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Chez Doctolib, la transformation de l’IT est au coeur de l’hyper‑croissance

>> Cet article est extrait de notre carnet d’expériences Une DSI « broker de services » ? Recettes de scale-ups à l’usage des entreprises

Sébastien Louyot est le directeur IT services de Doctolib. L’entreprise française, fondée en 2013 et spécialisée dans la prise de rendez-vous médicaux en ligne, a connu une très forte croissance en quelques années. Elle a également été mise sur le devant de la scène depuis 2020 face à la pandémie. Sébastien Louyot revient sur les transformations qu’a connues l’IT de l’entreprise sur la même période.

Sébastien Louyot est le directeur IT services de Doctolib

Quel est votre périmètre de responsabilité en tant que directeur IT services chez Doctolib ?

Je m’occupe d’une équipe d’une quarantaine de personnes qui a trois grandes missions : l’IT interne, qui va de la « workplace experience » au help desk ; le support aux business lines, par l’intermédiaire des applications et des workflows qui seront utiles à nos métiers ; et la gestion de la cohérence et de la gouvernance globale du système d’information. Le tout dans un contexte d’hyper-croissance qui met en tension tout ce que l’on fait au quotidien.

A découvrir : [Podcast] Echange avec Sébastien Louyot, directeur IT Services chez Doctolib

Nous sommes aujourd’hui 2500 et nous allons recruter 3500 personnes dans les cinq ans à venir. Historiquement, notre IT s’est créé autour de petites équipes agiles délivrant au plus près du terrain. Mais face à nos enjeux de croissance, nous avons aujourd’hui besoin de tout unifier autour d’une organisation « One IT » sur les 18 mois à venir. Au sein des équipes business, il y a également de nombreuses parties prenantes IT, avec lesquelles nous devons créer une communauté transverse. Autrement dit, il ne s’agit plus seulement de délivrer rapidement des outils business, mais de s’assurer que le passage à l’échelle se fait, y compris en termes de gestion des coûts et de la sécurité.

Comment décririez-vous le système d’information de Doctolib aujourd’hui ?

Une des spécificités de notre SI est d’être 100 % cloud, ce qui limite en partie le problème de la dette technique – mais pas totalement – que peuvent avoir d’autres entreprises.

Il s’appuie sur plusieurs grands écosystèmes thématiques, par exemple CRM avec Salesforce ou People avec Workday, et sur un très grand nombre de SaaS, choisi en mode best of breed. Nous en comptons 240 différents dans l’entreprise, dont la gestion de certains est déléguée aux métiers. Nous maîtrisons le shadow IT en ayant pris il y a un an la décision radicale avec le directeur financier de couper toutes les cartes bleues virtuelles existantes, pour passer à un processus spécifique, afin que personne ne puisse activer de SaaS sans une validation procurement et IT.

Nous sommes également proactifs sur la cartographie du système d’information, pour bien comprendre les liens de fonctionnement des SaaS entre eux. C’est aussi ce qui nous conduit à avoir des guidelines précises en termes de provisioning et deprovisioning d’applications, ou encore des audits financiers pour gérer les coûts « opex ».

Dans ce contexte, je dirais que le défi principal au niveau de notre SI est la rationalisation. Quand nous serons 6000 collaborateurs, qu’est-ce qui nous permettra de continuer comme aujourd’hui ? Avec quelles compétences ? Et quel impact en termes d’automatisation et de sécurité ?

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Diriez-vous que votre IT a toujours eu une approche « broker de services » ?

Une DSI « broker de services »? Recettes de scale-up à l’usage des entreprises

Si je reprends l’historique de notre relation avec les métiers, je dirais plutôt qu’il y a deux ans et demi, à mon arrivée, il y avait assez peu de « business partnership ». Les métiers faisaient beaucoup de SaaS de leur côté, et l’IT se consolidait derrière, avec un train de retard et en gérant les problèmes, voire les crises que cela pouvait engendrer.

Mais depuis, nous avons staffé les équipes, nous avons créé des postes de product managers avec les business lines, capables d’échanger d’égal à égal avec les métiers. Avec des roadmaps trimestrielles, nous alignons IT et métier autour d’une gouvernance appropriée. Et nous voulons maintenant amener cette relation de partenariat un cran au-dessus. L’IT sera plus en veille et dans la préconisation, et nos équipes seront capables d’aller challenger le métier sur ses prochains choix stratégiques. Nous sommes très agiles chez Doctolib, avec un excellent pilotage de court terme. L’enjeu aujourd’hui, c’est plutôt la vision claire à 18 mois, dans un contexte d’hyper-croissance.

Comment allez-vous procéder ?

Cela passe par deux priorités. D’abord, faire monter en gamme les product managers, leur connaissance de l’IT, de la roadmap, des services, mais aussi leur compréhension du business. Leur capacité d’adaptation est devenue clé. On a bien vu à quel point les impératifs de la campagne de vaccination en 2021 avaient pu faire exploser nos roadmaps, par exemple !

Ensuite, l’autre priorité, c’est de faire émerger ce Graal qu’est le catalogue de produits et services IT. D’une part, en avoir une connaissance globale et cohérente, et ensuite savoir évangéliser auprès des métiers. La logique est bien de dire : voilà ce que fait déjà l’IT, ne réinventons pas la roue, alors que nous avons des services existants qui couvrent sans doute déjà 90 % du besoin exprimé.

Quels nouveaux services peuvent apporter les DSI pour être vraiment des business partners vis-à-vis du métier ? 

Une DSI doit surtout composer de tels services avec quelques grandes caractéristiques incontournables. L’ergonomie d’abord, car l’UX est clé. On ne peut plus avoir aujourd’hui des services BtoB qui proposent trop de clics par opération ou qui ne pensent pas sérieusement au parcours utilisateur. Il y a également l’automatisation. Tout ce qui n’amène pas de la valeur ajoutée et peut être automatisé doit l’être. Je mettrais également comme incontournable la sécurité « par défaut ». La prise de conscience en data privacy et cybersécurité, que l’on a pu avoir depuis plusieurs années sur nos métiers liés à la santé, doit se retrouver aujourd’hui dans n’importe quel type de service et d’activité.

De façon plus spécifique, un autre point que l’on veut développer dans notre contexte pour les prochaines années, c’est le self care pour les services IT. Nous voulons continuer de créer des environnements hypersécurisés pour certaines actions des collaborateurs qui pourront s’activer « on demand ». L’IT ne peut pas tout contrôler, mais il faut qu’elle puisse donner la main au métier de manière intelligente et de tels environnements « on demand » en font partie.

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Quels sont vos points de vigilance pour les mois à venir ?

Notre premier challenge est clairement celui de la simplification, ou en tout cas d’éviter de complexifier notre système d’information au fur et à mesure de notre croissance. Cela veut dire : éviter d’ajouter une nouvelle application à chaque nouveau besoin. Il faut que l’on soit très vigilant sur l’urbanisation des applications et des interfaces.

Dans la même logique, nous avons aussi de plus en plus le challenge de ne pas trop en faire en matière de data. C’est un peu paradoxal, mais nous sommes une entreprise très data driven et nous savons très bien récupérer et exploiter la donnée. Mais tout ce que nous faisons est-il vraiment utile et efficient ? Est-ce que parfois trois KPI ne suffiraient pas au lieu de vingt, pour une review x ou y ? Il faut qu’on devienne plus frugal dans notre emploi de la data, car ce n’est pas un KPI qui fait une stratégie. Quand une entreprise passe un certain cap de la data, elle finit par vouloir se rassurer avec, envers et contre tout. Cela peut être un défaut à terme.

Nous sommes une entreprise très « tech », et notre Comex a une appétence digitale très forte. Notre enjeu, ce n’est donc pas de convaincre sur la transformation numérique, mais plutôt de ne pas avoir d’angles morts. Par exemple, pendant longtemps, nous avons été drivés uniquement par le produit Doctolib lui-même et par le service rendu au client ; l’organisation interne s’alignant complètement sur ces impératifs. Mais aujourd’hui, nous avons conscience que cela ne peut pas suffire et qu’il faut scaler également sur notre IT et notre organisation interne, si on veut continuer efficacement. C’est ce qui explique que l’IT ait été rattaché dernièrement aux corporate services, au même titre que la finance, le légal ou les risques. C’est cette approche transversale des services IT qui va nous permettre de grandir.

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