C’est dans la qualité et la quantité des données échangées que réside l’intelligence des villes. D’où l’importance pour ces dernières de mieux communiquer, mais aussi de transformer les usagers eux-mêmes en pourvoyeurs d’informations.
C’est étonnant comme les choses sont bien faites, parfois. Prenez l’emballement démographique des villes : de véritables pétaudières en devenir, pour certaines… Sauf qu’au moment où ce désastre s’annonce, une incroyable révolution se produit dans les télécoms. Et laisse entrevoir un monde où la cohabitation urbaine serait plus simple, mieux maîtrisée en tout cas, grâce aux vertus de l’information et de l’e-administration. « Avec le numérique, les villes ont, aujourd’hui, à leur disposition des solutions pour améliorer le vivre ensemble qui n’existaient pas il y a cinq ou six ans », observe Catherine Dehaene, présidente du groupe thématique Ville numérique, récemment créé au sein du pôle de compétitivité System@tic.
Parmi les membres de ce pôle, la start-up Opendatasoft vient ainsi de fournir à la ville d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) une plate-forme de données ouvertes (budgets, résultats électoraux, données temps réel sur les transports, etc.) mise au service des citoyens. « La smart city n’est pas la ville assistée par ordinateur qu’on voudrait nous faire croire : il s’agit avant tout d’un projet local dans les domaines culturel, éducatif, économique, administratif et citoyen », insiste Eric Legale, coordonnateur des projets TIC de la première commune de France à avoir ouvert un accès Internet dans sa médiathèque, en 1995. Pour ce précurseur, la smart city ne serait d’ailleurs que « la deuxième vague d’une révolution numérique qui, en vingt ans, a déjà profondément transformé la ville en lui apportant 35 % d’habitants supplémentaires, et doublé le nombre d’emplois… ».
Développer une autorité transversale
Après le lancement du portail data.issy.com, la création de l’onglet e-services sur le site municipal (demandes en ligne d’actes d’état civil…) ou encore la mise en place du paiement de stationnement par téléphone mobile, Issy-les-Moulineaux sera la première ville française de plus de 50 000 habitants à être totalement fibrée, avec à la clé des débits jusqu’à 30 fois plus élevés qu’avec l’ADSL. Finalisé par Orange, ce chantier était très attendu dans le domaine des loisirs (télévision 3D, cloud gaming, etc.), mais il devrait, en outre, favoriser le développement du télétravail et de la télémédecine.
«Un certain nombre de projets de ville connectée buttent aujourd’hui, non sur des obstacles techniques, mais sur la verticalisation des instances décisionnelles, regrette malgré tout François Duquesnoy, directeur adjoint du programme Smart Cities d’Orange Business Services. Les villes qui avancent, ce sont celles qui ont décloisonné ces silos en instaurant une autorité transversale capable de mettre tout le monde autour d’une table.» Et quand cela fonctionne, cela donne des choses assez remarquables, comme l’outil « Ma ville dans ma poche », en cours de déploiement à Bordeaux (Gironde) et à Perpignan (Pyrénées-Orientales).
Le mobilier aussi devient communicant
Fonctionnant dans le cloud d’Orange et accessible à partir d’un réseau 3G/4G ou Wi-Fi, cette application a pour finalité d’agréger l’ensemble des informations et services locaux disponibles sur un bassin de vie. «Nous convainquons les villes en dressant la liste de tout ce que les usagers utilisent déjà au quotidien, mais de façon dispersée. Dès lors, l’intérêt d’un point d’accès unique devient évident pour les élus», explique François Duquesnoy. Le travail d’Orange consiste alors à interfacer cette application avec toutes les sources d’information sélectionnées par la ville, qui reste maîtresse de la façon dont elles apparaissent et de l’évolution du système.
Néanmoins, tous les citadins ne se promènent pas encore avec un smartphone dans la poche. D’où l’utilité du mobilier urbain intelligent que teste la Ville de Paris par exemple. Très en pointe sur le sujet, JCDecaux (lauréat du prix Alliancy de l’innovation en 2012) a conçu pour cette expérience pas moins de six dispositifs différents (abribus, espace de repos, aire de jeu digitale…) ayant en commun le fait d’être dotés d’écrans tactiles potentiellement reliés à un fil d’informations municipales.
Si la smart city est utile pour le citoyen, l’inverse est vrai également. «Pour donner aux habitants la capacité d’être acteurs dans la transformation de leur ville, nous avons développé avec l’urbaniste Alain Renk et la société Urban Fabric Organisation (UFO) un ensemble d’outils collaboratifs qui permettent à n’importe qui, expert ou néophyte, d’imaginer l’évolution d’un quartier grâce à des représentations 2D et 3D», se félicite Francis Jutand, directeur scientifique de l’Institut Mines-Télécom. Des logiciels qui mettent l’intelligence individuelle au service de la qualité de vie collective : on ne peut pas rêver mieux pour la smart city.