Après avoir bâti ses fondamentaux, notamment en matière de sponsoring, le Data Office a lancé ses tous premiers projets inspirés du Data Mesh. Un premier domaine de données retrouve de l’ownership et participe à la création de Data Products. Le parcours de Suez expliqué par sa CDO, Claire Mathieu.
Cet article est extrait du carnet d’expériences à télécharger : Modernisation des plateformes de données : les meilleurs accélérateurs des grandes entreprises
Selon vous, des fondamentaux sont-ils indispensables avant d’envisager une approche Data Mesh ?
Le point de départ, avant de pouvoir penser Data Mesh, c’est de considérer la donnée comme cœur dans l’entreprise. De cela en découlent le sponsoring du management et une volonté de faire circuler la donnée entre les différentes business units.
Sans cette implication et une stratégie Data collaborative et gouvernée, il semble difficile d’envisager d’aller vers le Data Mesh. Je l’observe chez Suez. Nous partons d’une approche silotée. Nous en extraire, changer les états d’esprit, cela nécessite qu’une personne de la direction se saisisse du sujet et donne une impulsion.
Bien sûr, il faut réunir d’autres fondamentaux également. Les programmes d’acculturation sont aussi un préalable. Sans personnes sensibilisées et conscientes des enjeux de la Data dans les métiers, leur faire recruter des experts des données ne fonctionnera pas.
Cela n’empêche pas de démarrer petit sans avoir obtenu la participation de toutes les équipes métiers. Comme disait Chafika Chettaoui à qui je succede, « Think Big, start small and show value fast.”
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Chez Suez, qui est ce sponsor moteur ?
Il s’agit de la personne chargée du digital, qui vient d’être nommée. L’IT aussi est un sponsor. Ces deux fonctions sont rattachées directement à la direction générale.
Quid du rattachement du Data Office ?
Le changement est en cours. Le Data Office rejoint l’équipe Digital Solutions, une entité de différenciation au service des business units. Auparavant, nous étions rattachés à l’innovation, ce qui est peu commun. Parallèlement à cette réorganisation, une équipe Data plus forte sera mise en place au sein de l’IT pour intervenir sur des sujets de gouvernance, de qualité des données et de master Data.
Quelle est votre méthode pour la mise en œuvre du Data Mesh ?
Nous avons choisi de construire notre socle technologique et méthodologique au travers d’un projet d’innovation, un projet phare pour lequel a été défini une roadmap de création de valeur. Nous avons identifié les gains permis par la Data pour les métiers associés.
Le point d’entrée est un domaine. Il fera office d’exemple, de vitrine pour amorcer la création des autres domaines. Sur le domaine retenu, les premiers produits de données seront créés, puis ouverts à l’usage à d’autres consommateurs, qui pourront les exploiter pour notamment le suivi de la performance ou la planification.
Quel est ce projet qui marque vos débuts sur le Data Mesh ?
Il consiste à récupérer les données d’usines de traitement des déchets pour le métier du tri. Ces données, enrichies d’algorithmes d’intelligence artificielle, concernent l’activité en temps réel des sites. Nous développons des produits de données destinés notamment à alerter en temps réel sur des dysfonctionnements.
Mais les données peuvent aussi être agrégées selon différentes manières afin d’alimenter des outils de suivi de la performance à destination d’autres utilisateurs, à des niveaux régionaux, nationaux et même groupe. Ces produits, nous allons donc les ouvrir progressivement.
Le projet est en fin de MVP sur deux usines. Mais nous avons identifié de nouveaux personas, de nouveaux consommateurs. Outre les exploitants, nous collaborons à présent avec les équipes performance. Les produits alimenteront également un suivi de KPI groupe.
La méthode est donc itérative au niveau d’un domaine, puis d’autres. Avez-vous déjà identifié les futurs membres du Data Mesh ?
D’autres catégories d’usines de traitement des déchets vont intégrer la démarche, sur des technologies différentes, mais via un socle technique commun. Deux autres métiers sont d’ores et déjà intéressés par une intégration à l’architecture. Nous en sommes cependant au tout début, et en sommes encore au stade d’évaluation de la création de valeur avec les exploitants terrain.
Lors d’un précédent entretien, vous évoquiez aussi un 2e projet autour de l’Open Data.
Nous sommes actuellement en train de mener un PoC sur ce projet avec des données géographiques et topographiques pour servir les équipes métiers qui travaillent sur des outils de planification et d’optimisation de nos usines. Nous avons fait le constat que plusieurs équipes métiers utilisent les mêmes données Open Data et nous souhaiterions leur simplifier la tâche en les mettant à disposition De nombreuses autres sources de données ouvertes sont à l’étude car très utilisées en interne, et pourront alimenter notre projet, pour une industrialisation en 2024.
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La plateforme Data as a service et des fonctionnalités pour les utilisateurs, est-ce une perspective pour Suez ?
Absolument. La plateforme est en cours de construction. D’ailleurs, ce n’est pas une plateforme mais une multitudes de plateformes interconnectées que nous souhaitons mettre en place. Elle s’appuie sur le Cloud provider retenu depuis quelques années déjà et avec lequel a été contractualisé un contrat IT. Nous essayons au maximum de développer des modules ‘cloud agnostic.’
Pour les projets qui nécessitent de l’IA sur site, nous avons déployé des technologies Edge en local. Elles permettront une remontée des données sur la plateforme, qui intègre différentes fonctionnalités à chaud, notamment de traitement en temps réel. Elle embarque aussi du stockage à froid pour une agrégation des données destinées à alimenter les nouveaux produits sur la performance. Ces données sont conservées dans un espace accessible aux consommateurs.
La plateforme intègre par ailleurs des API qui vont notamment être exploitées pour la visualisation des données. Des fonctionnalités de jumeau numérique embarquées dans les fonctions du cloud interviennent quant à elles dans la modélisation des usines et des produits. Elles favorisent la standardisation.
Dès le début du projet, nous constituons des équipes multidisciplinaires, avec des experts de la Data, responsables Data côté métiers, des exploitants, des experts IT. Côté métier, si ces rôles n’existent pas, nous les identifions. Sur notre premier cas d’usage, nous avons en outre réussi à convaincre le métier du domaine de recruter des experts Data.
Sur le second domaine, nous disposons aussi d’interlocuteurs Data du métier identifiés. C’est un préalable au démarrage. Disposer de sites pilotes ouverts à l’innovation est un autre prérequis à la construction du cas d’usage.
Le changement concerne-t-il aussi la gouvernance, ou très IT ou en tout cas très top-down ?
Dans la nouvelle organisation, la gouvernance sera pilotée par l’IT avec des relais dans les équipes métiers. Nous construisons les deux en parallèle.
Le développement des projets Data Mesh s’accompagne ainsi d’efforts en faveur d’une compétence gouvernance dans le métier, mais sur une temporalité plus longue.
Quelles sont les difficultés à anticiper sur le Data Mesh ?
Il est indispensable d’anticiper la montée en compétences des équipes métiers par la formation, les recrutements ou l’identification des bonnes personnes en interne. Et cela vaut aussi pour l’IT, amenée en principe à assurer le run de certains projets. Les équipes techniques de SUEZ doivent encore apprendre à maîtriser les technologies sélectionnées pour enrichir les données et les mettre à disposition des collaborateurs de SUEZ.
Quels bénéfices attendez-vous grâce à cette approche ? Et comment le mesurer ?
Désiloter les données, faire des liens entre les données de domaines différents, permettent de donner des informations supplémentaires sur le comportement de nos clients, de nos assets et d’éclairer les programmes de gestion des ressources, d’amélioration de l’efficacité de nos usines. Nous le faisons déjà sur des lignes de produits digitales de SUEZ et nous souhaitons accélérer son déploiement pour d’autres domaines moins avancés.
En facilitant l’accès et l’usage, elle nous permet d’ouvrir la Data aux métiers et de générer de nouvelles idées, qui seront les produits digitaux de demain.
Mes critères pour mesurer les progrès accomplis ? Ce sont les produits créés et leur valeur, les domaines installés et le nombre de consommateurs des Data Products.
A notre sens, le Data Mesh est en outre une solution qui permet de respecter l’existant et d’établir des passerelles.
L’étape ensuite sera de parvenir à rationaliser et décommissionner progressivement pour maîtriser les coûts…
Nous n’en sommes pas encore à cette étape, mais bien sûr nous l’avons en tête au Data Office. La réponse dépendra aussi des moyens qui nous seront alloués. N’oublions pas cependant que le legacy a ses clients et des SLA. Le but n’est pas de tout casser.
Notre méthode, c’est de lancer les nouveaux projets sur la plateforme cloud. Pour le legacy, cela reste à définir. L’essentiel, c’est que ces systèmes existants puissent interagir et bénéficient de nos développements