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E-résidence : faire rayonner la France sur la scène numérique

Alors qu’il reste complexe pour les étrangers de créer une entreprise française, l’Estonie délivre aujourd’hui des e-résidences aux entrepreneurs étrangers, qui accèdent ainsi au marché européen. Pour s’imposer sur la scène internationale en tant que « start-up  nation», la France doit suivre ce modèle, qui comprend un fort potentiel économique.

Marc Norlain, CEO d’Ariadnext

Marc Norlain, CEO d’Ariadnext

L’e-résidence fait aujourd’hui partie des mesures phares qui valent à l’Estonie son titre de championne européenne du numérique. Concrètement, il s’agit d’offrir une citoyenneté numérique aux non-résidents ; en premier rang desquels les entrepreneurs étrangers. La procédure est radicalement simple : sur demande en ligne et paiement d’une somme modique – 100 euros* – toute personne peut se voir délivrer une « résidence numérique ».

Celle-ci permet alors d’accéder à certains services administratifs, dont la création d’une entreprise estonienne. C’est donc un moyen extrêmement simple de créer une entreprise qui bénéficie du régime juridique de l’Union européenne et de l’accès à son marché.

L’avance numérique estonienne : des racines historiques

Pour l’heure, l’Estonie reste le seul pays européen à ouvrir certains de ses services aux étrangers. Sa voisine finlandaise est cependant en bonne voie, et s’apprête à délivrer une identité numérique aux non-Finlandais qui auraient besoin d’interagir avec l’administration, en particulier pour des motifs commerciaux.

D’ordre général, les pays baltes et scandinaves bénéficient d’une décennie d’avance dans le domaine numérique, par rapport au reste de l’Europe. Cela peut s’expliquer par des raisons principalement historiques : il est en effet plus facile de créer que de transformer des infrastructures existantes. L’Estonie étant un État récent, issu de la dissolution du bloc soviétique, se développer rapidement était une question de survie. L’Estonie a ainsi su faire du numérique le facteur de son développement, tant en facilitant les démarches de ses citoyens  qu’en attirant les investisseurs et entrepreneurs étrangers.

Un modèle transposable en France ?

La France n’est pas l’Estonie ; et l’on ne peut espérer numériser les démarches administratives avec la même rapidité ni la même souplesse qu’un État à 1,5 million d’habitants. Cependant, reproduire le modèle de l’e-résidence serait un geste politique fort en faveur du numérique, qui permettrait de se positionner comme un pays dynamique, donc attrayant. À l’heure où la France déploie progressivement l’identité numérique pour ses citoyens, lancer en même temps un programme d’e-résidence pour les étrangers serait un puissant vecteur de création d’entreprises.

Outre les profits qu’en tirerait le pays, c’est l’écosystème économique tout entier qui en bénéficierait ; en ouvrant l’accès aux services numériques sous législation européenne  à toutes les entreprises qui voudraient en bénéficier ; tel que la possibilité de signer un contrat électronique ou de faire un recommandé électronique.

Rapatrier la valeur technologique en Europe

Dans une société mondialisée, une solution numérique purement européenne ne peut suffire. Aussi longtemps que le modèle de l’e-résidence n’aura pas été généralisée, les Européens peineront donc à développer des services à échelle mondiale, car ceux-ci resteront formatés – au mieux – pour le seul marché communautaire. Or, un service numérique doit aujourd’hui être adapté à tous les marchés et à toutes les législations, quelle que soit la nationalité de l’utilisateur final. Face aux géants technologiques américains et chinois, qui développent des services globaux, faire sauter ces entraves administratives est une condition sine qua non pour déployer internationalement les services numériques européens.

Lire aussi : L’Estonie, le bon élève des GovTech

Pourtant, l’Europe est à la pointe du numérique ; elle a en effet été la première à définir un schéma d’identité numérique interopérable entre pays, avec le règlement eIDAS**. Avec l’e-résidence, l’Europe pourrait englober les entreprises étrangères dans sa sphère, en les faisant bénéficier des atouts de sa législation… et les contraindre à en respecter les obligations. Pour les citoyens, cela représenterait une garantie majeure de protection de leurs données et de leurs droits numériques. Il n’y a en effet aucune législation qui soit aujourd’hui aussi soucieuse de protection de l’identité que celle de l’Union européenne.

Déployer l’e-résidence en même temps que l’identité numérique serait un excellent signal aux investisseurs étrangers. Non, la France n’est pas l’Estonie ; la numérisation est donc plus complexe à mettre en place. Mais cela veut aussi dire qu’une fois entrée en vigueur, la mesure aura une plus grande résonance, et placerait la France sur le devant de la scène numérique.

* https://www.letemps.ch/economie/suis-devenu-eestonien

** https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32014R0910

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