Disposer d’un portefeuille numérique intégrant cartes bancaires, tickets de transport ou coupons de réduction, telle est la promesse du « e-wallet » sur lequel se positionnent de plus en plus d’acteurs.
D’ici à une décennie, le portefeuille « physique » pourrait avoir disparu de notre poche. De même que le bon vieux porte-cartes en cuir… Tous deux pourraient être remplacés par le portefeuille numérique, qui stockera des versions dématérialisées de nos cartes de crédit et de fidélité, nos titres de transport et autres billets de spectacle. Cette dématérialisation est déjà bien engagée. Depuis la fin des années 1990, PayPal propose un portefeuille virtuel permettant de réaliser des achats simplifiés sur le Net.
Acheté en 2002 par eBay, il présente 137 millions de comptes actifs dans le monde, dont environ 5 millions en France. Un réel succès qui s’explique par un avantage client évident : plus besoin de saisir les seize chiffres de sa carte bancaire, ainsi que la date de validité et le cryptogramme. L’utilisateur associe une seule fois ces informations à son portefeuille numérique et ses achats s’effectuent, au fur et à mesure, en seulement quelques clics.
Côté sécurité, les coordonnées bancaires ne sont jamais envoyées au commerçant. L’opération est gérée par PayPal, qui reste seul détenteur de ces données personnelles. Quant au business model des e-wallets, il a le mérite d’être simple.
Comme pour le paiement par carte bancaire, une commission est perçue sur chaque vente par le fournisseur du portefeuille électronique. Cette perception intègre une base fixe et une base variable. Sans surprise, le succès de PayPal a attiré les velléités d’autres acteurs du Web, à commencer par Google. Le géant américain a lancé, en 2006, son propre e-wallet : Google Checkout, renommé Google Wallet en 2011. Si, en Europe, il est surtout utilisé pour acheter des applications mobiles Android, aux États-Unis, il permet aussi des achats sur certains sites marchands.
Une déferlante
Depuis trois ans, le phénomène e-wallet prend de l’ampleur. Entre 2011 et 2013, le cabinet de conseil ADN’co, spécialisé dans les services financiers, a recensé le lancement de plusieurs dizaines de portefeuilles numériques dans le monde. En France, la société FIA-NET, filiale du Crédit agricole, s’est lancée dans l’aventure dès 2011 avec son portefeuille numérique Kwixo, déjà utilisé par plus de 450 000 Français et intégré chez quelque 1 200 commerçants. Outre le paiement en ligne, Kwixo permet également de transférer de l’argent d’un compte à l’autre entre particuliers. « Notre solution permet de fluidifier le parcours d’achat. Il n’y a plus de blocage, entraîné par la saisie des coordonnées bancaires. Quelques clics suffisent pour valider et payer le panier. Ce qui augmente nettement la probabilité d’achat pour le commerçant », explique Christophe Nepveux, directeur général de FIA-NET.
Grâce à cette solution, la valeur globale du panier grimpe : les clients Kwixo affichent un panier moyen de 180 euros, contre 85 euros pour les autres *. « Outre la simplification du parcours d’achat, nous jouons également un rôle de tiers de confiance, car nous sélectionnons les e-commerçants avec qui nous travaillons », poursuit le responsable. Dans la même veine que Kwixo, BNP Paribas, Société générale et La Banque postale ont lancé Paylib, en septembre. Même principe : il permet de régler ses achats en ligne en quelques clics, sans communiquer ses coordonnées bancaires. Argument de Paylib : le service est géré par des banques, censées garantir un haut niveau de sécurité et de confidentialité.
Le smartphone : support idéal ?
Pour autant, cela ne suffit plus… Depuis 2012, PayPal se décline sur mobile, de la même façon que Kwixo possède des applications pour iPhone et Android comme la plupart des autres wallets. Avec le smartphone, le portefeuille électronique aurait ainsi trouvé le support de prédilection. « L’argument de ne pas avoir à saisir ses coordonnées bancaires prend toute sa dimension sur le mobile. Les e-wallet vont rapidement se développer sur ce support », estime Luc Boucey, consultant chez ADN’co. C’est le cas de Flash’N pay, un portefeuille lancé fin 2012 par Oney Banque Accord. Ce service serait la réponse de la grande distribution au « blocage que connaît le déploiement du paiement mobile en France », indique la filiale du groupe Auchan. Son principe ? L’utilisateur installe l’application mobile sur son smartphone, à laquelle il associe une ou plusieurs cartes bancaires.
A la caisse de l’hypermarché, il passe son mobile devant un boîtier Flash’N pay et tape un code confidentiel pour valider l’achat. L’opération est très rapide, mais l’avantage réside surtout dans les cartes de fidélité et autres coupons de réduction qui peuvent être adjoints au compte du client. Contrairement à leurs équivalents papiers, les coupons de réduction « dématérialisés » ne se perdent pas… et sont utilisables via le smartphone au moment opportun. Flash’N pay n’est, pour l’instant, déployé que dans le magasin Auchan de Faches-Thumesnil, près de Lille (Nord). Mais l’enseigne compte bien le généraliser, si le succès est au rendez-vous.
Autre exemple, le Passbook d’Apple. Proposé en standard depuis iOS 6, ce système permet d’afficher sur son smartphone tout type de tickets intégrant un code-barres. Il ne s’agit pas d’une solution de paiement, mais bien de « m-ticketing ». En France, la start-up Capitaine Train propose, depuis fin 2012, de dématérialiser des billets de train via Passbook (lire ci-dessous). Air France a également intégré cette solution depuis juin, pour afficher les cartes d’embarquement. « Le Passbook nous permet d’améliorer l’expérience utilisateur. Quatre heures avant le départ, le passager reçoit une notification sur son iPhone qui lui permet d’afficher directement la carte d’embarquement sur son écran. Il n’a plus besoin de la chercher dans ses mails, ce qui est beaucoup plus simple et rapide », explique Jacques-Olivier Guichard, responsable stratégie et développement pour le mobile chez Air France. McDonald’s France propose aussi un service Passbook depuis fin 2012, pour des commandes préalablement payées sur le Net. A 500 mètres du restaurant, l’utilisateur reçoit une notification lui permettant d’afficher directement le bon de commande sur le téléphone. Pour McDonald’s comme pour Air France, l’intérêt est double : améliorer l’expérience utilisateur tout en fluidifiant le parcours client.
Encore en rodage, « le portefeuille numérique est un marché qui se situe entre l’émergence et le début de la maturité », estime Christophe Nepveux. Avis partagé par Luc Boucey, consultant chez ADN’co : « Ces solutions n’ont pas encore atteint la masse critique d’utilisateurs pour être pleinement efficaces. Mais leur potentiel est réel. » Le cabinet de conseil estime à 5 milliards d’euros le chiffre d’affaires réalisé grâce aux e-wallets en France pour l’année 2013. En 2016, ce chiffre devrait se situer entre 17 et 30 milliards d’euros.
* Valeur du panier moyen en France au 1er trimestre 2013, d’après la Fevad.
L’avis de… « Nous avons été la première entreprise au monde à intégrer Passbook dans un service de transport ferroviaire. Depuis octobre 2012, nous proposons la dématérialisation de billets de train sur l’e-wallet d’Apple. Finie l’impression du billet, il est stocké sur le téléphone. Une fois dans le train, il suffit d’ouvrir l’application Passbook et de montrer votre titre de transport dématérialisé au contrôleur pour le valider. La fiche Passbook inclut le QR code du billet, les horaires de départ et d’arrivée, les numéros de voiture et de siège. Bref, vous avez dans votre iPhone toutes les informations nécessaires à votre voyage. Selon nous, c’est un bon moyen de simplifier l’expérience utilisateur et très positif pour notre image en termes d’innovation. Seul bémol : Passbook est américain et a d’abord été conçu pour l’avion… les aéroports sont tous désignés par trois lettres, tandis que les noms de gares sont beaucoup plus longs. » * Positionnée face au mastodonte Voyages-sncf.com, cette start-up parisienne, créée en 2009, propose l’achat simplifié de billets de trains sur Internet. |
Photos : Tyler Olson/Fotolia – D.R. – Capitaine Train – D.R.
Cet article est extrait du n°6 d’Alliancy, le mag