Personne n’aurait envie de vivre au cœur du New York apocalyptique imaginé par Richard Fleischer dans son film Soleil vert. Une ville surchauffée, dangereuse, à bout de ressources, à laquelle pourraient pourtant bientôt ressembler certaines mégalopoles en proie à une démographie galopante. Selon un rapport de l’ONU, les villes devraient, en effet, accueillir 2,5 milliards de personnes supplémentaires d’ici à 2050, essentiellement en Inde, en Chine et au Nigeria. Et quoique moins sombres en Europe, les perspectives n’y sont pas forcément réjouissantes en termes de qualité de l’air et de fluidité des transports. Le moment est sans doute venu pour les villes de s’organiser autrement. Cette organisation, c’est la smart city : une ville sûre, soucieuse de son environnement, capable d’éviter la congestion de ses infrastructures de transport, maîtresse de ses consommations (eau, énergie) et dotée de moyens de communication facilitant l’accès des citoyens à l’ensemble de ses services. « Quel que soit le pays, chaque ville est un cas particulier. Et il n’y a pas de solution universelle. Mais ce qui est vrai partout, c’est que les collectivités réfléchissent à ce qu’elles vont devoir mettre en place pour faire face à l’urbanisation », constate Pierre Tabary, vice-président Smart Cities de Schneider Electric.
Et ce qu’elles ont compris également, c’est que les technologies numériques allaient être l’outil de compréhension et de résolution des problèmes qui leur manquait jusque-là. « Avec l’Internet des objets et, mieux encore, l’Internet of everything cher à Cisco, les données urbaines seront toujours plus nombreuses. Le souci pour l’instant, c’est qu’un tableau de bord ne suffit pas pour piloter une ville : il faut un cerveau », tempère Francis Jutand, directeur scientifique de l’Institut Mines-Télécom en charge du programme Futuring Cities.
Une entité vivante, complexe, évolutive
Un cerveau qu’il va donc falloir modéliser en considérant la ville comme une entité vivante, complexe, évolutive, dotée d’organes et de réseaux, caractérisée par un certain métabolisme… Ce travail repose en grande partie sur le traitement des big data, en prenant en compte le plus de sources d’information possible. « L’idée est de travailler de façon systémique sur chacune des composantes de la ville, puis de tout intégrer dans une modélisation plus large, poursuit Francis Jutand. Au final, cela ressemble un peu à la création d’un jeu vidéo en ligne massivement multijoueur (MMOG) avec son terrain de jeu, ses personnages, son scénario et bien sûr les prises de décision. »
Reste l’épineuse question du mode de financement de la smart city. Subsides européens (programme Horizon 2020), PPP, emprunts… : les possibilités sont nombreuses, mais force est de constater que beaucoup de collectivités comptent tout simplement sur la bonne volonté des industriels. « Elles nous présentent leurs démonstrateurs comme des opportunités pour nos solutions techniques, mais ce n’est pas notre vision, prévient François Gauvrit, directeur du développement commercial et du marketing de Spie. En général, nous sommes là pour faire des affaires, pas pour régler des problématiques de pouvoir d’achat… » En somme, les villes doivent devenir smart, mais en s’appuyant sur un modèle économique rentable que l’on cherche encore.