A Mérignac (Gironde), le groupe d’électronique et de défense Thales vient de poser la première pierre de son « campus industriel ». Concernant 2 300 salariés, ce projet de 200 millions d’euros affiche l’ambition de transformer l’entreprise – la rendre plus agile, notamment en ce qui concerne le développement logiciel – par l’optimisation de l’environnement de travail. État des lieux avec Pierre-Emmanuel Raux, directeur en charge de ce projet.
Alliancy, le mag. Par rapport aux deux sites bordelais du Haillan et de Pessac, qu’il va remplacer d’ici à 2017, en quoi ce campus (ex-Air Innov) représente-t-il l’usine du futur ?
Pierre-Emmanuel Raux. Tout est parti en 2013 d’une réflexion que nous avons menée sur les solutions susceptibles d’améliorer nos performances opérationnelles, dans un contexte de plus en plus compétitif. Nous avons identifié trois axes de progrès : l’intensification des échanges au sein des équipes, l’introduction de nouvelles techniques de management visuel – avec des écrans comme supports – et enfin l’amélioration de la qualité de vie au travail. La plupart de ces thèmes se retrouvent dans I-Swarm (Innovation Software Welfare Agility Responsability Modularity), un nouvel espace de travail testé à petite échelle – 90 collaborateurs sur 1 000 mètres carrés – depuis octobre dernier sur notre site du Haillan. Cette expérience est en cours, mais il est clair que, dès à présent, nos deux sites actuels ne correspondent pas à ces nouveaux besoins, d’où le lancement de ce campus.
I-Swarm préfigure-t-il le bureau d’études de demain, du moins en ce qui concerne le développement logiciel ?
Il met en œuvre une combinaison d’innovations à la fois en termes d’aménagement et de technologies.
L’objectif est de décloisonner, de sortir de cette dichotomie qui voudrait qu’un collaborateur se trouve soit dans son bureau, soit dans une salle de réunion. Alors qu’il n’existait pratiquement rien entre les deux, nous avons installé dans I-Swarm un certain nombre d’espaces adaptés à toutes sortes d’instants et de missions : espaces métier, logiciel, collaboratif, brainstorming, veille technologique, Totem…
Totem ?
L’idée est en l’occurrence d’insuffler au sein des équipes un sentiment d’appartenance et de fierté quant au « livrable », même si ce dernier – un logiciel – est plus difficile à appréhender qu’un produit matériel ordinaire. Ce Totem comprend ainsi une sorte de rotonde couverte d’écrans qui permettent d’afficher – et donc de partager – en temps réel un résultat, une astuce trouvée par un développeur, une présentation technique…
En quoi tout ceci rendra-t-il les équipes plus efficaces ?
Dans les espaces dédiés à la créativité par exemple, conçus pour une dizaine de personnes environ, nous avons remplacé les postes de travail par des tableaux interactifs qui facilitent l’expression des idées nouvelles. Aux réunions conventionnelles, nous avons également substitué des animations à intervalles courts pendant lesquelles les personnes conviées font le point visuellement sur l’avancement des projets. Les traditionnels « paperboards » cèdent la place à des écrans qui ont l’avantage de simplifier par la suite la diffusion – via le réseau informatique – de l’ensemble des informations recueillies. A titre expérimental, nous utilisons, par ailleurs, un grand tableau interactif horizontal – une table donc – autour de laquelle nous pouvons réunir là encore une dizaine de collaborateurs pour discuter et avancer sur un projet. Cet équipement innovant a été fourni par Immersion, un partenaire local spécialisé dans les technologies 3D immersives et collaboratives.
Quel bilan tirez-vous de ces expérimentations ?
Le pari d’intensifier les échanges et d’améliorer l’utilisation du temps qui leur est consacré semble gagné. Les premiers retours issus des collaborateurs eux-mêmes montrent une réduction assez forte des heures de réunions, au profit de rencontres courtes dédiées aux sujets que les uns et les autres souhaitent vraiment traiter. En cela, cet environnement professionnel favorise les méthodes de travail dites agiles qui, dans le domaine des suites avioniques, raccourcissent les cycles de développement logiciel en détectant et en corrigeant beaucoup plus tôt les anomalies. Nous devrions donc nous inspirer assez largement de ce test pour la réalisation du futur campus de Mérignac.
Retrouvez l’intégralité de notre dossier « Usine du futur »