Alliancy a accueilli dans ses locaux des directeurs et responsables de systèmes d’information de grands groupes lors d’un diner-débat de la rédaction, en partenariat avec plusieurs acteurs du marché, pour partager leurs visions d’un « numérique porteur de sens » et leurs idées.
Transparence, partage et accompagnement. Trois mots revenus en boucle tout au long du débat organisé par Alliancy en amont de la soirée de ses 10 ans. Trois principes que les participants ont unanimement jugé indispensables pour évoluer vers un numérique plus juste, plus responsable, plus éthique, à l’heure où la transformation digitale des entreprises et de toute notre société s’accélère. « Dans toutes mes expériences, j’ai rencontré ces mêmes ressorts pour apporter du sens au numérique », a assuré d’emblée Nicolas Duffour, chef de service adjoint au sein du service du numérique du ministère de la Justice. Avec un objectif fondamental, apparu comme le fil rouge de la soirée d’échanges : instaurer la confiance !
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Transparence et régulation
Cette confiance passerait donc en premier lieu par davantage de transparence. « Il faut rassurer les usagers par rapport à l’utilisation de leurs données et au fonctionnement de nos systèmes, avec davantage d’éthique et d’explication », a poursuivi Olivier Pelvoizin, directeur du digital, de l’expérience utilisateur et de l’open innovation chez Pôle emploi, ajoutant que « c’est encore plus vrai avec la génération qui arrive, de plus en plus vigilante sur ces questions ». Au-delà des jeunes, « il y a une défiance globale vis-à-vis de l’Etat concernant l’exploitation des données », a enchaîné Bernard Giry, directeur général adjoint en charge de la transformation numérique de la Région Île-de-France, également convaincu que la confiance passe par la transparence. « Mais une vraie transparence !, a insisté Frédéric Gimenez, Chief digital officer & Head of digital factory de TotalEnergies. Il ne faut pas se contenter de communiquer des informations, mais s’assurer de leur compréhension ».
Il y aurait aussi une perte de confiance dans le numérique du fait du côté « boite noire » des algorithmes ou encore des défauts de qualité des solutions digitales. « En cas de problème, la responsabilité est trop souvent renvoyée aux clients, aux utilisateurs », a expliqué Lionel Chaine, directeur des systèmes d’information de Bpifrance. Dans ce contexte, le numérique a besoin de régulation, de réglementation, pour apporter la preuve aux utilisateurs qu’ils sont bien protégés, ont convenu tous les participants au débat, citant l’exemple de l’Artificial Intelligence Act pour expliquer que les choses avancent. Ou encore celui de la réglementation concernant les cookies, même s’« il y a encore trop de contournements, de blocages, etc. ». En utilisant les données sans règles d’éthique et de transparence, « les marketeurs font beaucoup de mal au numérique », a déploré Olivier Pelvoizin.
Partage et communication
Instaurer la confiance nécessiterait aussi d’avancer collectivement, en partageant les expériences et en communicant sur les succès. « Pour que le numérique gagne ses lettres de noblesse, l’un des moyens est de partager les réussites à tous les niveaux, estime ainsi Nicolas Duffour. Dans l’administration, il y a un foisonnement d’initiatives, et nous sommes d’ailleurs très sollicités par des organismes à l’étranger. » Mais, faute de partage et de démonstration entre services ou organismes publics, personne ne le sait… « Sans exposer tous les petits projets, il faut valoriser les réussites, voire les échecs, à l’échelle », considère le représentant du ministère de la Justice, regrettant que la Dinum, c’est-à-dire la DSI de l’Etat, ne joue pas suffisamment ce rôle d’intermédiaire.
Partageant ce constat, Olivier Pelvoizin juge qu’il faudrait aussi « améliorer la collaboration avec le privé pour être plus fort collectivement ». Et ne pas freiner les initiatives vertueuses pour des raisons de souveraineté. « L’opposition Europe – Etats-Unis est un faux débat, juge également Nicolas Duffour. Même si les enjeux de protection des données et de continuité de service sont fondamentaux, il ne faut pas hésiter à choisir une solution si elle apporte la meilleure réponse à un besoin ». Dans la même logique, « pour redonner confiance, il ne faut pas mélanger les fournisseurs de solutions digitales et les opérateurs de plateformes marketing qui exploitent nos données à tort et à travers », a complété Frédéric Gimenez de Total Energies.
En matière de communication, « il faut non seulement montrer des exemples concrets de numérique qui a du sens, mais aussi pointer les nombreux usages qui ne servent à rien », a poursuivi Aline Bourdin, directrice des systèmes d’information Europe-Afrique de Vinci Construction, évoquant le Metaverse. « Plutôt que de développer des usages louables et vertueux, ce monde virtuel sert d’abord à faire du business », regrette Frédéric Gimenez, pour qui le partage d’expérience doit favoriser la mutualisation. Tous d’accord avec cette approche, les intervenants ont abordé le concept de « store », comme celui de Pôle emploi, qui réunit au même endroit tous les sites web et les applications mobiles pour l’emploi et la formation.
Enfin, la confiance s’acquerrait à travers un accompagnement des utilisateurs. Quitte à faire preuve d’autorité. « Lorsque nous essayons de diffuser des bonnes pratiques ou des systèmes qui ont fait leur preuve et font du sens, beaucoup de services ou de collaborateurs freinent en faisant valoir leurs spécificités. Après avoir expliqué, accompagné, etc. nous sommes devenus plus directifs », a témoigné Frédéric Gimenez. « Donner du sens au numérique n’est pas chose évidente, a renchéri Aline Bourdin, estimant qu’il faut préalablement revenir aux fondamentaux, en expliquant ce qu’est le digital, sans rester enfermé dans le jargon du domaine ». Et que la formation est aussi cruciale, en « travaillant avec l’Education nationale, sur les cursus, les programmes, etc. ». Pour un numérique porteur de sens, « le rôle des enseignants, des parents, des associations, etc. est fondamental », a appuyé Nicolas Duffour. En matière de formation aux enjeux du numérique, « se pose aussi la question de la désirabilité des usages, avec une opposition évidente entre les loisirs (jeux vidéo, réseaux, sociaux, etc.) et les services publics en ligne par exemple », a conclu Olivier Pelvoizin. Vaste chantier.
« Pour que le numérique gagne ses lettres de noblesse, l’un des moyens est de partager les réussites, voire les échecs, à tous les niveaux. »
Nicolas Duffour, chef de service adjoint, service du numérique du ministère de la Justice.
« Il faut revenir aux fondamentaux, en expliquant ce qu’est le digital, sans rester enfermé dans le jargon du domaine. »
Aline Bourdin, directrice des systèmes d’information Europe-Afrique de Vinci Construction
« En cas de problème avec les services numériques, la responsabilité est trop souvent renvoyée aux clients et utilisateurs. »
Lionel Chaine, directeur des systèmes d’information de Bpifrance