La Directrice des Ecosystèmes d’Innovation d’Engie revient pour Alliancy sur la stratégie menée par l’énergéticien pour créer de l’impact à ce niveau et pouvoir s’appuyer sur toute l’énergie d’innovateurs présents dans le groupe sur les cinq continents où il est implanté.
Alliancy. Avant d’aborder les objectifs de votre fonction, pouvez-vous rappeler le contexte actuel d’Engie ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Notre groupe veut devenir le leader de la transition énergétique neutre en carbone « as a service ». Pour y parvenir, nous avons trois piliers, à commencer par l’arrêt de la production du charbon acté déjà depuis quelques années. Ensuite, nous poursuivons un double objectif qui est à la fois de réduire le volume global d’énergie que nous consommons, tout en décarbonant ce qui subsiste.
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Entre 2019 et 2021, Engie va mettre en service 9 gigawatts de capacités additionnelles à son mix énergétique, ce qui bénéficiera à une multitude de projets et de programmes d’innovation pour rendre la production, le stockage, la distribution et la commercialisation de l’énergie verte à la fois plus efficaces, intelligents et digitaux. Pour mener à bien tous ces chantiers, nous sommes convaincus que la recherche et l’innovation sont clés.
Comment s’organisent la recherche et l’innovation au sein du groupe ?
Csilla Kohalmi-Monfils. En ce qui concerne la recherche, les budgets étant très importants, tout est plutôt centralisé, avec des laboratoires thématiques, implantés dans le monde entier. A l’inverse, pour ce qui est de l’innovation, c’est différent. Nous sommes sur des budgets plus petits et des sujets très étendus… Toutefois, si on veut créer de l’impact à ce niveau, il va falloir s’appuyer sur toute cette énergie d’innovateurs présents dans chaque pays. Nous souhaitons donc avoir des pays porteurs sur certains sujets, pour s’assurer que nos grands axes stratégiques sont bien compris et atteindront leurs objectifs. Comme l’Australie et le Chili pour les solutions d’approvisionnement d’hydrogène par exemple, où il y a un fort potentiel d’énergies renouvelables.
D’où votre rôle de coordinatrice des écosystèmes d’innovation créé il y a dix-huit mois ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Tout à fait… et là, il s’agit aussi des écosystèmes internes très décentralisés que je viens de décrire, que l’on retrouve par pays, par thèmes, par métiers… car nous avons beaucoup de communautés, que ce soient pour les commerciaux, les RH ou la finance.
Ensuite, nous avons les écosystèmes externes, encore plus décentralisés évidemment selon les enjeux des territoires où ils sont implantés. Mon rôle, avec mon équipe, est d’être le hub d’innovation où tous ces écosystèmes peuvent se rencontrer, échanger et collaborer. Innover aujourd’hui, c’est savoir se connecter au monde, être curieux des technologies, des tendances. Cela nécessite d’être en capacité de mobiliser des ressources, de communiquer et de se réinventer.
« C’est par leur travail et leur engagement sans faille que tous les porteurs de projets ont offert des présentations claires et dynamiques, soutenus par un back-office discret et agile qui a résolu tous les problèmes en temps réel, offrant au Grand Jury une expérience mémorable et enrichissante. Une performance d’équipe exceptionnelle ! »
Csilla Kohalmi-Monfils, Directrice des Écosystèmes Innovation d’ENGIE
Comment arrivez-vous à enclencher cette dynamique ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Auparavant, je travaillais sur la zone Asie Pacifique, où j’ai acquis une expérience en matière d’innovation territoriale. Ma fonction est donc plus globale aujourd’hui… Il faut expliquer où doit mener justement notre stratégie en la matière. Pour y parvenir, nous disposons d’une plateforme d’innovation unique, qui accueille tous ces écosystèmes. L’idée majeure est la collaboration (networking) et la co-création, autant interne qu’externe. Avec, pour l’interne, un accès à davantage d’informations.
Que trouve-t-on sur cette plateforme ?
Csilla Kohalmi-Monfils. On y trouve beaucoup d’informations générales sur l’innovation, des news internes sur les projets d’Engie, sur les différents sujets sur lesquels on travaille… Il existe dans cette plateforme plusieurs bases de données, par exemple nous y recensons environ 5 000 start-up dont les solutions proposées peuvent être consultées par nos collaborateurs. Nous avons aujourd’hui 35 000 collaborateurs connectés, mais tous peuvent le faire s’ils sont intéressés. On y trouve également les différents appels à projets sur des sujets concrets faits par les différentes BU, auxquels les start-up peuvent répondre. Elles peuvent même déposer leurs solutions s’il n’y a pas d’appel à projets qui leur correspondent.
Il y a également une autre base de données des projets internes qui permet de cartographier notre écosystème interne d’innovation. Ce sont ces 500 projets innovants déposés chaque année à partir desquels nous remettons les Trophées Innovation du Groupe (lire encadré).
Que deviennent d’ailleurs les projets primés dans ce cadre ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Nous travaillons sur ce point, car avoir un trophée, c’est satisfaisant en termes de communication et de visibilité, mais cela n’aide pas nécessairement le projet à aboutir au-delà du prix… Nous avons enquêté l’an dernier auprès des porteurs de ces projets pour connaître leurs besoins… Cette réflexion nous a permis de créer le programme « Beyond The Trophies », qui porte sur trois points : la communication autour du projet ; les connaissances entrepreneuriales pour l’innovateur (une formation en ligne est disponible désormais avec un coaching personnalisé par projet) et, enfin le réseau, la mise en relation avec d’autres projets et entités du Groupe qui peuvent aider, utiliser et faire avancer le projet dans leurs propres activités. Nous venons de démarrer ce nouveau programme, qui va toucher environ une centaine de personnes chez Engie et qui concernent les porteurs d’une vingtaine de projets et leurs écosystèmes…
De votre côté, comment êtes-vous organisée ? Avez-vous des interlocuteurs par pays, par thématiques ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Nos interlocuteurs sont les responsables d’Innovation de chaque BU. Au sein du Groupe, il existe aussi quatre Global Business Lines (GBL) qui soutiennent les équipes locales et la performance transverse pour gagner en compétitivité, innovation et coordination. Elles concernent le thermique, les infrastructures, les solutions clients et les renouvelables. Ce sont nos interlocuteurs également. En 2020, nous avons travaillé sur les « Innovation Roadmaps » Recherche et Innovation, qui sont une déclinaison de nos grands axes stratégiques à dix ans.
A partir de là, nous avons regardé ce dont nous disposions en interne et ce qui nous manquait… et avons identifié des focus sur des chantiers d’innovation à mener par thématique. Les responsables de ces chantiers ont un objectif à atteindre, on les informe sur tous les porteurs de projets potentiels qui peuvent les intéresser. C’est un fil rouge structurant autour de ces projets décentralisés.
Dans toute cette organisation que vous décrivez, qu’est-ce qui a le plus évolué ces dernières années ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Deux choses ont réellement changé. D’abord, la gouvernance en interne. Dans un groupe tel que le nôtre, l’innovation a toujours été décentralisée, on ne cherchait pas à quantifier l’impact de tout cela… Aujourd’hui, on sait que nous devons le faire. 500 projets d’innovation internes par an, c’est bien, mais quel est leur impact réel ? Il faut disposer d’indicateurs pour le quantifier. Avec ces nouveaux moyens mis en place, nous souhaitons suivre un fil rouge, standardiser quelques processus et avoir une vision plus globale en termes de ROI de tout ce qui se passe… C’est un enjeu important dans tous les grands groupes d’ailleurs et pas seulement chez Engie.
Et l’autre point ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Il y a toujours eu cette idée de collaboration externe. Mais on voit aujourd’hui une multiplication des acteurs avec qui nous pouvons mener des partenariats. Ce sont bien sûr des startups, mais aussi des clients, des fournisseurs… Les collaborations sont de plus en plus multi-pays, multi-acteurs, de tailles très différentes. L’innovation collaborative est le nouvel enjeu. Cette collaboration va encore évoluer pour arriver à une autre échelle, y compris entre grands groupes pour gagner en efficacité opérationnelle.
Nous menons par exemple un projet d’intelligence collective avec BNP Paribas et Danone, qui a commencé avec le département de la marque employeur… Chacun donne l’opportunité à ses intrapreneurs d’échanger entre les trois programmes qui portent tous sur l’Intrapreneuriat for Good… Mais d’autres sujets sont en réflexion actuellement avec d’autres groupes.
Quels sont vos objectifs pour l’année à venir ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Nous voulons avancer sur les « Innovation Roadmaps » définies en 2020. Cette année sera celle de leur mise en œuvre au sein de chaque BU pour trouver les porteurs de chaque projet et les moyens de les suivre. Le lien entre les Trophées d’Innovation et ces Roadmaps est à construire. Ensemble, nous devons trouver les bons outils pour le reporting avec les bons KPI…
Combien êtes-vous pour mener à bien tous ces chantiers ?
Csilla Kohalmi-Monfils. Mon équipe travaille aussi en écosystème… Nous sommes cinq dans mon équipe avec des fonctions bien précises… La plateforme d’innovation, les trophées… Mais nous travaillons avec tous les responsables d’innovation de chaque BU dans tous les pays. Soit environ une centaine de personnes avec qui nous échangeons très régulièrement et qui nous soutiennent dans nos chantiers. Nous agissons tous de concert.
ENGIE Research & Innovation en quelques chiffres
- Voir aussi sur Alliancy, un projet d’innovation autour des compteurs intelligents mené chez Engie et expliqué par Gérard Guinamand, Chief Data Officer du groupe. A l’occasion de notre Meet-up digital du 2 décembre dernier, Vincent Champain (Framatome) et Gérard Guinamand (Engie) ont partagé leurs constats et nouvelles priorités sur les enjeux de pilotage des activités industrielles face à la crise sanitaire que nous traversons.