Pour la fondatrice du Data Mesh, Zhamak Dehghani, les organisations se situent à un point d’inflexion. Pour faire aboutir leurs projets at scale, elles doivent changer d’approche, au risque sinon d’investir à perte.
Le Data Mesh peut-il être la potion magique des chief data officers et un levier de réussite des stratégies Data des entreprises ? La thématique suscite en tout cas un réel intérêt comme le suggère la participation à la conférence organisée le 9 mars par l’ESN Talan autour de ce sujet.
Il est vrai que Talan s’est offert les services d’une consultante de choix : Zhamak Dehghani, sa conceptrice. Mais pour l’ESN, si le Data Mesh éveille l’intérêt, c’est d’abord car il réunit les différents composants d’une stratégie Data (gouvernance, équipes, organisation…), le tout dans le cadre d’une approche centrée sur l’humain – à laquelle le prestataire ajoute la dimension green.
Embarquer de l’IA dans tous les domaines business
En matière d’architectures et d’organisations, les entreprises ont cependant déjà traversé et éprouvé différents modèles, avec plus ou moins de succès. Pour Zhamak Dehghani, les sociétés se situent actuellement à un point d’inflexion. “Pour être compétitives, elles doivent être Data et IA driven”, souligne-t-elle.
“Ces organisations doivent évoluer au rythme du marché”, poursuit-elle. Cela passe par de l’IA et de l’analytics embarquées dans chaque “fonction et dans l’ensemble des domaines business.” Cette ambition se heurte cependant à une complexité jamais atteinte, en raison notamment de l’explosion des sources de données et de leurs multiples cas d’usage.
En conséquence, estime Zhamak Dehghani, les applications Data & IA ne sont pas en mesure de scaler dans l’entreprise. Cette “réalité” s’illustre au travers d’un bilan déséquilibré entre investissements et résultats business. 62% dépenseraient plus de 50 millions de dollars, avec des retombées mesurées.
La consultante explique fondamentale ce fossé par l’existence d’un goulet d’étranglement organisationnel entre la data et la valeur, soit entre les sources de données et leurs consommateurs. Ce goulet, c’est notamment une équipe data centralisée. La centralisation est-elle donc à bannir absolument ?
Pas nécessairement. Ce modèle est acceptable dans des organisations de petite taille ou lorsque les usages concernent principalement de la BI traditionnelle. “Mais cela ne fonctionne plus quand votre aspiration est d’injecter de l’IA à tous les niveaux de l’entreprise”, prévient-elle.
Zhamak Dehghani préconise donc de prendre différentes actions, comme par exemple l’instauration de standards ouverts et d’encouragements (‘incentives’) en faveur de la collaboration autour des données.
Ces incitations, précise-t-elle, viennent à la fois du haut de l’entreprise et de sa base. Les métiers doivent être encouragés à s’emparer des données et à concevoir des Data Products mutualisés. Cela passe, entre autres, par la fixation d’objectifs.
Responsabiliser les métiers et masquer la complexité de la plateforme
Les domaines sont responsables et responsabilisés. Mais pour déclencher l’adoption et l’implication, les domaines doivent aussi percevoir des bénéfices directs. En termes d’organisation, cette responsabilisation pourra se traduire par des rôles de Data Owners et Data Stewards dans les métiers.
Le Data Mesh ne consiste pas uniquement à définir et impliquer des domaines, ou à développer une culture produit – en soi des défis déjà conséquents. Les enjeux se situent aussi au niveau de la plateforme de données.
Le challenge dans ce secteur consiste à masquer la complexité de l’infrastructure sous-jacente et de ses composantes techniques. “Une équipe de vente Amazon ne veut pas se préoccuper de la façon dont la donnée est stockée, de savoir si du stockage est disponible ou du moyen de provisionner un cluster Spark”, rappelle Zhamak Dehghani.
“Dans le monde du Data Mesh, nous nous efforçons de masquer la complexité de la plateforme et de fournir aux développeurs des équipes cross-fonctionnelles une expérience très centrée sur le produit data pour la conception, le partage et l’utilisation de Data Products.”
C’est d’ailleurs sur ce sujet que se focalisent actuellement la consultante et son entreprise Nextdata. La promesse : un OS ou “ensemble d’outils natifs pour la gestion des données” à l’échelle et dans un environnement décentralisé.
La route vers le Data Mesh sera longue, reconnaît l’experte elle-même. “Je pense que nous en sommes encore à la phase d’apprentissage.” Des acteurs comme Suez, Michelin, Amadeus, Accor et Schneider Electric sont néanmoins bien décidés à transformer l’essai.