>> Cet article est issu du Carnet d’expériences « Accélérer sa transfo applicative »
« Caractérisée par l’arrivée des technologies IT sur les chaînes de production, l’Industrie 4.0 est inscrite tout en haut des priorités de plus d’un industriel français sur deux », nous rappelle une récente étude menée par IDC* en partenariat avec VMware et Dell. Eric Marin, directeur technique de VMware France, décrypte les évolutions récentes du secteur et fait un focus sur les opportunités actuelles pour les DSI et CTO des industriels.
Vous avez participé à la récente étude IDC « Industrie 4.0 : Les industriels français affichent leurs ambitions » menée auprès de 150 entreprises. Qu’en retenez-vous ?
Cette étude est particulièrement intéressante car elle prend en compte beaucoup d’aspects complémentaires : organisation, gouvernance, technologies, cas d’usages… Mon sentiment est que les remises en question auxquelles nous assistons chez les industriels sont très positives. Nous n’en sommes plus du tout à l’époque où il s’agissait de lancer de grandes initiatives comme les digital factories qui ont mis parfois du temps à se chercher. Les projets concrets en déploiement se sont multipliés. L’industrie ne paraissait pas pionnière sur un certain nombre de transformation liée au numérique, mais elle a prouvé que les gains de maturité pouvaient être extrêmement rapides.
L’étude souligne cependant les préoccupations concernant l’industrialisation des projets de transformation numérique. Est-ce un défi insurmontable ?
C’est l’éternelle question de toutes les transformations : qu’est-ce qui va réellement prendre ou non dans l’organisation sur le long terme ? Le secteur industriel n’a pas eu traditionnellement une culture IT très pionnière qui pourrait faciliter la question de l’industrialisation de ses projets numériques, donc forcément les remises en question sont très présentes. Mais en parallèle, les cas d’usages qui amènent des quick wins sont devenus évidents : sur la robotique, la supply chain, les sites de production… Ces preuves de réussites sont de nature à fédérer rapidement, au-delà de ce qu’un DSI ou un CDO pouvaient avoir l’habitude. L’étude montre que la question est très présente à l’agenda du Comex, ce n’est pas anodin. Le chemin est ouvert pour transformer, on n’en est plus à faire le tour des directions pour évangéliser difficilement. Le sentiment qu’il faut réussir à relever le défi fait consensus, c’est un cap très important qui a été franchi.
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Est-ce que la question ne concerne que les très grands groupes ?
Les projets les plus visibles sont en effet menés par les très grands groupes. Mais il ne faut pas généraliser non plus : on voit aussi des entreprises de taille plus restreinte, qui n’ont pas des moyens informatiques énormes, et qui innovent pourtant énormément. Elles ont l’agilité et un besoin très fort de se transformer dans des écosystèmes très concurrentiels. Ces entreprises peuvent apporter beaucoup aux autres, sur le partage des cas d’usages et des réussites. Nous le voyons par exemple sur le sujet de l’Edge computing, qui avec des données qui sont avant tout dans un système d’information central. Il vaut mieux montrer les réussites de ces entreprises qui analysent au contraire la data de production en local et en temps réel ! Autre exemple : nous avançons bien plus vite avec des petites entreprises industrielles sur des cas d’application pour la blockchain, qu’avec certaines grandes banques ! Ces cas d’usages opérationnels méritent d’être partagés largement.
[bctt tweet= »« A horizon 2025, nous prévoyons que 30% des workloads seront on-premise, 40% en cloud public et 30% en Edge » » username= »Alliancy_lemag »]Parmi toutes les opportunités actuelles, que retenir comme priorités ?
En 18 mois, les chantiers prioritaires se sont donc beaucoup transformés, que ce soit sur les aspects infrastructures ou développement. Les applications modernes sont aujourd’hui traitées avec cette optique Edge, pour des raisons de sécurité, d’efficacité, de temps de latence…
Ce qui est intéressant, c’est qu’avec cette collecte et exploitation des données au plus près du terrain, on voit un effet immédiat sur les enjeux de visibilité de supply chain, qui sont parmi les grandes questions d’actualités pour les industriels dans le monde entier. Pour donner un ordre d’idée sur l’ampleur du changement : à horizon 2025, nous prévoyons que 30% des workloads seront on-premise, 40% en cloud public et 30% en Edge. C’est un retour de balancier notable de la décentralisation dans les stratégies IT.
Qu’en est-il justement du poids du cloud privé dans les stratégies de transformation actuelles ?
La montée du cloud privé dans les stratégies de transformation IT des entreprises est la continuation logique de ce qu’elles avaient engagé il y a quelques années. Quand on parlait de modernisation de datacenters, de virtualisation, de débordement vers l’hybride… les DSI posaient déjà les bases de la nature nouvelle du système d’information. Cependant, je pense que nous arrivons aujourd’hui à un moment particulièrement intéressant. D’un côté le mouvement vers le cloud public annoncé en grande pompe depuis plusieurs années est certes réel, mais il est moins massif que ce que certains pouvaient prôner. Il concerne seulement certaines applications et cas d’usages car ces projets peuvent vite devenir très complexes s’ils sont trop ambitieux.
[bctt tweet= »« La maturité atteinte au niveau technologique permet de bénéficier de la même agilité et fiabilité, ainsi que des bonnes méthodes, dans une optique de cloud privé, alors qu’elles étaient présentées voilà cinq ans comme un avantage exclusif du cloud public » » username= »Alliancy_lemag »]D’un autre côté, la maturité atteinte au niveau technologique permet de bénéficier de la même agilité et fiabilité, ainsi que des bonnes méthodes, dans une optique de cloud privé, alors qu’elles étaient présentées voilà cinq ans comme un avantage exclusif du cloud public. Ainsi, pour les évolutions de datacenters, nous amenons dorénavant de façon systématique des technologies et des méthodes, notamment au niveau des pipelines de développement, qui étaient associées au cloud public. Kubernetes est un très bon exemple. Et pour le secteur industriel qui n’avait pas fait un virage massif vers le cloud public, cela laisse la possibilité appréciable d’accélérer, sans pour autant faire un grand saut dans l’inconnu.
Cette dynamique se constate-t-elle aussi sur la gestion des données typiquement industrielles, comme les données de production ?
Sur les projets data, il a beaucoup été question des offres des hyperscalers du cloud public ces dernières années, mais il faut être transparent : il est aujourd’hui possible d’apporter de vrais services data dans des cloud privés. On ne peut plus être dogmatique. En repartant du besoin business, on finit de toute façon par se poser les vraies questions sur les besoins cloud, au-delà de la dichotomie public/privé. La réalité, c’est que l’expérience des entreprises en transformation les pousse vers une stratégie « Cloud smart », sélective, hybride… plutôt que vers un « Cloud first » absolu. Par ailleurs, il faut garder en tête que ces stratégies d’innovation data ont un poids important pour les entreprises industrielles en ce qui concerne l’attractivité et la rétention des talents. Derrière ces orientations, ce sont des questions d’engagement des collaborateurs, de formation, d’accompagnement au changement qui sont systématiquement abordées. La question a donc vraiment changé de périmètre pour les DSI et CDO des industriels.
*« Industrie 4.0 : Les industriels français affichent leurs ambitions », IDC – Octobre 2021