Le géant français des services tire un premier bilan de sa stratégie cloud mise en place en 2010. Cloud privé et cloud public, c’est la stratégie de l’hybride qui réussit à la DSI du groupe international.
Présent dans 80 pays avec 428 000 collaborateurs, Sodexo est le leader mondial des services de qualité de vie. Créée en 1966, l’entreprise marseillaise s’est développée à l’international en grande partie par croissance externe. Si cette stratégie a assuré au groupe un développement rapide, elle a eu pour conséquence de rendre son système d’information hétérogène. En 2007, l’entreprise décide d’accélérer la consolidation et l’optimisation de ses moyens informatiques ; elle se dote alors d’une DSI groupe chargée de fédérer les entités IT locales.
Des services autofinancés
Cette DSI mise sur la virtualisation pour faire baisser les coûts de son IT. La technologie retenue pour ce cloud privé est la plate-forme VMware et pour ce qui est des infrastructures, le groupe loue un espace dans le datacenter d’Equinix à Paris, et dispose de son propre datacenter à Buffalo (Etats-Unis). Avec cette mise en place, la DSI cherche notamment à consolider les petits datacenters que le groupe opère dans ses différentes entités. Une démarche désormais classique, mais insuffisante… « Nous nous sommes dotés d’une équipe GDCS (Global Datacenter Services), dédiée à l’approche cloud dans sa mission, souligne Patrick Fülöp, directeur des services infrastructures et applications communes de Sodexo. Techniquement, nous nous sommes engagés presque exclusivement dans une logique de virtualisation. En parallèle, sur le plan financier, nous avons établi un modèle que nous appelons “autoportant”. Les services sont autofinancés, nos revenus proviennent exclusivement de ce que nous revendons en interne. Cela inclut les coûts RH, les coûts de structure (finance, bureaux, transport, etc.), le risque (provision des pénalités) et les budgets d’innovation et de recherche qui sont habituellement exclus du coût total de possession (TCO). C’est la clé de notre stratégie pour pouvoir comparer notre prix de revente interne par rapport aux prix pratiqués sur le marché par les vendeurs. » L’équipe GDCS compte moins d’une dizaine de personnes qui gèrent et promeuvent ces services en interne, coordonnent les prestataires qui participent à la conception des plates-formes et assurent l’infogérance des datacenters et applications. Cette approche en centre de profit n’est pas véritablement nouvelle en informatique classique, mais l’équipe GDCS propose aux métiers de l’entreprise non seulement les services cloud hébergés dans ses datacenters et opérés par ses équipes et partenaires, mais aussi une sélection de services cloud publics tels que Amazon Web Services et Microsoft Azure. GDCS a un rôle de « brokeur » de services cloud en apportant de la valeur ajoutée aux services standards des providers, et doit faire en sorte que les process de facturation, de support, de sécurité et les niveaux de service soient alignés sur les deux clouds. « Nous avons de vrais enjeux au niveau des performances techniques et financières, et de l’innovation, explique Patrick Fülöp. Nous devons avoir une approche compétitive par rapport au marché, notamment la complétude de l’offre. Nous devons apporter de la valeur ajoutée aux métiers. Ceux-ci sont en effet susceptibles d’acheter leurs services directement aux providers externes. »
Un véritable pari pour la DSI, car les équipes applicatives qui achètent ces services le font sans engagement de durée. GDCS doit donc créer de la valeur ajoutée sur ces services cloud public. Il s’agit notamment de la prise en charge et du monitoring des plates-formes, assurer un backup des données chaque nuit, intégrer ces environnements au système d’information de manière sécurisée et coordonner les prestataires impliqués dans le fonctionnement du service.
Aujourd’hui, le cloud privé Sodexo a un positionnement qualitatif. Il se destine plus particulièrement aux applications critiques, comme SAP, ou la consolidation financière… « Nous avons entrepris assez vite un virage vers le cloud public. C’est une vraie direction pour nous, celui-ci vient en complément du cloud privé. » Pour les nouvelles applications, un arbitrage est mené pour savoir s’il rejoint le cloud privé ou s’il est confié au cloud public.
Pour Nicolas Malaval, cloud manager chez Sodexo, le marché du cloud public est désormais suffisamment mature pour que les entreprises puissent s’appuyer sur ces services pour déployer leurs applications : « C’est un marché qui se stabilise, aujourd’hui, et entre dans une phase de maturité. Il était évident que nous devions travailler avec ce type d’acteurs dont l’hébergement est le métier. Cela correspond à notre stratégie de “Selective Sourcing” et de “brokeur IT”. » Une seconde raison à ce mouvement : il permet à l’entreprise de répondre aux besoins des métiers auxquels la DSI ne pouvait pas répondre avec son cloud privé. Ainsi, s’appuyer sur des services cloud s’avère plus efficace pour ses utilisateurs sur la plaque Asie, où l’entreprise ne possède pas de datacenter. De même que le cloud public est parfaitement adapté à l’hébergement de sites Web. Nicolas Malaval ajoute : « Les marketplaces proposées permettent d’acquérir facilement des logiciels en mode locatif, ce qui représente un atout pour Sodexo. »
Quel que soit le service cloud choisi par le client, l’utilisateur n’a qu’un seul contact, avec des processus et des outils identiques, le même portail de self-service. Ce sont les utilisateurs qui gèrent eux-mêmes leur capacité via ce portail. Faute d’outil disponible sur le marché, Sodexo a développé un outil en interne pour pouvoir à la fois gérer son catalogue de produits cloud, ses devis, mais surtout le volet facturation interne.
Une stratégie payante
GDCS masque la complexité du cloud à ses clients, tant sur le plan technique que financier. « Chaque mois, nous gérons plus de 50 000 éléments de facturation vers plusieurs dizaines de clients internes. C’est donc une mécanique industrielle à construire et à entretenir, reconnaît Patrick Fülöp. Nous n’émettons qu’une facture synthétique en euros à nos clients par application. Pour ceux qui utilisent le cloud public, nous portons le risque en tant qu’intermédiaire et ils n’ont pas besoin de contractualiser avec Amazon directement. On dresse ces factures sur la base des coûts d’Amazon sur lesquels on ajoute un “markup”, ce qui serait appelé “notre marge” si nous étions une société commerciale. Cela nous permet de financer notre valeur ajoutée et de compenser les investissements initiaux. Sur le cloud public, nous estimons notre point d’équilibre à environ une centaine de serveurs. » Et d’ajouter : « La bonne surprise vient du succès de l’offre, quand nous pouvons produire un service packagé à nos utilisateurs. Contrairement à ce que nous pensions initialement, il y a très peu de résistance à aller vers le cloud public. » La stratégie hybride est donc un succès pour Sodexo, mais pour autant, la DSI referait-elle ce choix aujourd’hui où irait-elle directement au 100 % cloud public ? Patrick Fülöp explique sa position : « Avant d’investir en 2010 sur notre cloud privé, nous avions posé l’hypothèse de construire uniquement sur des clouds publics. A l’époque, l’offre disponible ne répondait pas aux besoins exprimés, car les fonctionnalités, les performances et la connectivité n’étaient pas au rendez-vous. Aujourd’hui, la même étude donnerait vraisemblablement un résultat proche. Mais si la même question se posait dans trois ans, le résultat serait certainement plus en faveur du cloud public. »