En l’espace d’une génération, les services culturels se sont largement digitalisés, passant de supports physiques comme le CD, le DVD ou le livre, à des versions numériques. En s’affranchissant du support physique, la consommation de biens culturels numériques a-t-elle pour autant un impact environnemental moindre ?
Sur 100 Go consommés en ligne, plus de 70 correspondent au secteur de la culture (pris dans un sens très large) : 30 Go viennent de la vidéo à la demande, 9 environ du jeu vidéo, 0,5 environ du streaming musical, 10 environ des Tubes et 22 environ de la pornographie, selon le Plan de Transformation de l’Économie Française pour le secteur de la culture publié en 2021 par The Shift Project. Selon le think tank, la « culture » serait ainsi le premier poste mondial de consommation de données, cette consommation représentant à elle seule plus de 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
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En s’affranchissant du support physique, la consommation de biens culturels numériques a-t-elle pour autant un impact environnemental moindre ? C’est pour répondre à cette question que l’Ademe s’est attelée à comparer les versions « physiques » et « numériques » de quatre services culturels : lire un livre, écouter de la musique, regarder un film, et jouer à un jeu vidéo, dans le cadre d’une étude intitulée « Évaluation de l’impact environnemental de la digitalisation des services culturels » et publiée en novembre 2022.
L’étude repose sur la méthode d’analyse de cycle de vie, qui permet de comparer un scénario d’utilisation d’un service numérique (ex : le streaming) avec son équivalent physique (ex : un CD) en prenant en compte toutes les étapes du cycle de vie du service (fabrication, utilisation, fin de vie…) et en évaluant les impacts sur différents critères environnementaux (émission de GES, mobilisation de ressources, pollution de l’air…).
L’exemple du service « regarder un film »
Pour procéder à l’évaluation environnementale du service « regarder un film », différents scénarios ont été utilisés afin de prendre en compte plusieurs usages :
- Un scénario dit « physique » consistant à regarder un film au format DVD sur une TV et un lecteur DVD.
- Trois scénarios « numériques » :
- Regarder un film en streaming direct sur une TV connectée à internet à l’aide une box TV
- Regarder un film en streaming direct sur un ordinateur portable
- Regarder un film en streaming direct sur un smartphone
Les résultats environnementaux globaux pour une heure de visionnage d’un film en France selon ces quatre scénarios sont présentés par la figure suivante :
Comparaison des résultats environnementaux des différents scénarios pour « Regarder 1h de film en France en 2020 » © Ademe
L’analyse montre tout d’abord que, dans le scénario sur format DVD, le DVD (production, transport, fin de vie) représente un impact prépondérant sur tous les indicateurs. Selon l’amortissement du DVD (de 2 à 8 heures d’utilisation considérées), l’impact du premier scénario varie entre 137 et 397 gCO2eq par heure.
Le DVD n’étant plus nécessaire dans les scénarios numériques, cet impact important est évité. En revanche, pour ces trois scénarios digitalisés, la consommation de données engendre un impact sur le changement climatique non négligeable via les réseaux et datacenters. Cet impact est très variable en fonction de la résolution vidéo sélectionnée. Selon ce paramètre, l’impact du streaming sur TV se situe entre 59 et 116 g CO2eq par heure, celui du streaming sur ordinateur portable entre 53 et 110 gCO2eq par heure.
En ce qui concerne le scénario du streaming sur smartphone, celui-ci possède un paramètre supplémentaire : le type de connexion. L’impact de transmission d’un Go est plus important en connexion mobile qu’en connexion fixe. Cependant, il est considéré par défaut une plus faible consommation de données en connexion mobile qu’en connexion fixe.
Cela se traduit par un impact plus faible (45 gCO2eq pour la résolution par défaut en connexion mobile contre 66 gCO2eq en connexion fixe pour la résolution moyenne). L’impact le plus important sur le changement climatique sur ce scénario correspond à une utilisation de ce service en connexion mobile et en haute résolution (HD), représentant un impact de 114 gCO2eq par heure.
Complexification et multiplication des équipements nécessaires
Mais à travers cette étude, l’Ademe révèle aussi que la digitalisation des services culturels complexifie et multiplie les équipements nécessaires aux nouveaux services proposés. Des équipements qui nécessitent une large variété de matières premières et de métaux et qui génèrent des impacts non négligeables sur tous les indicateurs.
À titre d’exemple, pour l’ensemble des scénarios d’écoute de la musique en streaming, les équipements contribuent pour plus de 90 % à la majorité des impacts environnementaux, le reste étant lié à la transmission, au traitement et au stockage des données. Même constat pour les services culturels « regarder un film » et « jouer à un jeu vidéo » : l’impact des équipements (TV, box TV et console pour le jeu vidéo) représente respectivement plus de 60 % et 80 % des impacts environnementaux du service.
Enfin, pour l’ensemble de ces services culturels, l’utilisation du streaming s’accompagne souvent d’une montée en gamme des équipements (TV et smartphone à écran plus grand et à haute résolution), notamment pour pouvoir fournir plus de fonctionnalité et une qualité de l’image la plus haute possible. En plus de l’impact lié au renouvellement précoce d’équipements, plus la taille de l’écran de ces équipements est importante, plus leurs impacts environnementaux sont élevés.
Pour réduire l’ensemble de ces impacts, l’Ademe recommande de :
- Télécharger les contenus en amont durant les heures creuses,
- Éviter l’usage de vidéo en ligne lorsque c’est possible, notamment lorsqu’on écoute de la musique ou encore en désactivant l’autoplay sur les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming,
- Adapter la résolution de la vidéo visionnée à l’équipement pour limiter le poids de la vidéo qui est visionnée,
- Privilégier l’usage du wifi aux réseaux mobiles dont les infrastructures consomment plus d’électricité.