L’empreinte environnementale des acteurs du numérique ne se résume pas aux seules émissions de CO2. La consommation en eau est un indicateur important, que peu d’entreprises suivent véritablement.
Spécialisée dans l’analyse des stratégies RSE et des indicateurs ESG des prestataires de solutions numériques, la société AdVaes a analysé la consommation en eau d’une quinzaine d’entreprises du digital : AWS, Capgemini, Cisco, Digital Reality (inc. Interxion), KDDI (inc. Telehouse), Google, Equinix, IBM, Meta Platforms (anciennement Facebook), Microsoft, Oracle, OVHcloud, Salesforce, SAP et Scaleway.
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« Les sociétés analysées sont toutes cotées en bourse ou disposent de rapports CSR dans lesquels elles communiquent des informations sur un certain nombre d’indicateurs relatifs à leur impact environnemental. Elles sont très actives dans le domaine du cloud et font pour cela appel à des centres de données », commente Emmanuelle Olivié-Paul, dirigeante d’Advaes.
En 2022, 73 % de ces sociétés délivrent des données sur leur utilisation annuelle d’eau, mais seules 33 % communiquent sur leur consommation d’eau effective.
AdVaes note tout d’abord que la consommation en eau de ces sociétés est moins importante que celle d’entreprises de secteurs reconnus pour être très consommateurs d’eau dans le cadre de leurs activités. L’entreprise Glencore, spécialisée dans l’extraction de matières premières, a ainsi consommé 19 fois plus d’eau que Google en 2021. De même, Nutrien (production d’engrais), Holcim (matériaux de construction) et Aramco (hydrocarbures) ont consommé respectivement 17, 6 et 2 fois plus d’eau que Google en 2021.
Une consommation en eau en hausse pour les acteurs du numérique
Mais alors que ces entreprises fortement consommatrices en eau contiennent et réduisent leur consommation, celles du secteur du numérique analysées par AdVaes suivent une courbe inverse, à la hausse. Ainsi, Microsoft déclare avoir consommé 4,5 millions de mètres cubes d’eau en 2021 contre 4 millions en 2020, soit une augmentation de 12,5 %. De son côté, Google indique une consommation de 17,2 millions de mètres cubes d’eau en 2021 pour l’ensemble de ses activités, en augmentation de 21,8 % par rapport à 2020.
Sur la période 2018-2021, le graphique ci-dessous présente la croissance annuelle moyenne du volume d’eau utilisé par cinq des sociétés ainsi analysées. En cumul, celle-ci s’élève à +7,9 %, avec de fortes disparités selon les profils, pouvant s’expliquer par la nature des activités, les modalités de croissance (organique ou par acquisition) et la dynamique associée, les actions engagées depuis déjà quelques années pour en réduire l’impact (cf. Cisco), etc.
Pour les entreprises du numérique opérant des centres de données, en propre et/ou via des partenaires, et communiquant autour de leur consommation en eau, trois indicateurs reviennent le plus souvent :
- La quantité d’eau prélevée à la source (« water withdrawal ») ou utilisée (« water use »). Il s’agit du volume total retiré d’une source d’eau telle qu’un lac ou une rivière. Une partie de cette eau est souvent retournée à la source et peut être réutilisée. Cet indicateur est insuffisant, car il ne permet pas dans la majorité des cas de connaître la quantité réelle d’eau consommée qui ne retourne pas à la source.
- La quantité d’eau consommée (“water consumption”). Il s’agit de l’eau prélevée pour être utilisée mais qui n’est pas retournée à sa source.
- Le WUE (Water Usage Effectiveness): il permet d’estimer l’efficience des centres de données en termes de consommation en eau. Son calcul repose sur le volume d’eau consommé divisé par l’énergie nécessaire pour refroidir les équipements informatiques hébergés. L’unité de mesure est le litre par kilowatt-heure (L/kWh). Le WUE moyen d’un centre de données est estimé à 1,8 L/kWh par le « US Department of Energy ».
La majorité des sociétés ne communiquent pas sur leur WUE. AdVaes note que Scaleway a déclaré avoir un WUE de zéro pour trois de ses centres de données (DC2, DC3 et DC4) et un WUE de 0,15 pour DC5. OVHcloud affiche des indices de WUE compris entre 0,17 et 0,20 selon ses centres de données, et Meta de 0,26. Microsoft a communiqué un WUE de 0,49 en global, et de 0,1 pour la zone EMEA, en avril 2022.
Les acteurs du numérique disposent de certains moyens pour réduire leur impact sur l’eau, comme le recours à des énergies bas carbone, l’utilisation d’eau recyclée, la conception de centres de données flottant sur l’eau ou même immergés.
« Pour autant, sans donnée de mesure communiquée, l’efficacité et les apports de ces actions restent difficiles à évaluer. Pour ces acteurs, une première étape reste de faire la mesure, au moins sur les trois indicateurs communément utilisés aujourd’hui par la profession, et d’être transparents dans leur communication ensuite », conclut Emmanuelle Olivié-Paul.