Début 2020, TotalEnergies a officialisé l’ouverture d’une digital factory en parallèle de son activité R&D dans le but d’accélérer la transformation digitale du groupe. Frédéric Gimenez, Chief Data Officer du fournisseur d’énergie, a profité du dernier salon Vivatech pour nous détailler le fonctionnement de cette entité d’un nouveau genre.
Comment fonctionne votre nouvelle digital factory ?
Au sein de notre digital factory, nous disposons de plus de 300 talents – répartis dans une trentaine de squads – qui développent des solutions digitales innovantes permettant de créer de la valeur dans nos procédés, raffinage, chimie ou encore électricité. C’est une activité menée en parallèle de la partie R&D pure du groupe et c’est principalement un moyen d’explorer ce que le digital peut offrir en matière de d’optimisation des métiers de TotalEnergies.
Raffineurs, chimistes, fabricants de batteries ou encore marketeurs travaillent main dans la main avec la Digital Factory sur des Minimum Viable Products (MVP) sur une durée très courte : l’objectif étant de faire émerger des solutions en à peine 6 ou 8 mois. L’IT nous fournit le socle technologique sur du cloud et nos équipes mettent à profit la multitude de données dont la compagnie dispose et auxquelles l’IT nous donne accès. Cela permet par exemple de développer des modèles prédictifs à base de machine learning.
Nous avons démarré le dispositif très vite avec l’aide d’Accenture, mais depuis nous avons recruté plus de 120 développeurs, data scientists et coachs agiles. 30 recrutements sont encore prévus cette année. Chaque projet réunit en moyenne 10 personnes pilotées par un tandem « Product Owner » pour la partie business et « Tech Lead » chargé de représenter l’équipe. Notre driver pour choisir un projet, c’est la valeur business qu’il apporte, en $, amélioration de la sécurité ou réduction des emissions. Nous n’hésitons pas à être extrêmement sélectifs .
Quelle est la recette du succès de vos projets ?
Plus nous disposons de données, plus nous sommes en mesure de résoudre de problèmes. Mais ce n’est pas non plus miraculeux, la data science n’est pas la réponse à tout. Et de la même manière, il ne faut pas non plus hésiter à se lancer. Nous avons choisi un modèle agile pour s’ajuster en permanence et rebondir rapidement. Si un projet ne donne pas les résultats attendus, même après plusieurs mois de développement, il ne faut pas s’acharner. C’est un changement de mindset qui n’est pas si courant chez les ingénieurs de TotalEnergies car cela suppose de ne pas avoir peur de l’échec, là où la maîtrise du risque était plutôt la norme.
Notre objectif en termes de génération de valeur auprès du Comex est d’atteindre 1,5 milliard de dollars par an d’ici 2025. 2022 est une année charnière car si l’accélération est bien visible dans le nombre de produits livrés, nous comptons évidemment sur la taille du groupe pour démultiplier et déployer rapidement et massivement nos projets dans nos filiales et sur nos sites industriels. Ce pouvoir de scalabilité est un atout considérable.
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À quel point l’intelligence artificielle fait-elle partie de vos ambitions de transformation ?
50% de nos use cases intègrent déjà de l’IA. L’intelligence artificielle permet de mieux gérer les incidents et les comportements futurs. La prochaine étape est de passer du prédictif au prescriptif pour donner des conseils sur la solution optimale en fonction de l’impact des différentes mesures. Le travail sur les jumeaux numériques est d’ailleurs très intéressant car il permet de comparer des scénarios de simulation pour aider à la décision.
Dans un second temps, si l’intelligence artificielle donne déjà des recommandations à une population d’experts, le même travail auprès d’opérateurs est un challenge. Les recommandations d’une IA auprès de personnes sur le terrain ne sont pas forcément bien reçues ou comprises, il faut donc rendre les modèles « explicables » pour créer la confiance et l’adoption.
Une IA ne s’adapte pas toute seule et elle doit aussi inclure les retours d’expérience du terrain. Il faut absolument que ces feedbacks soient intégrés pour améliorer les modèles et donc éviter une perte de confiance envers l’IA. Dans nos métiers, l’IA est tout sauf une boîte noire.
Comment faites-vous face à la guerre des talents en cours ?
Nous disposons d’une bonne attractivité et la plupart de nos talents trouvent un intérêt à travailler chez nous sur des sujets complexes et techniques ; tout en étant connectés au business. Maintenant, il est vrai que les start-up ou les pure playersproposent des salaires de plus en plus élevés et cela accentue la compétition autour des talents du digital.
Mais nous avons des atouts : travailler au sein de notre Digital Factory, c’est la garantie de participer à la transformation de TotalEnergies en une compagnie multi-énergies tout en se formant en permanence – nos communautés de pratiques dans toutes les disciplines permettent de partager de nombreuses expériences et compétences entre les collaborateurs. C’est aussi la possibilité de toucher à une grande variété de sujets : un jour, une personne peut travailler sur l’optimisation du forage offshore et l’autre, elle s’occupera d’une solution de monitoring de la production de renouvelables ou de mobilité électrique.
Nous entretenons de nombreux partenariats sur le plateau de Saclay via notre R&D ou bien avec notre nouvel incubateur à Station F : cela nous permet notamment de faire une veille pour ne pas développer chez nous une solution qui existerait déjà et que nous pourrions acheter ou aider à développer. Dans le domaine Digital & Power, nous incubons déjà une dizaine de start-ups. Et dans certains cas, l’acquisition d’une start-up peut aussi être envisagée : cela a été le cas pour WayKonect spécialisée dans l’optimisation de la mobilité par exemple.