dimension psychosociale distincte des autres items proposés, atteste du sentiment d’inquiétude, ou de « démunition », face aux outils numériques, et/ou aux démarches à effectuer. Cette dimension, très présente sur tous les terrains d’enquêtes (présents et passés) renvoie aussi bien aux enjeux de dédramatisation du numérique qu’aux difficultés propres aux démarches administratives.
Des interventions sur sept sites en moyenne pour les CnFS
L’étude précise également que plus de 75% des conseillers sont intervenus sur plusieurs sites, le nombre moyen de sites étant de sept, avec d’importants écarts à la clé. De façon générale, le lieu principal d’intervention se situe au siège de la structure d’accueil (30,4%), dans un accueil social (de type CCAS, secrétariat de maire, etc.) pour 28,6%, dans un centre social ou une bibliothèque / médiathèque pour 10,5 % des cas respectivement.
Pour les conseillers intervenant sur plusieurs sites, les lieux « décentralisés » de la structure rassemblent le plus de réponses (52,2%), devant des lieux extérieurs à la structure (39,8%), puis le siège de la structure (36,7%). Il est à noter qu’une portion non négligeable de CnFS (16,7%) déclare intervenir au domicile des personnes.
Un écosystème à renforcer
L’étude met également en avant le fait que la venue des usagers est principalement issue d’un mouvement autonome. Ils sont principalement venus d’eux-mêmes parce qu’ils ont entendu parler de l’intervention ou parce qu’ils connaissaient déjà le lieu, et/ou ont été en contact avec un autre service de la structure. De ce point de vue, l’offre des conseillers a d’abord capté des publics qui avaient des besoins, connaissaient l’offre et étaient capables d’identifier la structure ou la connaissaient déjà.
Cela signifie que les orientations externes sont beaucoup plus rares : 16,9% par les partenaires, 21,2% par un acteur extérieur avec lequel les conseillers sont en relation et 7,9% par un acteur sans relation formalisée avec le conseiller. Ces résultats indiquent une faible circulation des publics entre CnFS et acteurs du territoire : peu d’orientations « entrantes » de la part des acteurs du territoire dans les publics reçus, mais aussi peu d’orientations « sortantes » vers les acteurs du territoire par les conseillers. Cela peut s’expliquer par la jeunesse du dispositif, et demandera à être contrôlé lors d’un futur passage de questionnaire.