L’assureur Axa France se donne pour objectif de mettre la donnée au cœur de tous ses processus pour accroître la valeur pour le client, le collaborateur et ses distributeurs. Une transformation à la fois humaine et technologique.
Cet article est extrait du guide Alliancy Insights à télécharger « Data & IA : priorité à l’impact et au passage à l’échelle ».
Vous avez récemment recruté une chief data officer. Pourquoi ce recrutement ?
David Guillot de Suduiraut : Notre programme de transformation intitulé AXION vise à repenser de bout-en-bout l’ensemble de nos processus. Dans ce cadre, nous passons à une étape supérieure en mettant la donnée au cœur du dispositif. La finalité, l’intention stratégique, est ainsi de simplifier l’expérience du client, du collaborateur et des distributeurs.
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La mission de notre CDO sera donc d’intégrer la donnée dans ces processus, et cela grâce à deux piliers. Le premier, c’est la donnée structurée. Nous avons besoin d’une donnée client de qualité. Et d’ailleurs, un grand programme d’entreprise sera lancé sur ce sujet. Le second pilier, c’est l’analytics, c’est-à-dire le bon usage de la donnée pour utiliser l’intelligence artificielle de manière performante.
Quels sont les grands enjeux d’Axa France sur les données ?
L’ambition majeure est claire : simplifier l’expérience pour tous. Pour cela, il est indispensable, à chaque grande étape, de passer de l’expérimentation à l’impact. La première phase a ainsi consisté à expérimenter dans le domaine de l’actuariat, par exemple en utilisant la donnée pour déterminer le prix des offres auto.
L’étape suivante, c’était de passer sur une population plus grande, comme avec notre offre d’assurance de flottes de véhicules. Grâce à la donnée, le conseiller saisit le numéro SIRET pour appeler le fichier des immatriculations et ainsi disposer automatiquement d’une proposition. La donnée permet ici d’embarquer non plus quelques actuaires, mais tout le réseau de distribution.
Si on visualise ces cycles successifs comme la descente d’un canyon, le bas du canyon, là où l’impact est très fort, consiste à changer les modèles. Une illustration dans l’assurance collective. Notre métier initial était d’assurer les salariés en prévoyance et en santé. Désormais, la donnée de la DSN nous permet de faire de la prévention.
De manière très proactive, nous pouvons détecter très rapidement les arrêts de travail pour apporter le bon service. La Data nous donne aussi la possibilité de remplir une mission de conseil en prévention auprès des DRH. Non seulement nous poursuivons notre fonction d’assureur, mais nous y ajoutons en plus une dimension de prévention. Du rôle d’assureur-payeur nous passons à celui de partenaire.
Quels sont vos principaux chantiers en 2022 et sur 2023 ?
Nous avançons sur trois axes : data opérationnelle, IA, et enfin le décisionnel. Sur l’opérationnel, nous avons poursuivi cette année tout le chantier du MDM [Ndlr : Master Data Management], dont l’objectif est de disposer d’une donnée plus propre. C’est un projet au long cours. Le MDM doit être branché sur tous les systèmes et processus de l’entreprise. Nous en sommes sans doute aujourd’hui au tiers du chemin.
Sur l’axe IA, nous avons mis en production plusieurs modèles. C’est par exemple la possibilité pour le client, à partir d’une photo, d’obtenir automatiquement une estimation pour un sinistre auto. L’IA, c’est l’utilisation de la DSN couplée au big data pour faire de la prévention ou encore la lecture automatiquement de documents en agence. Cet usage facilite l’entrée en relation et permet en outre d’être meilleur sur le KYC [Ndlr : know your customer], une demande des régulateurs.
En ce qui concerne le décisionnel, la trajectoire est résolument axée sur le développement du self-BI : dans ce modèle, les utilisateurs disposent d’un accès plus souple à la donnée sans devoir multiplier les allers-retours avec l’IT. Sur le métier de l’épargne, nous avons mis un système à disposition de nos actuaires. Au travers de PowerBI, ils accèdent en temps réel aux données du data lake et gagnent en rapidité dans leurs analyses. Nous développons des usages comparables pour la fonction comptabilité.
L’année prochaine s’inscrira-t-elle dans le prolongement de 2022 ?
Nous allons poursuivre ces initiatives. Sur le MDM, nous devons passer d’un tiers à deux tiers des systèmes. Sur l’IA, les cas d’usage sont très nombreux, par exemple afin de ne plus redemander un document à un client, comme un permis de conduire, à moins que la pièce ne soit périmée. En matière de décisionnel, notre ambition est que fin 2023 tous les collaborateurs aient accès à un système leur permettant, facilement, de travailler la donnée.
Comment embarquez-vous les métiers sur la Data et l’IA ?
Je décomposerais entre le soft et le hard. Le hard, c’est en particulier la gouvernance. C’est un volet sur lequel notre chief data officer travaille déjà, avec des notions de data owner dans les métiers en charge de la qualité de leurs données.
Le soft, c’est plutôt l’envie ou l’appétit des métiers. Le bon usage de la DSN n’a absolument pas été poussé en central. C’est le métier des collectives qui s’est emparé de cette opportunité. La techno est venue appuyer cette demande pour la rendre possible. Le SIRET couplé aux immatriculations est également né dans le métier.
Le soft et le hard sont donc intriqués. Dès lors que vous disposez de collaborateurs responsabilisés avec un appétit pour la donnée, les usages et la culture de la Data se développent au sein de l’organisation avec l’appui de la technologie
Quelles évolutions à l’IT ont été nécessaires pour gérer ces projets ?
L’IT n’a pas attendu la Data et l’IA pour changer et s’adapter. Cette évolution générale remonte déjà à plusieurs années. Nous avons transformé profondément notre manière d’opérer au travers de deux changements principaux.
Premièrement, en 2018, toute la chaîne de valeur a été découpée en tribus regroupant à la fois métiers et IT autour de cycles agiles et courts. Plus récemment, nous avons réuni dans l’organisation la transformation et la technologie. Sont regroupées depuis quelques mois les équipes transfo, techno, data et digitales.
Dans cette organisation, le cloud fait office de facilitateur. Ainsi, notre data lake est sur le cloud. Cela constitue à mon sens une très grande avancée en nous permettant beaucoup plus d’agilité. Bien sûr, il nous faut encore progresser. Par exemple, data scientists et data ingénieurs doivent se rapprocher. Nous y travaillons.
Sous l’influence de la data et de l’IA, à quoi ressemblera l’assureur du futur ?
Il est résolument simple pour le client. Et pour y parvenir, il se doit d’être à la fois très technologique et très humain. Technologique car pour proposer des expériences rapides et fluides, il faut par exemple pouvoir utiliser de la reconnaissance d’image pour accélérer le processus d’indemnisation. Un arrêt de travail est détecté rapidement pour que les indemnités journalières soient enclenchées dès le premier jour et non le dernier.
Tous ces services au bénéfice de l’assuré reposent sur de la technologie. Mais il faut aussi de l’humain car tous nos clients l’expriment : ils ont besoin d’être conseillés, y compris sur des offres simples comme l’assurance auto. L’assureur du futur, c’est donc celui qui parvient à bien marier ces deux dimensions.