De « la mode pour tous » à « la mode pour chacun »

Personnaliser pour séduire : la mode s’y met ! La personnalisation est devenue la tendance majeure dans la mode et les fabricants doivent s’adapter. Des experts, réunis lors d’une table-ronde organisée par l’industriel Lectra, échangent sur les opportunités de la « fabrication à la demande », désormais à la portée de tous.

Atelier.NA est la 1ère marque de chemise et costume sur-mesure accessible à tous, grâce à une technologie unique de prise de mesure 3D.

Atelier.NA est la 1ère marque de chemise et costume sur-mesure accessible à tous, grâce à une technologie unique de prise de mesure 3D.

Suite au lancement fin 2018 de son offre « Fashion on Demand by Lectra », l’industriel a réuni récemment à Paris, un panel d’experts de la mode* pour échanger sur les opportunités offertes par la « personnalisation » aux acteurs de ce secteur. Un phénomène loin d’être une tendance passagère, mais bien un mouvement de fond. « C’est une révolution en cours pour l’industrie de la mode, comme c’est aussi le cas dans l’automobile, l’ameublement, la cosmétique… », a lancé l’un des participants.

Le consommateur veut désormais se sentir unique et trouver une alternative au « fast-fashion » (H&M, Zara, Topshop…). Il veut des vêtements qui répondent à ses goûts et collent à sa personnalité ; il veut participer au processus de création, le sur-mesure pouvant s’adapter à chaque morphologie. « La personnalisation aide le client à se sentir unique au travers d’une marque », lance Marie Dupin*. Chacun veut singulariser sa vie, la scénariser notamment au travers de sa consommation. Le client veut être le directeur artistique de son propre look, même si, en parallèle, il faut continuer à faire des propositions au client. A partir de là, le client réagira ! Aussi, seuls les acteurs de la mode capables d’évoluer pour répondre aux attentes de ce « nouveau » consommateur, gagneront.

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Un nouvel enjeu qui ne fait que s’ajouter aux autres problématiques du secteur, que sont la concurrence accrue, la réduction des délais de commercialisation, l’augmentation du coût des matières premières, la surproduction et la demande croissante de produits durables… « Le consommateur est de plus en plus exigeant. Il est séduit par la possibilité de co-créer son look, a poursuivi Pierre-François Le Louët. Il commence aussi à accepter des délais un petit peu plus longs pour obtenir un vêtement parfaitement adapté à sa morphologie et à ses attentes. Enfin, il est de plus en plus intransigeant en matière de transparence, d’éthique et de développement durable ».

futur du retail

De l’autre côté, on a une offre qui est prête : les industriels et les retailers sont de plus en plus sensibilisés à ces sujets et sont prêts à démarrer. La technologie est là ! « Il est temps d’apporter un mode de production à la demande et d’être en mesure de proposer des produits personnalisables », a expliqué Daniel Harari, PDG de Lectra depuis juillet dernier (lire encadré). C’est ce que fait son groupe aujourd’hui en lançant sa solution « Fashion on Demand », pour permettre aux entreprises de développer des produits personnalisables et d’automatiser la production à la demande.

Les avantages de la personnalisation

Intégrée et clé en main, la solution est constituée d’une plateforme accessible dans le cloud (Lectra Digital Cutting Platform), qui alimente une ligne de coupe mono-pli intelligente et connectée grâce à l’IoT (appelée Virga), capable ainsi de s’adapter aux changements de dernière minute. « Il y a cinq ans, nous avons investi 30 millions d’euros pour cette solution. 100 personnes y ont travaillé sur notre site de Cestas. Nous avons lancé des pilotes chez nos clients début 2017 et il nous reste encore beaucoup à apprendre. »

« Je porte ce que je suis ! Je suis ce que je porte ! »

« Produire à la demande évite également la destruction des invendus, choquante pour le public, tout en épargnant aux marques et distributeurs l’enfer de la décote », complète Sébastien Manceau. L’autre intérêt de la personnalisation pour l’industriel tient aussi dans le fait que le client paie le produit avant qu’il soit fabriqué…. De quoi soulager la trésorerie !

« Les vrais révolutions sont des changements de business models et non technologiques. Nous avons investi énormément dans cette nouvelle solution car elle permet un changement de business models. On prend les commandes avant de fabriquer ! Le consommateur paie à l’avance et génère donc du cash à l’avance. On travaille sur la valeur et non sur le coût : c’est un changement des process profonds qui imposent de réinventer l’entreprise. D’où la complexité à la faire comprendre. Mais c’est un business model très puissant », poursuit Daniel Harari.

Reste à savoir si le secteur est prêt à cette mutation… « Pas encore, mais les entreprises s’y intéressent. Mais pour les fabricants, ce changement nécessite de gros investissements. » Pour autant, certaines entreprises se sont lancées dans la course à la personnalisation : des marques historiques (du luxe notamment), des start-up évidemment, mais aussi des distributeurs et des fabricants. « La personnalisation enclenche un cercle vertueux pour le travailleur de l’habillement, libéré des tâches répétitives ; pour le fabricant, à qui il devient plus facile de recruter et former des jeunes tout en protégeant ses marges ; pour la marque qui peut se différencier ; pour le distributeur qui n’a plus de stocks à gérer et, bien sûr, pour le consommateur, à qui est proposé un vêtement répondant en tout point à ses attentes », résume Pierre-François Le Louët.

[bctt tweet= »#Retail – 74 % des Millenials et de la géneration Z achètent des produits personnalisés » username= »Alliancy_lemag »]

Debred 1902 (mode homme) par exemple personnalise à grande échelle depuis peu. « Au costume, on apporte de la fantaisie qui différencie. Nous avons 37 modèles de veste, et on peut personnaliser l’intérieur à la demande, pour un grand événement tel un mariage par exemple ». Il existe également un vrai potentiel pour les grandes tailles, pour les marchés spécifiques, les petites séries désirables… La personnalisation serait ainsi « bonne » pour tout le monde, du consommateur au fabricant, en passant par le travailleur, la planète et la marge…

Tous âges confondus, 41 % des consommateurs sont intéressés par des produits personnalisables.

De ce fait, une nouvelle géographie de la production se met en place (Portugal, Bangladesh, Pakistan, Maghreb, Bulgarie, Roumanie…) face à des coûts de production en Chine qui ont dépassé les coûts de production aux Etats-Unis… Ainsi, si produire en France reste encore plus cher, toutes les usines textiles seraient à la recherche de bras !

* Modérée par Marie Dupin, directrice mode, NellyRodi, la table-ronde regroupait un panel composé d’Amélie Attias (directrice des Opérations, Attias Group) ; Elisabeth Cabrera Valenzuela (directrice Marketing et Communication, Devred 1902) ; Daniel Harari (PDG de Lectra) ; Pierre-François Le Louët (président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin) ; Sébastien Manceau (Partner chez Roland Berger) et Charles-Alexandre Peretz (cofondateur et directeur Marketing d’Atelier NA).

Le « sur-mesure » vu par Lectra

Après quatre années de recherche, l’offre « fashion on demand » aura fait travaillé une centaine de collaborateurs – sur 700 – chez Lectra à Cestas (R&D, production), près de Bordeaux. Fondée en 1973, l’ETI, leader mondial de la découpe de textile et de cuir pour les industriels de la mode et de l’automobile, dispose de 32 filiales à l’international et sert ses clients dans plus de 100 pays. En 2018, Lectra, qui compte 1 700 salariés, affiche un chiffre d’affaires de 283 millions d’euros en 2018, réalisé à 94 % à l’international. Le groupe, habitué généralement aux productions en masse, fait là un véritable saut technologique, pour répondre à la personnalisation que réclament de plus en plus les consommateurs. « Fashion on demand » se présente donc sous la forme de Virgo, une nouvelle machine capable de découper le tissu sur une seule épaisseur à la vitesse de 120 mètres/minute et en adaptant automatiquement la coupe à l’étoffe utilisée.

Cette machine est toutefois couplée à une suite logicielle, qui héberge des librairies de matières premières. L’industriel dans son usine peut alors choisir et piloter la production en mode petites séries, vêtements customisés par le client, adaptation des motifs à la taille des vêtements, jusqu’au sur-mesure… sachant que la plateforme gère si besoin la coupe de vêtements à fabriquer en fonction des motifs sur le tissu (pour un minimum de pertes). Ainsi, les industriels disposent désormais de solutions conçues selon les principes de l’Industrie 4.0 pour adapter les salles de coupe à la production à la demande. « Fashion on demand accompagne les acteurs de la mode pour les aider à répondre toujours mieux aux attentes des consommateurs, tout en améliorant en continu leur productivité.

Très flexible, notre offre leur donne la possibilité de lancer la production d’un vêtement personnalisé quelques secondes après la prise de commande en ligne ou en boutique, ou bien d’attendre de recevoir plusieurs commandes utilisant le même tissu pour en optimiser la découpe. Dans le premier cas, la priorité est donnée à la disponibilité du produit, dans le second, à l’efficience, ce qui est important dans un contexte où le coût des matières ne cesse d’augmenter », a précisé Daniel Harari, PDG du groupe. Alors, où est la révolution ici ? Dans l’optimisation ! Il faut être capable de doubler une production personnalisée en optimisant un maximum pour garder le bon prix. Lectra vient de recevoir pour cette nouvelle offre le Prix Innovation 2019 de Texprocess, un rendez-vous international incontournable pour tous les acteurs de l’industrie de la mode (dans la catégorie nouveaux processus).

 

Lire aussi l’étude de Roland Berger : La mode en désintox

La consommation de vêtements et de chaussures a doublé depuis le début des années 2000, portée par le développement de la « fast-fashion ». La consommation mondiale continue d’augmenter (+ 3 % par an entre 2017 et 2022), même si l’on constate un léger essoufflement. Paradoxalement, les prix baissent chaque année de 0,9 % depuis 2003. Cette consommation de masse aboutit à ce qu’une personne jette chaque année 30 kilogrammes de vêtements (85 % finissent dans des décharges)… Il est donc temps pour les entreprises de ce secteur de se tourner vers un modèle plus durable.

La personnalisation, c’est quoi ?

  1. Premier niveau : la customisation, on ajoute une broderie, une peinture…
  2. Deuxième niveau : la personnalisation online (vous créez votre produit vous-même), ou sur-mesure (on produit selon la morphologie du client).
  3. Troisième niveau : la personnalisation poussée à l’extrême (on ne produit plus qu’à la demande).