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D. Quantin (Matmut) : « La crise a montré l’important gisement d’automatisation dans l’entreprise »

David Quantin, DGA en charge des Systèmes d’Information et de l’Innovation du Groupe Matmut, nous détaille comment la mutuelle a traversé la période sensible du confinement et de quelle façon cela a affecté ses choix, notamment en matière de digitalisation et d’automatisation.

Cet article est extrait du carnet à télécharger  « Repenser l’expérience utilisateur et le télétravail. Quelles automatisations pour des entreprises plus résilientes demain » ?

 

David Quantin, DGA en charge des Systèmes d’Information et de l’Innovation du Groupe Matmut,

Alliancy. Comment votre entreprise a-t-elle vécu le printemps 2020 ?

David Quantin. À la première heure, cela a été la stupéfaction comme pour beaucoup d’autres entreprises. La crise sanitaire a provoqué un arrêt soudain de l’activité dû à l’inaccessibilité de nos sites mais aussi la baisse d’activité de l’assurance de manière générale. Heureusement, comme nous avons une activité déjà très digitalisée vis-à-vis de nos clients, les flux ont pu se maintenir malgré la distanciation physique. Au niveau de la direction de l’Organisation et des Systèmes d’Information et de l’Innovation (DOSII), nous nous sommes retrouvés dans une situation où il fallait en priorité assurer les moyens du travail à distance.

En l’occurrence, nous sommes passés en deux semaines de 1000 à 3000 personnes en télétravail, puis à plus de 5000 dans le mois qui a suivi. Après cette étape, nous avons travaillé rapidement à enrichir les services digitaux fournis à nos assurés. Depuis la fin du confinement, nous sommes dans une situation où le flux en présentiel des contacts clients redémarre doucement. Il nous faut donc profiter de l’été pour à la fois pérenniser nos réalisations digitales mais aussi rétablir des canaux plus traditionnels.

Comment les équipes de la DOSII ont-elles géré le soutien aux utilisateurs durant cette période ?

David Quantin. Au global, la DOSII comprend environ 400 personnes en interne et près de 200 prestataires rattachés. Mais l’impact de la crise s’est surtout fait sentir pour les équipes “coeur” de la production informatique, une petite centaine de personnes dont une vingtaine pour le support informatique utilisateur, autrement appelé service desk. Ces équipes sécurité, réseau, service desk… ont été en première ligne. Nous avons très rapidement basculé en cellule de crise, avec un choix délibéré de mener une marche forcée sur le travail à distance. Cette rapidité de transformation a mis une tension énorme sur le service desk qui a été sursollicité, car nous avons déployé les solutions en nous affranchissant des phases de tests et d’accompagnement habituelles. Nous avons su maintenir la qualité des appels et des résolutions mais nous avons assisté à une nette dégradation du taux de prises d’appel venant des utilisateurs, avec un nombre exceptionnel de rappels, et le sentiment mitigé pour les équipes de ne pas fournir un service client optimal. Objectivement, le fait que, dès le deuxième jour du confinement, l’ensemble du service desk ait été opérationnel à distance sans perte de qualité est cependant une vraie réussite en soi.

Ce genre de situation a-t-elle réinterrogé votre vision en matière d’automatisation ?

David Quantin. Notre entreprise, dans son secteur d’activité, a déjà une vraie présence digitale. Notre feuille de route pour la suite se concentre sur trois dimensions. La première est naturellement le service à nos assurés et sociétaires. Aujourd’hui, un quart de nos souscriptions de produits santé se fait en mode “full digital”, de l’entrée en relation jusqu’à la signature du contrat. Sur l’ensemble de nos contrats, quel que soit le canal de distribution, nous atteignons également un taux de signature électronique de 75 %. Ensuite, nous adressons nos salariés, en digitalisant une partie de la relation salarié-employeur pour qu’elle soit aussi qualitative que notre relation client digitale. Et la troisième dimension est celle des processus internes : c’est là que l’on retrouve les logiques de dématérialisation des flux et d’automatisation, alors que nous sommes un secteur où la place du papier reste encore extrêmement importante.

Qu’est-ce qui change avec la crise que nous avons vécue ? Nous avons répertorié tout ce qui avait dû être fait dans l’urgence “à la main” et nous avons constaté l’important gisement d’automatisation qui existe encore dans l’entreprise. La crise a confirmé nos convictions, mais a changé un certain nombre de nos priorités.

Quelles sont ces nouvelles priorités ?

David Quantin. Le plan stratégique global de développement du Groupe Matmut, notamment orienté vers la diversification de nos produits et de nouveaux partenariats, n’est pas remis en cause. En revanche, l’impératif est dorénavant d’accélérer en parallèle tout ce qui contribue à la résilience et la continuité d’activité de l’entreprise, et à sa capacité d’adaptation. La crise a montré que des sujets auparavant théoriques d’arrêt total de l’activité étaient finalement réalistes…

Tout ce qui permet de mieux gérer les flux prend alors une importance énorme.

En tant qu’assureur, nous traitons 10 millions d’appels par an, nous comptons presque 15 millions de transactions par jour sur notre système d’information, et nous recevons encore 10 000 courriers papier quotidienne ment, qu’il faut numériser et indexer efficacement. La nouvelle priorité est de renforcer encore la fiabilité de ces flux.

Comment ?

David Quantin. Cela passe évidemment par la “GEDisation” des flux entrants et par une accentuation de la dématérialisation, mais également par une meilleure répartition des appels avec des outils automatiques de routage de flux plus intelligents, qui transforment certains appels en e-mails par exemple. C’était un projet déjà lancé, et il a été accéléré par la crise. Il en va de même pour le traitement des e-mails entrants. Il existe aujourd’hui des moyens d’indexer beaucoup plus intelligemment ces informations à travers des techniques de détection de l’intention. Cela permet d’adresser chaque e-mail à la personne disponible de la branche métier concernée et habilitée pour y répondre. Nous le faisons déjà sur chatbot et nous le testons depuis sur des formulaires web et e-mail. Il s’agit d’utiliser du machine learning et des algorithmes de façon à aider à prioriser automatiquement les flux.

Quelle perception ont les équipes IT de ces sujets ?

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La crise a montré l’investissement de tous les acteurs de la DOSII pour servir leurs clients. Mais elle a aussi fait apparaître en creux à quel point la DSI s’est moins servie elle-même ces dernières années. Nous avons vu à quel point il restait énormément d’opérations manuelles et avons donc ressenti le besoin d’outils pertinents, même en dehors de la situation de crise. Ce focus sur “l’IT for IT” était un aspect de notre plan 2020, mais il est très clair à présent qu’il faut le renforcer drastiquement. Il existe un très important réservoir d’automatisation disponible au sein de la DSI permettant de se concentrer sur la valeur ajoutée des tâches, au-delà de la seule productivité. L’exemple du service desk est saisissant : j’ai dû accepter la baisse du taux de réception d’appels parfois jusqu’à 40 % pendant la crise, alors même que le service travaillait encore plus qu’avant ! Cela a été la preuve qu’il nous manquait un dispositif, de l’ordre du “self-care” que l’on propose pour nos clients, et que l’automatisation permettrait aussi de faciliter pour les services de la DSI. En parallèle, la crise a également été un argument fort en faveur d’une plus grande maîtrise de nos technologies, ce qui implique des exigences vis-à-vis des fournisseurs mais aussi d’avoir les bonnes compétences IT en interne. Pendant le confinement, tout le monde a pu prendre conscience à quel point nos experts télécoms ou sécurité étaient précieux.

À quel point la refonte de vos processus tient-elle une place importante dans votre plan ?

David Quantin.La remise en question des processus est au centre de nos préoccupations. Pour schématiser : on n’automatise pas une entreprise en mettant simplement de la RPA sur de l’existant, pour une transformation de surface. En ce sens, j’ai une équipe en charge spécifiquement de la cartographie de nos processus, qui observe avec les opérationnels métier quelles sont les modifications qui auront du sens. C’est une étape préliminaire où il n’est pas encore question d’automatisation ! Quand nous avons digitalisé une bonne partie de notre relation client, nous avions commencé par travailler sur les parcours clients eux mêmes.

C’est exactement le même principe pour l’interne. Il y a un “art des processus” que l’entreprise doit apprendre, au-delà des facilités offertes par les outils, et c’est sans doute l’étape la plus difficile du changement. Paradoxalement, la crise a remis beaucoup d’“humain” dans l’équation et tout le monde est motivé pour avancer sur ces sujets.

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