Lors de sa 3ème conférence sur les relations fournisseurs et utilisateurs de services numériques, le Cigref se félicitait que la souveraineté s’était récemment invitée dans le débat public en France. Toutefois, vu l’absence de prestataires stratégiques dans le numérique en Europe, l’organisation constatait par la même occasion l’existence de contrats conséquents signés ces derniers mois entre entreprises européennes et acteurs américains ou chinois... De quoi nuancer l’enjeu de souveraineté européenne sur les questions technologiques.
Renault-Nissan a annoncé début septembre 2020 avoir signé une lettre d'intention avec le géant technologique Uber pour un futur partenariat. L'objectif : électrifier les véhicules des chauffeurs de la plateforme californienne en Europe. Ce projet avait d'ailleurs été fructueux pour Uber qui avait collaboré avec Nissan au Royaume-Uni dans le même but. Uber gagne du terrain et espère qu'à Amsterdam, Berlin, Bruxelles, Lisbonne, Londres, Madrid et Paris la moitié des kilomètres effectués par les chauffeurs soit à bord de voitures électriques d'ici 2025.
Le pétrolier français a annoncé le 12 août dernier un protocole d'accord avec le Chinois Alibaba. Cette alliance inédite permettra à Total d'accélérer la transformation numérique de ses activités en Chine en utilisant directement les technologies proposées par Alibaba dans son cloud. Cela fait déjà plus de 40 ans que Total est présent sur le sol chinois et le groupe a souhaité accélérer sa transformation par l’intermédiaire d’un acteur local.
En novembre 2019, c’était au tour d’Accor de signer un partenariat stratégique avec Alibaba. Le groupe mondial spécialisé en hôtellerie souhaite, dans les cinq prochaines années, bénéficier des solutions du géant chinois pour améliorer son expérience client avec de nouvelles applications numériques et programmes de fidélité. Accor a d’ailleurs prévu le coup en dimensionnant une offre entièrement dédiée aux consommateurs chinois : le programme “Haoke” (“bienvenue” en chinois).
Le gouvernement monégasque a annoncé début septembre 2020 vouloir créer sa propre infrastructure cloud, dupliquée au Luxembourg. Un projet de cloud souverain qu’il va achever en 2021 avec l’aide du géant Amazon en matière de technologies. Le projet intitulé “Monaco Cloud” fait partie du programme “Extended Monaco” destiné à redynamiser l’économie de la principauté en accentuant la transformation numérique des services publics. Le Prince Albert II a d’ailleurs précisé vouloir atteindre ces objectifs en allouant 15 millions d’euros afin d’aider Monaco “à écrire une nouvelle page et devenir un pays modèle en termes de numérique.”
Orange marque une étape dans sa volonté de devenir un groupe entièrement data-driven. La société française de télécommunications a signé un partenariat fin juillet avec le mastodonte Google Cloud afin d’accélérer sa transformation numérique. En bénéficiant des technologies et outils d’analyse de données de Google, Orange va poursuivre les objectifs qu’elle s’est donnée à travers “Engage 2025”, un plan stratégique visant à placer l’IA et la data au cœur de l’amélioration de son efficacité opérationnelle et de l’expérience client.
La recherche clinique présente aussi son lot de partenariats d’envergure. En juin dernier, l’AP-HP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) a signé un accord cadre avec le groupe pharmaceutique et agrochimique allemand Bayer. Cet accord sur trois ans a pour objectif de faire de l’IA un moteur de la recherche en médecine française, notamment en optimisant la mise en place des nouveaux essais cliniques et en permettant une meilleure compréhension et prise en charge des maladies.
Alors que ses concurrents directs Microsoft et Google ont tous deux lancé récemment leurs services de gaming sur abonnement dans le cloud, Amazon a estimé qu’il devait en faire de même. Jeff Bezos a donc annoncé lors d’un événement fin septembre l’inauguration de Luna, sa propre plateforme de jeux vidéo à la demande. Et pour étoffer son catalogue de jeux, Amazon s’est tourné vers une des références du domaine : l’éditeur français Ubisoft qui a accepté de collaborer et mettre à disposition ses licences phares et ses prochaines sorties.
En début d’année 2017, le Comité International Olympique (CIO) avait annoncé avoir signé un accord avec Alibaba jusqu’en 2028 pour s’inscrire dans une nouvelle ère régie par le numérique. Aujourd’hui, à quatre ans des prochains Jeux Olympiques prévus à Paris, le partenariat a déjà porté ses fruits : Le Club de Paris 2024, un site web développé et hébergé par Alibaba, a vu le jour cet été pour inclure davantage le grand public durant l’événement avec plusieurs activités interactives.
En obtenant la certification d’hébergeur de données de santé (HDS) en 2018, Microsoft a pu, au même titre que ses concurrents, accéder au marché des données médicales françaises. Mais nul n’aurait pu se douter que le géant américain aurait été choisi pour le Health Data Hub, la plus grande plateforme de données de santé imaginée en France. Pour le secrétaire d’État au numérique Cédric O, en conférence de presse le 23 mai dernier, ce projet n’aurait pas pu voir le jour sans l’aide de géants technologiques. En revanche, l’idée d’une alternative européenne n’est pas écartée : Guillaume Poupard, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) avait évoqué cette éventualité pour éviter d’être soumis à des lois extraterritoriales comme le Cloud Act.
Note de la rÉdaction :
Le 9 octobre dernier, la CNIL a transmis un recours au Conseil d'État visant la suspension du Health Data Hub tant qu'il serait hébergé par Microsoft. Dans la foulée, le secrétaire d’État au numérique Cédric O a déclaré travailler avec Olivier Véran pour préparer un transfert de la gestion des données vers un prestataire européen. Ces discours rejoignent la volonté du gouvernement de protéger les données médicales des Français des lois extraterritoriales, notamment prévu aux Etats-Unis dans le cadre du Cloud Act. Un arrêté a même été publié au Journal officiel le 10 octobre pour interdire le transfert de données à caractère personnel hors de l’Union européenne.
Deux géants américains ont réussi à apprivoiser deux acteurs historiques du retail français. Google, d’une part, a signé un partenariat avec Carrefour en 2018, et d’autre part, Microsoft avec Intermarché en juin 2019. Google s’occupe de former des collaborateurs de Carrefour au digital et à la data, de basculer son offre sur Google Shopping et Google Assistant et enfin d’ouvrir un Innovation Lab en commun avec le groupe pour tirer des bénéfices de l’IA en matière d’expérience client. Microsoft France de son côté va créer avec Intermarché une Data Factory pour personnaliser son offre à destination de ses clients. À l’avenir, l’enseigne française veut permettre à chaque consommateur d’avancer dans sa pratique du “mieux manger”.
C'est sous le signe de la coopération franco-allemande que le projet européen Gaia-X va voir le jour. En effet, OVH va collaborer directement avec T-Systems pour développer d'ici 2021 une plateforme cloud public à destination des services publics, des opérateurs d'importance vitale (OIV) et de toutes autres entreprises résidant sur le territoire européen, soit tous les secteurs sensibles à la souveraineté des données ainsi qu'au respect de la RGPD. Le Français OVH mettra à profit son expertise en déploiement d'infrastructures, tandis que l'Allemand T-Systems sera en charge de la gestion des datacenters, implantés outre-Rhin.