A 22 ans, Karl gère déjà sa propre entreprise de développement informatique. Dans un contexte où se pose la question du décalage de compétences entre la sortie d’école et l’intégration du monde de l’entreprise, il a choisi l’école 42 pour développer ses softskills et être opérationnel dès sa sortie. Un atout majeur dans cette course aux talents où les écoles peinent souvent à suivre. Il nous raconte.
Comment as-tu décidé de devenir développeur informatique ?
Je code depuis que je suis tout petit. A six ans je faisais des animations vidéos sur Cinema 4D et à douze je bricolais des bouts de codes en Java pour faire du moding sur le jeu vidéo Minecraft. J’avais déjà créé mon entreprise 2018, AverFight, une SARL. J’avais 14 ans et elle me permettait notamment de commercialiser mes petits programmes Minecraft. Donc, quand je me suis posé la question de savoir ce que je voulais faire de ma vie, la réponse est arrivée très vite !
En termes d’études ou de formation, comment as-tu fait ton choix ?
Je suis totalement autodidacte et le “système” éducatif conventionnel ne me convient pas. Je ne pouvais clairement pas intégrer une école d’ingénieur classique, il me fallait une formation adaptée à ma façon d’apprendre. Après m’être bien informé, mon choix s’est porté de façon évidente sur l’école 42 créée par Xavier Niel. Pas d’enseignants, pas d’horaires, mais un cursus entièrement libre avec un système de projets à valider et des responsabilités à assumer. L’école est ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. On peut y aller quand on veut, même en pleine nuit. Je n’ai donc pas renseigné Parcoursup, malgré l’insistance de mes professeurs, et déposé ma candidature à 42. Je savais que je prenais un gros risque car, si je n’étais pas admis, je me retrouvais sans rien, mais j’étais décidé.
Comment s’est déroulé justement l’examen d’entrée ?
Dans un premier temps, nous sommes soumis à un test cognitif en ligne (un test de logique), sorte de présélection pour réserver une place au concours d’admission : « la piscine ». Il s’agit d’une épreuve qui s’étale sur un mois et durant laquelle on nous jette tout simplement à l’eau. Le premier jour, quand je suis rentré, je me suis retrouvé dans un open space avec des bureaux équipés de Mac en accès libre. Je me suis installé et, quand j’ai démarré la machine, je me suis retrouvé face à une série d’exercices à faire. Le premier, je me souviens, consistait à enregistrer, en lignes de commandes, la lettre z dans un fichier. Je n’avais pas plus d’explication, simplement accès à des tutoriels vidéo et à Google. J’étais directement dans le bain. D’ailleurs, toujours dans le but de nous immerger encore plus, lors de certains examens, des sons d’ambiance assez bruyants sont diffusés dans la salle, pour nous habituer à devoir nous concentrer dans des conditions sonores pas toujours optimales. Ça peut être de la musique, voire des conversations à haute voix, comme dans la vraie vie (rires). A la fin du mois, j’avais réussi les épreuves, je pouvais officiellement intégrer l’école. Une première victoire, et pas des moindres. Car même si, au final, vous ne réussissez pas, ce mois aura déjà été hyper formateur. Ce passage en tant que “piscineux” n’est pas une perte de temps. D’ailleurs, toujours dans l’analogie, en cas d’échec, on peut toujours être “repêché” l’année suivante.
Qu’est-ce que tu retiens aujourd’hui, qu’est-ce qui t’a marqué ?
La première chose, la plus importante selon moi, c’est l’autonomie. 42, c’est une école qui apprend à apprendre. Et c’est principalement ce que j’étais venu chercher. Être en mesure de me débrouiller en toutes circonstances, être capable de m’adapter à tous types de situations. Ensuite, côté programmation, le cursus est très orienté bas niveau en termes de langages. Pas de Python ni de Java, qui sont pourtant très utilisés, mais de l’assembleur, du C et du C++. C’est peut-être la seule approche “académique” de 42 d’ailleurs, mais l’idée ici est de nous donner des bases solides pour être à même ensuite de s’adapter à un maximum de langage. L’assembleur permet de comprendre la question du dialogue avec la machine (gestion de la mémoire par exemple), le C reste fondateur et le C++ permet de comprendre la programmation objet, qu’on retrouve dans Python ensuite par exemple. Tout ça permet de comprendre, l’importance d’avoir un code structuré et propre. D’ailleurs, lorsqu’on veut valider un projet, la moindre erreur nous ramène un zéro. On nous a souvent rappeler qu’Ariane 5 avait explosé à cause d’une seule ligne de code et d’un problème de logique bas niveau.
S’il n’y a pas de professeurs, comment êtes-vous évalués ?
On se corrige entre nous. Cela fait d’ailleurs partie du programme. Chaque élève doit “corriger” un certain nombre de projets pour valider la formation. Dans les faits, un projet est corrigé par maximum 3 humains et un robot quand cela est possible. Pour ça, les “étudiants correcteurs” disposent d’un guide disponible sur l’intranet pour vérifier la fiabilité du programme réponses et faire ses propres corrections ou suggestions. Au départ, c’est assez étrange, car on a d’abord la sensation d’avoir une sorte de pouvoir, mais qui se transforme très rapidement en une vraie responsabilité. L’énorme point positif c’est qu’in fine, ce mode peer to peer learning montre qu’il n’y a pas meilleur moyen d’apprendre que de le faire apprendre à d’autres. On intègre encore mieux ce qu’on a pourtant déjà appris. Dans l’idée, on est tous élèves et aussi tous profs (rires).
Au final, en quoi cette formation t’a-t-elle préparé au monde de l’entreprise ?
En plus de l’autonomie, je dirais la question des délais ! Le cursus de formation est assez simple. À votre arrivée à 42, vous disposez d’un capital précieux : le BlackHole. C’est un compteur initial à 60 jours qui détermine votre temps disponible pour valider vos projets. Ce compteur est impitoyable, il diminue jour après jour comme un compte à rebours. Pour rester dans la course, la solution est de valider des projets ! Chaque validation de projet vous offre un nouveau souffle en rechargeant votre compteur. Si malheureusement le compteur atteint zéro sans validation… vous êtes exclu. Ça cadre ! Surtout, ça prépare vraiment au monde professionnel qui fonctionne de la même manière. Ensuite, il y a le travail en équipe. Quand on démarre un projet, on peut choisir de le faire seul ou à plusieurs. Dans ce dernier cas, on doit chercher une équipe ou monter la sienne en attribuant des rôles. On peut être deux, trois ou quatre. Là, on apprend vraiment à interagir avec les autres développeurs d’un projet, à prendre la mesure des capacités de chacun et à se répartir les tâches.
Pourquoi es-tu parti avant la fin ?
Dans l’idée, j’étais, comme je l’ai dit, venu apprendre à apprendre et acquérir une vraie rigueur professionnelle. Au bout d’un an et demi, j’ai clairement senti que j’étais prêt. Même si le cursus dure minimum deux ans et n’a pas vraiment de limites, tout ce que j’avais acquis m’avait fourni les bases nécessaires pour me lancer dans le monde du travail. Parce que dans les faits, j’avais déjà un peu l’impression d’y être. Durant mon parcours, j’ai acquis une méthode et une expérience. Ce qui est plutôt rare quand on sort d’école. Cela fait maintenant deux ans et aujourd’hui, j’ai plusieurs clients pour qui j’interviens, pour le dire simplement, comme CTO (Chief Technical Officer) freelance. Récemment, on m’a demandé de faire un POC (Proof Of Concept) d’une solution que je ne connaissais pas et, clairement, avant cette formation, j’aurais probablement réussi à le faire, mais peut-être pas aussi bien et surtout pas aussi rapidement. De même, l’esprit startup et d’entrepreneuriat de l’école m’a aussi permis d’être déjà familiarisé au mindset et à la façon de travailler de ces petites structures. Je n’étais pas dépaysé, je n’ai pas eu besoin de période de transition ou d’adaptation. Ce qui prépare solidement à l’éventuelle intégration de grandes entreprises. Au final, je n’ai aucun regret. Ni d’avoir intégré l’école, ni de l’avoir quittée avant l’heure. Je suis convaincu d’avoir, dans les deux cas, fait les bons choix.