Face à l’évolution de son environnement, l’entreprise est contrainte d’inventer de nouvelles formes d’organisation qui posent de nouveaux défis aux managers. Retour sur l’exemple de Mega International, avec Karima Chauvalon, directrice des ressources humaines.
Alliancy, le mag. Quelles sont les formes de mobilité pratiquées dans votre entreprise ?
Karima Chauvalon. Chez Mega, la mobilité s’exprime surtout par la diversité des lieux de travail possibles. Le quart de nos équipes du département R&D, le Lab, sont en télétravail. Ils bénéficient d’un contrat de travail spécifique, dit pendulaire, qui leur fait obligation de venir régulièrement au siège de l’entreprise. De leur côté, nos consultants sont amenés à travailler très fréquemment dans les locaux de nos clients. Tandis que nos forces commerciales, nomades par nature, peuvent œuvrer dans une multitude de situations et de lieux : dans les aéroports, chez des clients ou prospects, à leur domicile. Au total, plus de 60 % de nos équipes sont concernées par la mobilité. 100 % des consultants conduisent leurs projets chez nos clients. Dans nos filiales à l’étranger, le télétravail est très répandu, avec des espaces dédiés dans nos locaux pour faciliter les échanges avec les itinérants de passage.
Quels sont les outils technologiques utilisés ?
De nombreux salariés sont équipés d’ordinateurs portables, de mobiles et tous disposent d’un accès sécurisé au système d’information de l’entreprise avec des configurations adaptées à leurs profils, impliquant des seuils d’autorisation. Chaque employé dispose également d’un logiciel de visioconférence, de messagerie instantanée et de partage d’écran pour rejoindre ou animer de partout une réunion Web. L’accessibilité en mobilité est l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de migrer la grande majorité de nos applications, dont la messagerie, dans le cloud. En outre, à la demande de certains salariés, nous avons développé le BYOD [Bring Your Own Device], pour un accès à la messagerie professionnelle depuis le téléphone personnel.
En tant que DRH, comment garantir la cohésion des équipes ?
Nous avons travaillé sur deux axes. D’une part, nous avons aménagé des espaces dédiés dans nos open spaces pour favoriser le travail en commun. D’autre part, nous avons développé les réunions d’équipe pour garder le lien avec tous les salariés. Elles sont mensuelles, avec participation du DRH pour certains services, et annuelles avec notre PDG. Nos consultants bénéficient de nombreux outils pour pallier leur présence très fréquente en clientèle : réunions mensuelles avec ordre du jour précis pour faire passer des messages clairs, participation à des workshops, et système de parrainage manager/junior. Les équipes R&D, également sujettes à la mobilité, ont des réunions trimestrielles et des points hebdomadaires pour favoriser les échanges et suivre l’avancement des projets. Enfin, pour l’ensemble des salariés, nous avons un portail de communication interne, appelé Voices, qui permet de suivre le fil d’actualité de la vie de l’entreprise en temps réel. Une dernière chose importante à noter : nos collaborateurs en télétravail sont tous des managers, leur mission « naturelle » est donc d’animer, et de renforcer la cohésion de leur équipe. La séniorité est un prérequis chez Mega pour accéder au télétravail, outre la maturité et l’autonomie que nous aurons pu constater au préalable chez le collaborateur en télétravail.
Quel est le rôle des managers à cette configuration d’entreprise « éclatée » ? Y sont-ils préparés ?
Le manager a un rôle pivot fondamental pour la mobilité des salariés chez Mega. C’est lui qui porte la responsabilité du succès d’un tel dispositif en fixant les règles au sein de son équipe, en assurant un suivi qualitatif des missions et des résultats produits, et en mettant en place des outils pour bien informer, et bien communiquer à distance. Cette configuration d’entreprise « éclatée » nécessite bien entendu une adaptation de son management à cette nouvelle organisation : nous accompagnons nos managers dans cette démarche en les formant tous aux techniques de management d’équipe. Nous avons aussi récemment démarré des formations de management des équipes à distance, pour les aider sur ce sujet spécifiquement.
Se pose-t-il néanmoins le problème du contrôle de la disponibilité des collaborateurs et de leur temps de travail réel ?
Plus de 90 % des collaborateurs ont le statut de cadre, ce qui laisse une certaine latitude sur les horaires de travail : le salarié sera évalué sur les résultats produits, et non sur ses plages de travail. Néanmoins, il est attendu des consultants en clientèle de s’adapter au rythme de travail de nos clients. Par ailleurs, pour le décompte du temps de travail, l’entreprise s’est dotée d’un SIRH. La gestion du temps est ainsi totalement automatisée, et fondée sur l’auto-déclaratif : chaque salarié remplit ses feuilles des temps, par demi-journées, ces feuilles sont ensuite validées par les managers.
Le droit à la déconnexion est-il respecté ?
Oui. Cette question a été traitée et a fait l’objet d’un accord d’entreprise qui prévoit ce que concrètement nous entendons par droit à la déconnexion. Le respect du temps de repos implique chez Mega le droit de déconnecter son ordinateur et son téléphone portable et donc de prendre son repos journalier sur des plages horaires définies. De la même manière, sauf situation exceptionnelle, chaque collaborateur est invité à prendre deux jours de repos hebdomadaire le samedi et le dimanche et à bien prendre tous ses congés. Il s’agit donc de conjuguer souplesse des horaires de travail, et respect du temps de repos.