La digital employee experience monte en puissance

Effets de la crise sanitaire, projets d’envergure menés par les grands groupes, rôles joués par les DRH, limites des help desks traditionnels dans la mesure de la satisfaction des collaborateurs, bénéfices des démarches proactives… Les participants de notre workshop ont analysé les dernières tendances liées à la digital employee experience.

>> Cet article est issu du Guide « La Digital Employee Experience Au Comex »

Impacts organisationnels, productivité, bien-être, symétrie des attentions ayant des effets sur la satisfaction des clients… Les entreprises qui transforment leur activité avec le numérique révolutionnent aussi durablement la digital employee experience (DEX) vécue par les collaborateurs au quotidien.

Mi-mai 2024, un panel de DSI venant d’organisations publiques et privées françaises s’est réuni au sein de la rédaction d’Alliancy, à l’invitation du média et de son partenaire Nexthink. Ce workshop a été l’occasion de débats constructifs entre pairs. Après avoir débattu des initiatives phares qu’ils avaient lancées ces dernières années, les invités se sont posé la question des principaux leviers d’action pour faire en sorte que la DEX ne soit pas perçue comme une simple approche d’efficacité opérationnelle de l’IT, mais qu’elle puisse servir les intérêts stratégiques de l’entreprise.

Des projets d’envergure pour renouveler les équipements des collaborateurs

Les projets d’envergure ayant sensiblement amélioré la digital employee experience au sein des entreprises représentées lors de l’atelier, sont nombreux. Au sein d’Enedis, Éric Audy, directeur délégué opérations de la DSI, relate le projet suivant : « Il y a cinq ans, nous sommes passés de PDA à l’ancienne à des tablettes et des smartphones sous Android, embarquant des applications modernes et des modes déconnectés qui n’existaient pas avant. Cela a changé l’expérience des salariés qui se rendent chaque jour chez un client ou sur le réseau. Nous avons équipé 10 000 personnes à cette occasion. »

De son côté, Frédéric Novello, deputy group CIO de la SNCF, explique le projet qu’il a mené : « Les conducteurs de train sont aujourd’hui équipés d’un assistant de conduite. Cet outil leur donne toutes les consignes spécifiques à une ligne donnée ainsi que des aides à la conduite pour que les conducteurs modulent la vitesse à certains endroits pour fluidifier le trafic. Cet outil arrive en tête dans les enquêtes de satisfaction auprès des utilisateurs. »

Quant à Gilles Hueber, DSI de Paprec Group, il se souvient de l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation interne : « Lors de la crise sanitaire de 2020, nous sommes passés en trois semaines d’une situation zéro télétravail à 100 % pour les équipes support, afin d’assurer la continuité de service pour nos clients, et d’accompagner les équipes terrain restées très engagées du fait des activités mêmes du groupe Paprec. Les impacts en matière d’organisation ont été nombreux. Côté pratique, et à titre d’exemple, nous sommes passés de plus de 95 % de PC fixes à près de 60 % de PC portables, ce qui a modifié très sensiblement les usages comme les attentes de nos employés. »

La crise sanitaire, véritable déclencheur de la transformation

Alliancy-GuideDNM_DEX-BanDidier Fleury, senior advisor chez Alliancy, se souvient lui aussi des impacts de la crise sanitaire : « La digital employee experience a été percutée de front par le covid. Depuis trois ou quatre ans, les entreprises ont dû se structurer autrement. Le télétravail – qui était le plus souvent simplement toléré avant la crise sanitaire – s’est aujourd’hui imposé dans la majorité des organisations, sous de multiples formes et déclinaisons. »

Et pour Olivier Sanchez, country manager France de Nexthink, le covid a été un véritable déclencheur pour son segment de marché, le faisant littéralement exploser. « Des réflexions inconscientes sont devenues du jour au lendemain très conscientes, et elles le sont encore aujourd’hui. Un salarié qui travaille de chez lui, depuis un café ou un bureau, s’attend en effet à vivre exactement la même expérience. Grâce au covid, nous sommes passés du statut de « problème IT pour l’IT » à « sujet de comex » », déclare-t-il.

Cette nouvelle donne a également eu des répercussions sur le renouvellement des matériels équipant les salles et les espaces servant aux réunions et aux visioconférences. « En raison du télétravail, lors des réunions, il y a beaucoup de mixité : sur place et à distance. Nos nouveaux sites sont équipés de matériels de très bon niveau afin que les personnes à distance comprennent parfaitement ce qui se dit dans la salle. Et le taux d’équipement des salariés en PC portables avoisine désormais les 95 % », note Éric Audy (Enedis).

Le rôle du DRH dans cette métamorphose, variable selon les secteurs

Dans cette métamorphose, le DRH a joué – selon les entreprises et leur secteur d’activité – un rôle plus ou moins déterminant. « Selon les secteurs, les DRH sont fortement partie prenante dans l’expérience digitale, aux côtés de la DSI. Typiquement, dans l’industrie des services (conseil, audit), quand l’IT s’arrête, tout s’arrête. La DEX est donc un must have et le DRH est également sur le sujet. Dans d’autres secteurs, où l’IT est moins prégnant, les RH sont moins impliquées », analyse Olivier Sanchez (Nexthink).

Pour Éric Audy (Enedis) : « Le DRH s’occupe la plupart du temps de l’environnement de travail physique (cantine, salle de sport, bureaux, parking…) des salariés, mais pas du digital. Il compte pour cela sur la DSI. » Un point de vue partagé par Frédéric Novello (SNCF) : « Les DRH sont encore à gérer les contraintes. À la suite de la crise sanitaire, on n’a pas encore été au bout des conclusions qui s’imposent, notamment de savoir comment rester attractif vis-à-vis des jeunes qui, eux, ont intégré le changement de paradigme, c’est-à-dire un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso. »

Concernant le rôle du DRH, Valentine Ferréol, CIO manager de transition, propose la synthèse suivante : « Concernant la DEX, le DRH est un interlocuteur métier décidément très particulier. Il est soit hyperpromoteur, renégociant par exemple un accord de télétravail avec un mode de vie ensemble omnicanal progressiste, soit à l’autre extrême, très catégorique, ne voulant pas entendre parler de télétravail. ».

Une approche proactive pour anticiper l’insatisfaction des collaborateurs

Les participants au workshop ont par ailleurs mis en avant les limites que rencontrent actuellement les help desks dans la mesure de la satisfaction ou de l’insatisfaction des utilisateurs : « La tendance, dans de nombreuses entreprises, est de mettre en œuvre une batterie d’outils, de tests et d’indicateurs pour suivre la performance du SI. Mais il est très important, pour percevoir la réalité terrain, d’aller au contact des salariés pour comprendre leur ressenti. La disponibilité du SI (dans toutes ses composantes) est bien plus importante que la qualité du matériel par exemple. Dans ce monde numérique ultra-connecté, tout dysfonctionnement est, de ce fait, plus impactant, et contribue à perturber significativement nos opérations. », commente Gilles Hueber, CIO de Paprec Group.

Quant à Éric Audy (Enedis), il témoigne : « Nous déployons, pour le SI métier, une démarche SRE (site reliability engineering). Cela nous permet d’anticiper les difficultés avant que l’utilisateur ne les voie. Mais nous avons beaucoup de mal à produire un indicateur qui corresponde vraiment à l’expérience vécue. Nos indicateurs de disponibilité sont au vert (99,8 %), mais quand nous mesurons des perturbations, les utilisateurs ne s’y retrouvent pas toujours. »

La conclusion revient à Olivier Sanchez (Nexthink), pour qui moins de 50 % des problèmes vécus par les utilisateurs sont déclarés au support. « Même si vous mettez des millions d’euros dans le support, il y a toujours 50 % des utilisateurs qui souffrent en silence, qui ne travaillent pas et qui peuvent aller chercher des solutions en shadow IT. Un nombre de tickets en baisse n’est donc pas forcément un indicateur favorable, il peut signifier que les utilisateurs se détachent de l’IT et ne déclarent plus les incidents. La gestion de tickets et les enquêtes NPS trois fois par an sont de moins en moins fréquentes dans les organisations à forte marge ou dans lesquelles l’IT est le cœur du business. Dans ces entreprises, on est vraiment dans la proactivité. Le thermomètre n’est pas l’utilisateur mais la DSI, qui doit savoir si un service fonctionne ou non », affirme-t-il.