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Cyrille Le Floch (Qowisio) : « IdO : imaginer des objets sur lesquels, sans le bas débit, vous ne pouvez pas créer l’usage »

Le monde de l’Internet des Objets (IdO ou IoT) voit apparaître de multiples possibilités dans des secteurs émergents. Nouveaux moyens de connexion, baisse des coûts liés aux technologies utilisées, accompagnement de l’objet jusqu’à la donnée… Autant de solutions qui permettent de faire communiquer des éléments de notre environnement jusqu’à présent encore muets.

Cyrille Le Floch – Co-fondateur de Qowisio

Vincent Lorphelin. Vous êtes le co-fondateur de Qowisio que vous avez créée en 2009. C’est un réseau bas débit dédié aux objets connectés… Votre chiffre d’affaires cumulé s’établit à 15 millions d’euros et vous avez déjà levé 10 millions d’euros. Le monde des télécoms est en évolution constante. On a déjà vu la 2G, la 3G et la 4G – cette espèce de course à la vitesse des télécommunications – en revanche, rien pour les objets connectés… Pour quelle raison ?

Cyrille Le Floch. La première logique des opérateurs a été de connecter les smartphones et les personnes avec des applications de type Facebook, Linkedin, Twitter… Ces cas d’utilisations nécessitaient une connexion à internet, du contenu, et donc du débit. Les opérateurs sont logiquement entrés dans cette course car ils ont eu cette envie de capter un maximum d’utilisateurs. On a ainsi vu apparaître des technologies comme le Bluetooth, le Wifi, etc.

Or, aujourd’hui, quand vous avez un objet disséminé dans la nature, dans le but par exemple de savoir si une place de parking est occupée ou pas, un capteur enverra ne information très basique (de type 0 ou 1) pour le signaler. A partir de ce moment, on est en droit de se demander s’il y a besoin d’autant de débit pour envoyer cette information aussi simple. La réponse est non ! Dans ce cas précis, le recours au wifi ou à un forfait 3G n’est pas nécessaire.

Pourquoi ne pourrait-on pas utiliser tout simplement, pour des objets aussi simples, les réseaux existants quand bien même on n’en utiliserait qu’une toute petite partie ?

La problématique, c’est que quand vous avez de la 3G ou 4G, vous avez des modems qui consomment beaucoup d’énergie. Pour reprendre l’exemple dont je vous parlais précédemment, imaginez une place de parking avec un capteur sur lequel vous devez toutes les semaines ou tous les mois changer la batterie… Ce n’est tout simplement pas approprié ! Il faut donc une technologie qui vous permette d’envoyer, avec très peu de puissance, une information basique, et un objet avec une grande capacité d’autonomie de plusieurs mois voire plusieurs années.

C’est une question de taille de piles finalement, qui est embarquée avec l’objet pour pouvoir avoir ce stock d’énergie sur la durée ?

Effectivement, mais pas seulement. Il faut également rajouter une puce radio qui est une puce très simple. Son avantage majeur est de coûter très peu cher contrairement à un modem 3G/4G sur lequel le prix est multiplié par 10 ou 20.

Cela a-t-il des impacts sur les infrastructures, sur les antennes ?

Forcément. Si l’on compare aux technologies 3G/4G et aux opérateurs de téléphonie mobile, on part sur des Arpu (average revenu per user / revenu moyen par utilisateur) de quelques dizaines d’euros. Dans le cas d’objets connectés, on parle de milliards d’objets dans la nature et il est impossible d’imaginer un tel Arpu par objet. C’est inconcevable. On doit donc avoir des Arpu de l’ordre de quelques centimes, et dans ce cas, le coût de connectivité de ces objets doit être très faible. Ainsi, si vous avez des réseaux qui coûtent très cher, ce n’est pas viable. Il n’y a pas d’amortissement possible donc la solution consiste à installer des antennes économiquement efficaces, portant très loin et avec très peu de densité.

La densité justement, vous pouvez nous donner un exemple sur une ville moyenne ?

On peut prendre l’exemple de Nantes. Aujourd’hui, Qowisio a besoin de 6 antennes réparties sur la ville pour répondre aux besoins d’objets à connecter avec notre réseau bas-débit. Un opérateur de téléphonie mobile aura, lui, besoin de 40 à 50 antennes réparties sur la ville pour y satisfaire. Nous ne sommes pas du tout dans le même ordre de grandeur.

Vous avez donné l’exemple du capteur pour une place de parking libre ou occupée, vous en voyez d’autres ?

Ils sont nombreux ! En fait, ce qu’il faut imaginer, ce sont des cas d’utilisation qui n’étaient pas possibles jusqu’alors, et qui répondent à une équation très simple : faible coût, longue portée, grande autonomie. Cela devient magique quand vous dites à une personne : « Je peux connecter tout objet dans un rayon de 60 km, et cela va vous coûter quelques centimes par an et par objet. De plus, votre objet peut avoir une autonomie de plusieurs années.» Vous créez des envies et il n’y a pas de limites.

Quel exemple, concrètement ? Quel type de projets ?

Dans le secteur des travaux publics, nous avons des clients qui viennent nous voir concernant leur problématique de panneaux de circulation répartis sur les routes. Leur objectif est par exemple de savoir si le panneau est fonctionnel ou bien par terre, s’il a été déplacé ou même volé. Dans ce cas, par rapport au coût du panneau routier, on leur apporte une solution pertinente qui aura un coût de quelques euros avec une connectivité de quelques centimes par an. Tout devient possible et ces clients veulent connecter leurs objets.

Cela peut-être des objets qui sont utilisés dans la ville. Mais, est-ce que ça peut être des objets de la consommation courante ?

Bien sûr. On peut imaginer tout type d’utilisation. Un des objets les plus caractéristiques de ce que sera l’Internet des objets dans le futur, c’est le Dash Button d’Amazon, qui est une sonnette connectée. Quand vous appuyez dessus, vous êtes livrés dès le lendemain d’un bien de consommation.

Et où se trouve ce bouton physiquement ? Sur un objet ? Dans la cuisine ?

C’est un objet sur batterie. Vous pouvez par exemple le coller sur le miroir de votre salle de bain. S’il vous manque du shampoing (la plupart du temps, on utilise toujours le même), vous appuyez sur ce bouton et le lendemain vous êtes livrés. Vous réglez ainsi beaucoup de problèmes de la vie de tous les jours !

D’accord. Mais pourquoi utiliser ce bouton plutôt que d’aller faire une opération sur une application d’un smartphone ?

Si vous êtes dans votre douche, j’imagine que votre smartphone est certainement resté dans votre chambre ou dans une autre pièce de la maison. Vous n’allez pas sortir de la douche pour aller ouvrir l’application, commander le shampoing, le valider. Dans ce cas précis, vous raisonnez de manière urgente, dans un mode réflexe. Vous appuyez sur le bouton et vous savez que le lendemain vous serez livré.

Habituellement, quand on lit des études sur les objets connectés, on entend toujours parler des parcmètres ou des relevés de compteurs d’électricité, d’eau… quelquefois de la ville intelligente… mais rarement de ces nouveaux usages. Alors est-ce que finalement, le marché n’a pas été encore identifié par les analystes ?

Les analystes ont déjà livré des études sur le sujet en mentionnant notamment les milliards d’objets à connecter dans le futur. Cependant, on a tendance à imaginer ce qui est existant, car on se raccroche à des choses réelles. On recense les parcs existants comme par exemple les parcs de compteurs à gaz ou électriques, et on se dit que si on les rendait communicants, cela nous donnerait des parcs de quelques millions d’unités.

Chez Qowisio, on pense que ce n’est pas cela le cœur de l’internet des objets. L’IoT concernera des objets sur une échelle de centaines de millions d’objets par usage. Et là, tout est à faire, tout est à imaginer. Et surtout, il s’agit d’objets sur lesquels, sans le bas débit, vous ne pouvez pas créer l’usage.

Quelles sont les tailles du marché auquel on s’attend ?

Il s’agit de plusieurs milliards d’objets connectés avec une infinité de filières. Cela concerne potentiellement tous les secteurs (confort, sécurité, localisation…). Vous pourrez mettre en relation des objets connectés avec certaines utilisations et rendre les choses plus faciles pour les entreprises avec notamment des gains d’optimisation en matière de coûts.

Combien cela représente-t-il ? Des dizaines, des centaines, des milliards de dollars ?

L’Arpu de la connectivité représente quelques centimes par objet. Cependant, si vous prenez un objet avec une valeur moyenne de 50 euros, et que vous le connectez dans de multiples cas d’utilisations, vous avez à terme des dizaines de milliards d’euros en termes de marché…

Donc ce qu’il faut retenir finalement, c’est que l’essentiel des usages n’a pas encore été inventé, et sont en cours d’exploration par les start-ups. Retenir également que le bas débit va rendre ces applications possibles grâce à un coût d’accès beaucoup plus faible par objet connecté et que finalement en termes de volume, la plupart des objets connectés seront à l’avenir des objets à bas débit…

Tout à fait. Vous avez une infinité de possibilités, et tout reste à créer à partir de maintenant.

 

Objets connectés et réseaux bas débit from Xerfi Canal TV on Vimeo.

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