Pour dessiner le futur du travail, un rapprochement de ces deux directions, DRH et DSI, est nécessaire. Témoignage chez Spie Batignolles (BTP).
Au cœur du futur du travail, il y a la capacité de la DRH d’allier ses forces à celles des autres directions de l’entreprise et notamment de la DSI, acteur-phare de la transformation numérique. Nous l’évoquions dès le lancement de cette rubrique il y a un an, avec des témoignages comme celui de Hervé Rambaud, chez GRTGaz.
Mais le sujet ne cesse depuis de rebondir, et encore ce matin lors d’une conférence de presse chez People Spheres (article à venir !), une marketplace SIRH. Les utilisateurs de la plateforme sont bien les DRH et des DSI : en concertation.
Chez Spie Batignolles, la DRH Virginie Flore et le DSI Thomas Germain forment un binôme solide, qui a su faire du chantier SIRH l’occasion de bousculer les processus habituels de transformation digitale.
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A les entendre, on sent bien que ces deux-là ont su trouver des objectifs communs et un mode de communication apaisé. « Dès mon arrivée en 2017, je suis allée voir Thomas, raconte Virginie Flore. Je faisais face à des besoins de recrutement colossaux – 1 000 collaborateurs par an – et j’étais encombrée par une solution applicative obsolète. Il me fallait une solution, très vite : je n’avais que quelques semaines pour choisir et déployer un nouvel outil. »
Pour Virginie, il n’est donc pas envisageable de passer de précieuses semaines à rédiger un cahier des charges détaillé ; et il n’est pas possible non plus de recevoir des dizaines de prestataires comme à l’accoutumée. Thomas Germain le comprend parfaitement. De son côté, il est toujours partant pour inciter son équipe d’environ 70 collaborateurs à adapter leurs méthodes de travail classiques en développant encore davantage leur agilité.
« Il faut que tu m’aides à aller vite »
Le DSI et la DRH s’entendent donc sur une méthode inédite. Virginie soumet à Thomas les noms de deux prestataires que ses collaborateurs lui ont recommandés. Elle s’engage à rédiger un cahier des charges, minimaliste certes, mais précis. Thomas sonde les prestataires, se charge des problématiques de sécurité, encourage ses équipes IT à échanger avec les équipes RH plutôt qu’à attendre des livrables écrits. C’est d’ailleurs l’un des principes centraux de l’agilité : se parler, pour sortir d’une relation purement contractuelle et/ou formaliste.
En deux mois, la solution est déployée et les équipes RH de Virginie se l’approprient rapidement. « Il n’y avait pas de reprises de données à faire, ni de raccordement au système de paie, c’était donc assez simple techniquement, explique Thomas. Mais d’un point de vue métier, l’impact était important, puisqu’il ne s’agit pas seulement d’une solution informatique, mais d’un outil permettant de partager tout le process du recrutement entre RH et opérationnels. Le rôle de DSI, pour moi c’est ça : faciliter la vie des collègues, tisser des liens, mettre le digital au service de nos objectifs. »
Les 4 000 managers de Spie Batignolles peuvent aujourd’hui accéder à la plateforme pour collaborer avec leur RRH sur les recrutements en cours.
Passage à l’échelle
Le succès de ce projet a conduit rapidement le binôme à « voir plus grand. » Autrement dit, à digitaliser le reste de la chaîne en conservant le même mode de fonctionnement. Virginie et Thomas souhaitent donc aller beaucoup plus loin que le « pavé régalien » que constituent la paie et le pointage qui l’alimente, et qui était couvert depuis longtemps. Ainsi leurs projets communs se sont naturellement élargis aux entretiens annuels et à l’e-learning, aux notes de frais, au coffre-fort électronique, à la gestion de l’intérim…
La feuille de route SIRH est tracée en 2020 malgré les confinements pour un lancement début 2021. « Notre première collaboration, autour du recrutement, nous a appris à travailler différemment, reprend Virginie. Nous avons écarté les cycles en V pour privilégier les ateliers centrés sur les cas d’usage. Nous avons mis beaucoup de moyens sur l’adoption, aussi : c’est ensemble que nous avons accompagné les équipes dans la prise en main des nouveaux outils. »
Ne pas se contenter des comités de pilotage
Pourquoi leur duo a-t-il fonctionné ? A cette question, Virginie et Thomas ont deux réponses à apporter. D’abord, ils ont su s’écouter mutuellement. Tout n’est pas simple quand on rapproche deux mondes aussi éloignés que l’IT et les RH. « Nous nous sommes parfois fâchés, mais nous avons toujours fait l’effort de nous mettre à la place de l’autre, souligne Virginie. Dans chaque entreprise, il y a des silos, chacun se positionnant sur son expertise. Il faut savoir dépasser ces frontières et ne pas rester, par sécurité, cramponné à son domaine de compétences et surtout faire confiance à ses équipes. Certes, notre duo fonctionne mais nos équipes sont les vrais artisans de cette réussite »
Deuxième conseil : traiter les problèmes dès qu’ils arrivent. « N’attendez pas le comité de pilotage pour vous parler, conclut Thomas. Cette instance n’est pas faite pour régler les problèmes. Allez trouver votre partenaire dès qu’un irritant apparaît. C’est du bon sens, peut-être, mais je le répète : on ne dégaine pas au CoPil ! Jouez collectif. »
Un autre projet de mise en place d’un ERP est en cours, sous l’impulsion de la direction financière. Il est lancé en mode agile, largement inspiré du projet SIRH.