[Chronique] Comment faire contribuer notre intelligence digitale au bien commun ?

Notre chroniqueur Imed Boughzala confronte sa définition de « l’intelligence digitale » aux enjeux du bien commun. Sur quels leviers permet-elle d’agir ? Et à partir de quelles technologies en priorité ?

Faire contribuer notre intelligence digitale au bien communChers lecteurs, au bout de ma 33e chronique dédiée à l’intelligence digitale, je pense qu’il n’est plus utile de vous rappeler la définition de ce concept clé. Aujourd’hui, il représente un atout pour les individus, la société civile et le tissu économique. La question que je me pose dans cette chronique est relative à sa contribution au bien commun et plus particulièrement aux objectifs du développement durable.

Ainsi, je vous rappelle que cette intelligence consiste en un ensemble de compétences digitales avancées pour prospérer dans le monde hyper digital de demain. Il s’agit d’une capacité à bien mobiliser les technologies digitales et post-digitales, et ce, d’une manière responsable et durale. Pour les organisations qui souhaitent se développer et réussir leur transformation digitale avec sobriété, elle est gage de succès. Pour les états qui veulent préserver leur compétitivité et souveraineté, elle constitue une condition sine qua non. Contrairement à d’autres formes d’intelligences, celle-ci n’est prédéterminée, elle s’acquière et se développe par l’exercice et la formation. Selon un Proverbe latin « la répétition est mère de l’apprentissage » (Repetito mater studiorum) ou encore on dit aussi que la répétition est la mère des pédagogies.

Promouvoir le bien commun

Le bien commun, « également connu sous le nom d’intérêt général, fait référence à l’intérêt collectif ou à ce qui est bénéfique pour l’ensemble d’une communauté ou d’une société. C’est une notion qui englobe les valeurs, les objectifs et les biens qui sont considérés comme importants pour le bien-être et le progrès de tous les membres d’une société » plutôt que pour des individus ou des groupes spécifiques. Il s’agit des éléments qui sont partagés et qui contribuent au bien-être collectif. Selon le contexte et les besoins particuliers d’une société donnée, il peut revêtir diverses formes. Il peut contenir des aspects tels que l’accès à une éducation de qualité, aux services de santé, à un logement adapté, à l’eau potable, à la justice, à la préservation de l’environnement et à d’autres services publics essentiels. Ces biens peuvent inclure des ressources naturelles telles que l’eau propre, l’air pur, les forêts et les espaces naturels, ainsi que des infrastructures publiques telles que les routes, les ponts, les écoles, les hôpitaux, etc. Il peut également faire références à des valeurs et des principes sociaux tels que l’état de droit, l’égalité des chances, la sécurité, la liberté d’expression et la protection des droits humains.

La préservation et la promotion du bien commun sont souvent des objectifs importants des politiques publiques et de développement durable. Cela implique de prendre en compte les intérêts et les besoins de l’ensemble de la société lors de la prise de décisions et de mettre en place des mesures visant à garantir l’accès équitable et durable aux biens communs pour les générations présentes et futures.

L’intelligence digitale, à travers le développement de sa maturité digitale et la mobilisation à bon escient des compétences et des technologies digitales telles que l’intelligence artificielle (IA) et l’analyse des données massives (Big Data & Analytics), peut jouer un rôle significatif dans la promotion du bien commun. Voici quelques façons dont l’intelligence digitale peut contribuer au bien commun :

  1. La prise de décision basée sur des données : L’intelligence digitale permet l’analyse de grandes quantités de données provenant de différentes sources. Cela peut aider les décideurs à prendre des décisions éclairées et basées sur des données probantes. Par exemple, dans le domaine de la santé publique, l’analyse des données peut aider à prévoir et à gérer les épidémies, à identifier les tendances de santé et à allouer les ressources de manière plus efficace. L’Institut Mines-Télécom a d’ailleurs lancé une chaire « Economie des Communs de Données » pour faire émerger de nouvelles valeurs par la mise en commun de données.
  2. L’amélioration des services publics : L’intelligence digitale peut améliorer l’efficacité des services publics en optimisant les processus et en permettant une prestation de services plus rapide et plus efficace. Par exemple, les chatbots et les assistants virtuels basés sur l’IA peuvent aider à répondre aux questions des usagers et à fournir un soutien instantané dans divers domaines tels que les services sociaux, l’éducation ou l’assistance administrative.
  3. La gestion des ressources naturelles : Les technologies digitales et post-digitales peuvent contribuer à une meilleure gestion des ressources naturelles, telles que l’eau et l’énergie, en utilisant des capteurs connectés et des systèmes de surveillance pour mesurer, contrôler et optimiser la consommation. Cela peut conduire à une utilisation plus durable des ressources et à une réduction des impacts écologiques.
  4. L’inclusion et participation : L’intelligence digitale peut faciliter l’inclusion et la participation des citoyens dans les processus décisionnels. Les plateformes numériques (de crowdsourcing et d’innovation ouverte) peuvent offrir des opportunités pour recueillir les opinions et les idées de manière plus large et plus diversifiée, en permettant aux citoyens de s’engager activement dans les décisions qui affectent leur communauté.
  5. La sensibilisation et éducation : Les technologies digitales peuvent être utilisées pour sensibiliser et éduquer le public sur les enjeux sociaux et environnementaux. Des initiatives telles que des applications mobiles, des jeux éducatifs et des médias sociaux peuvent diffuser des informations, promouvoir des comportements durables et encourager l’engagement citoyen en faveur du bien commun.

Aujourd’hui, il va sans dire qu’il y a un enjeu à développer et bien encadrer l’usage de l’IA. En l’intégrant de manière réfléchie et éthique en s’appuyant sur l’intelligence digitale de chacun (individu, organisation et Etat), il est possible forcément de tirer parti de cette technologie pour promouvoir l’intérêt général, améliorer les services publics, optimiser l’utilisation des ressources et favoriser une participation active des citoyens dans la construction d’une société plus durable et inclusive.

Les axes technologiques utiles au bien commun : le prisme des ODD

A travers une maturité digitale citoyenne, les technologies digitales peuvent jouer un rôle important dans la contribution aux Objectifs de Développement Durable (ODD). Voici quelques exemples de la manière dont les technologies digitales peuvent être utilisées pour atteindre les ODD :

  1. La collecte de données : Les technologies peuvent permettre la collecte de données à grande échelle, ce qui peut faciliter la surveillance de l’environnement, la collecte d’informations sur les ressources naturelles, les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’énergie, etc.
  2. Internet des objets (IoT) : L’IoT implique la connexion de différents appareils et objets à Internet, permettant ainsi de recueillir des données en temps réel et d’optimiser l’utilisation des ressources (industrie du futur responsable). Par exemple, des capteurs intelligents peuvent être installés pour surveiller les niveaux d’eau, d’énergie ou de déchets, permettant ainsi une gestion plus efficace et durable de ces ressources.
  3. L’Intelligence artificielle (IA) : L’IA peut être mise à contribution pour analyser de grandes quantités de données et identifier des modèles, ce qui peut aider à prendre des décisions éclairées en matière de développement durable. Par exemple, l’IA peut être mobilisée pour optimiser les itinéraires de livraison afin de réduire les émissions de carbone ou pour prédire les schémas de consommation d’énergie optimaux.
  4. Les solutions de Smart Cities : Les technologies digitales peuvent être déployées pour développer des villes intelligentes qui intègrent des systèmes avancés de gestion des transports, de l’énergie, des déchets, etc. Cela peut conduire à une utilisation plus efficace des ressources, à une réduction des émissions, à une amélioration de la qualité de vie et la sureté des infrastructures et la sécurité/ des citoyens[i].
  5. L’éducation et la sensibilisation : les technologies digitales peuvent faciliter la sensibilisation et l’éducation les personnes aux enjeux du développement durable. Des plateformes en ligne, des applications mobiles et des jeux éducatifs peuvent être utilisés pour informer et engager les individus sur des pratiques durables.

Ces exemples illustrent comment l’intelligence digitale peut contribuer aux ODD en améliorant la collecte et l’analyse de données, l’efficacité des ressources, la prise de décision basée sur des données probantes et la sensibilisation du public.

Selon le standard IEEE Std 3527.1™-2020[ii], l’intelligence digitale contribue principalement à l’atteinte de ces ODD (17 objectifs adoptés par tous les États membres des Nations Unies en 2015) : l’objectif 3 – Bonne santé et bien-être , l’objectif 4 – Accès à une éducation de qualité[iii] ; l’objectif 8 – Accès à des emplois décents ; et l’objectif 10 – Réduction des inégalités mais aussi plus largement aux objectifs : 9 – Industrie, innovation et infrastructure[iv] ; 11 – Villes et communautés durables[v] ; 12 – Consommation et production responsables[vi] ; 16 –Justice et paix[vii] et 17 – Partenariats pour la réalisation des objectifs.

L’enseignement supérieur est mobilisé pour transmettre ces enjeux. Dans les universités et grandes écoles les formations évoluent. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a produit cet été une note de cadrage détaillant le socle de connaissances et de compétences visant à former les étudiants du 1er cycle à la transition écologique pour un développement soutenable, quel que soit la discipline choisie. Dans cette perspective, Institut Mines-Télécom Business School ambitionne d’être la Grande Ecole de l’intelligence digitale pour le bien commun et une école créatrice d’impact pour contribuer à l’atteinte des ODD des Nations Unies.

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[i] Vidéo Prix meilleures apprentissages : Prix coup de cœur du public – Insaf ALLANI double diplômée – IMT-BS / Nord Europe – avec un sujet intitulé : Cybersécurité et cyber sureté dans les Smart Cities, à l’entreprise Setec

[ii] IEEE Standard for Digital Intelligence (DQ)—Framework for Digital Literacy, Skills, and Readiness, approuvé le 24 septembre 2020 et publié le 13 janvier 2021.

[iii] « Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ».

[iv] « Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation ».

[v] « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ».

[vi] « Établir des modes de consommation et de production durables ». Exemple l’économie circulaire et solidaire.

[vii] « Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives aux fins du développement durable, assurer l’accès de tous à la justice et mettre en place, à tous les niveaux, des institutions efficaces, responsables et ouvertes à tous ».