Des données à plein gaz chez Air Liquide

Le leader mondial des gaz industriels inaugure un centre unique près de Lyon pour piloter ses 22 usines françaises, optimiser leur consommation énergétique et passer à la maintenance prédictive. Un modèle qu’il duplique à Singapour et Houston (Texas).

Le premier Centre d'opération et d’optimisation à distance en France, d’Air Liquide à Lyon.

Le premier Centre d’opération et d’optimisation à distance en France, d’Air Liquide à Lyon.

« Il y a une double cause d’échec dans beaucoup d’entreprises concernant leur projet de transformation numérique. D’une part, celles-ci ne prennent pas assez en compte les vrais besoins du terrain. D’autre part, celles-ci ne parviennent pas à réussir la phase délicate de l’interaction entre les équipes, qui gèrent les infrastructures informatiques, l’exploitation des données et le design des solutions », constate d’entrée Olivier Delabroy, directeur de la transformation numérique chez Air Liquide, lors de l’inauguration du Centre d’opération et d’optimisation à distance (Cood) du groupe, en janvier dernier.

Identifier les signaux faibles

Installé à Saint-Priest (Rhône), le Cood s’inscrit dans le cadre du projet Connect, d’un montant de 20 millions d’euros (2016-2017), et ayant pour ambition d’imaginer l’usine du futur au sein d’Air Liquide France Industrie, par des équipes pluridisciplinaires (grande industrie, système d’information, transformation numérique et R&D). L’idée ? Tirer profit des possibilités offertes par le digital, comme les lunettes connectées, la modélisation 3D… et évidemment la data pour optimiser la consommation d’énergie, sécuriser et maintenir ses installations. Désormais, le leader mondial des gaz industriels exploite la masse considérable de données collectées ces quinze dernières années et le Cood devrait à terme disposer d’une vue globale sur l’ensemble de la production française livrée par liaison directe ou par camion aux industriels.

[bctt tweet= »En France, @airliquidegroup ‏fournit une centaine de grands clients, directement par tuyauterie, 50 000 clients par camion et 200 000 en bouteille. » username= »Alliancy_lemag »]

« Il s’agit bien de maintenance prédictive, anticipant précisément une défaillance probable et non de maintenance préventive, qui remplace les éléments et effectue les contrôles selon un plan d’entretien établi », précise Olivier Delabroy. Les algorithmes de prédiction des défaillances analysent globalement une batterie d’indicateurs au lieu de les examiner séparément. Chaque usine est dotée en moyenne de 1 500 capteurs (température, débit, pression, etc.), le superviseur n’intervenant que sur certains paramètres critiques, comme le contrôle en temps réel de la production de gaz pour les grands clients alimentés par des canalisations. Par exemple, un compresseur destiné à la production d’oxygène dans une usine au Canada, témoignait depuis neuf mois d’une défaillance probable. Une fois changé avant un défaut définitif, le même incident a pu être évité dans l’usine de Dunkerque et géré au moment opportun.

Le Cood français est d’ores et déjà un modèle pour le centre de Singapour, destiné à la zone Asie, et celui de Houston pour les États-Unis. « Ce n’est pas un Big Bang. Nous franchissons progressivement les étapes, explique Olivier Delabroy. Mais il s’agit bien d’un copier-coller pour la supervision de nos 80 usines à travers le monde. » Un challenge qu’il se doit de concrétiser en tenant compte des spécificités locales. Outre la fiabilité et l’optimisation de la production, l’objectif est d’exploiter la transformation numérique dans le cœur de métier du groupe et de trouver de nouveaux marchés en étant plus attractifs avec des offres plus personnalisées.

Si tout ceci génère des économies au sein du groupe, aucun licenciement n’est prévu. « Mais les métiers vont évoluer, prévient Louis-François Richard, directeur général d’Air Liquide France Industrie. Certains opérateurs postés, qui travaillent en 3×8, pourraient passer de jour, suite à un accord collectif déjà signé, et d’autres évolueront dans leur fonction. »

Des « petits » pour co-construire de nouvelles solutions

L’open innovation chez Air Liquide fait appel à la créativité et à l’agilité des start-up pour accélérer la mise en place de solutions numériques, dont quatre sont déjà bien avancées. Avec Ama, il s’agit de doter les techniciens sur le terrain de lunettes connectées équipées de caméras. A distance, un expert d’Air Liquide visualise la situation et donne des indications au technicien. Avec le laser scanner 3D d’Imag’ing, les usines sont numérisées sous forme de points en 3D, ce qui facilite la maintenance sur les anciennes installations. Quant à Speach.Me, leur solution permet aux techniciens de créer simplement des tutoriels vidéo, à diffuser au plus grand nombre en ligne. Enfin, Wedo Studios a développé une solution pour que les techniciens puissent saisir et partager des rapports pendant les rondes de contrôle, l’audit des camions ou la maintenance… Une application personnalisée réalisée après une étude de terrain de cinq jours associant designer, sociologue et des agents d’Air Liquide.

>> Cet article est extrait du magazine Alliancy n°17  » Où en est l’IA dans l’entreprise ?  » à commander sur le site.