La crise du Covid-19 a mis en avant les fragilités de la France, comme de l’Europe, liées à l’organisation de chaînes de valeur mondiales. S’il ne faut pas s’attendre à des relocalisations massives demain dans l’industrie, une diversification des approvisionnements et une digitalisation de l’outil de production pour gagner en compétitivité doivent être soutenues.
En temps de crise, on l’aura compris à nos dépens ces dernières semaines en pleine pandémie du Coronavirus, l’importance d’une continuité d’activité dans de nombreux secteurs industriels et la fiabilité des chaînes d’approvisionnement sont des sujets majeurs.
Les mesures politiques prises durant le confinement ou pour la suite (à moyen et long termes) sont donc à regarder de près. Car c’est bien par manque de masques, de gants… et autres tests disponibles que la situation a été celle que nous avons connue.
« L’usine du monde », la Chine, est depuis longtemps au cœur d’une chaîne logistique complexe, dont les entreprises françaises – voire européennes – sont totalement dépendantes pour mener correctement leurs activités. Ce pays est notamment le premier exportateur de composants électroniques (près de 30 % du total mondial) et le premier importateur de matières premières… Tout comme les consommateurs chinois sont parmi les premiers acheteurs de nos produits de luxe (LVMH, Kering…)…
On voit donc l’importance majeure pour notre pays et à l’échelle mondiale de la Chine à la fois comme producteur, mais aussi comme marché. Cette dépendance (à des pays hors du marché commun) pourrait toutefois évoluer au vu de l’impact de la crise que nous traversons, pays et entreprises réalisant les avantages et les inconvénients de telles stratégies d’approvisionnement… D’où l’importance de réévaluer nos fragilités dans différents domaines, comme ont pu l’évoquer à plusieurs reprises Emmanuel Macron et les membres du Gouvernement concernant notre « autonomie stratégique ».
Bruno Le Maire ajoute : « Nous allons […] identifier les éléments critiques sur lesquels il est indispensable de rétablir une indépendance économique et une indépendance stratégique, et ensuite en tirer les conséquences en termes d’organisation de nos filières. » [Elles travaillent toutes aujourd’hui sur le sujet]
On ne peut que s’en féliciter… Pour autant, la relocalisation de certaines activités est loin d’être à espérer rapidement, sachant que depuis des décennies, la stratégie industrielle de nombreux grands groupes n’a été que de trouver des pays où produire à moindres coûts et à qualité égale… Suite à la crise financière de 2008, ces chaînes d’approvisionnement mondiales se sont même confortées et ce dans tous les domaines au détriment souvent de règles minimales fiscales, sociales et/ou environnementales en vigueur sur le Vieux Continent.
A lire aussi : La Chine, nouvel épicentre de la beauté
Du temps et un coût
Dans cette logique, on a vu ainsi plusieurs pays d’Asie se spécialiser dans la production de certains biens… de façon à abaisser leurs coûts et gagner en qualité. La Malaisie par exemple fournit près de 70 % des gants médicaux utilisés dans le monde (345 milliards d’unités par an)… Ce qui a posé problème pour les acheteurs quand ce pays a dû faire face à une deuxième vague de contamination de Covid-19 sur son territoire. Sans oublier que les producteurs de ces gants avaient également un souci interne d’approvisionnement en boîtes d’emballage du fait de la fermeture impromptue d’autres usines…
Au-delà des coûts de production à optimiser en situation normale ou de crise, il faut donc pour rapatrier des usines en Europe disposer des compétences et des savoir-faire sur nos territoires… Et là, le bât blesse, comme dans le domaine sanitaire : « Nous avons perdu beaucoup d’expertises et pour les faire revenir, il faut que nous redevenions plus attractifs sur un plan industriel », reconnaissait récemment dans La Croix, Frédéric Collet, président de la Fédération française de l’industrie pharmaceutique (Leem), et malgré les mises en garde, dès septembre 2018, d’un rapport du Sénat sur la pénurie de médicaments et de vaccins (en constante augmentation) contre les risques d’une concentration de la production entre les mains de quelques fournisseurs…
[bctt tweet= »En Europe, près de 40 % des médicaments commercialisés viennent de pays tiers (Agence européenne du Médicament). #Médecine » username= »Alliancy_lemag »]A l’inverse, on devrait rapidement s’attendre à une digitalisation accélérée des échanges, que ce soit dans la traçabilité des marchandises, la gestion de leur conditionnement et de leur transport comme de l’ensemble des flux commerciaux. Ce que confirme Thomas Leeson, Industry Marketing Strategist (secteur manufacturing) chez l’éditeur OpenText : « En plus des pressions économiques, concurrentielles et réglementaires auxquelles ils sont déjà confrontés depuis des années, les fabricants du monde entier en ont une nouvelle sur leur liste : la volonté de mettre en place des Supply Chains plus éthiques et durables. C’est pourquoi nombre d’entre eux cherchent déjà à numériser les processus de la supply chain dans le cadre d’initiatives environnementales et sociales. » (c’est-à-dire permettant de contrôler et gérer correctement les contrats et les conditions de travail, la provenance des matériaux, les performances environnementales et les processus financiers…).
Ensuite, toute relocalisation industrielle en Europe, quelle que soit son ampleur, impliquera la modernisation des sites de production existants grâce aux outils numériques de l’industrie 4.0, seule condition pour gagner en compétitivité et développer des modèles plus résilients en ces temps difficiles…
Dans ce sens, le Gouvernement engage 100 millions d’euros en soutien à l’innovation des filières industrielles sous forme d’aides aux projets de recherche et développement structurants pour la compétitivité (PSPC). « C’est en mobilisant tous les talents et les ressources disponibles en matière d’innovation que nous pourrons relancer notre industrie et accélérer sa transformation pour la rendre plus verte, plus numérique et plus compétitive », déclare Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances. En parallèle, les instituts de recherche technologique (IRT) et pour la transition énergétique (ITE), organismes partenariaux qui réunissent industriels et acteurs de la recherche publique autour de projets de R&D, bénéficieront d’une nouvelle tranche de financements pluriannuels pour près de 320 millions d’euros jusqu’en 2023, auxquels pourront s’ajouter plus de 130 millions jusqu’en 2025 en fonction des engagements des partenaires.