Notre chroniqueur Imed Boughzala détaille le croisement qui s’opère aujourd’hui entre les modèles de l’économie circulaire et du digital, avec à la clé, un véritable outil de transformation au service de la transition écologique.
Développer l’intelligence digitale à grande échelle au niveau sociétal permet d’atteindre trois objectifs principaux. Tout d’abord, la citoyenneté digitale permet à toute personne de mobiliser les technologies digitales et post-digitales de manière efficace, responsable et durable. Ensuite, faire preuve de créativité digitale permet aux individus et aux organisations de créer de nouveaux contenus et de nouvelles connaissances ainsi que des technologies. Pour ce faire, ils transforment des idées, des fictions en réalité ou encore ils font d’un problème une opportunité. Enfin, la compétitivité digitale permet aux organisations et aux Etats de développer de nouvelles stratégies et de nouveaux modèles d’affaires dans l’économie numérique et collaborative (i.e. Digital Business Models) en stimulant l’esprit d’intra/entrepreneuriat, l’emploi et la croissance et tout en se préoccupant de la sobriété et de la souveraineté numériques.
L’économie circulaire est un concept économique, assimilé aujourd’hui à un business model[1]. Il vise à optimiser/rationaliser l’utilisation des ressources naturelles en réduisant la quantité de déchets produits et en favorisant la réutilisation, la réparation et le recyclage des matériaux tout en créant de la valeur économique pour les entreprises. Contrairement à l’économie linéaire, qui consiste à extraire des ressources naturelles, à les transformer en produits, à les utiliser et à les jeter. L’objectif est donc de créer une économie plus durable.
L’économie circulaire se base sur trois principes fondamentaux :
- La réduction de l’utilisation de matières premières et d’énergie : en concevant des produits durables et en optimisant les processus de production pour réduire la consommation de ressources (Etape de fabrication).
- La réutilisation et la réparation : en prolongeant la durée de vie des produits en les réparant, en les remanufacturant ou en les réutilisant (Etape de consommation – utilisation).
- Le recyclage : en recyclant les matières premières pour créer de nouveaux produits et en réduisant ainsi la quantité de déchets envoyés en décharge ou incinérés (Etape de recyclage).
L’économie circulaire et solidaire considérée comme une alternative à l’économie traditionnelle, permet non seulement de réduire les coûts mais aussi de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Elle est de plus en plus mise en œuvre par les entreprises, les gouvernements et les organisations de la société civile à travers le monde. Elle peut être considérée comme un business model. Elle nécessite en effet une approche stratégique de la gestion des ressources et de la chaîne d’approvisionnement pour maximiser la valeur économique tout en minimisant l’impact et l’empreinte environnementale.
Economie circulaire : un assemblage de différentes briques
La littérature a permis d’identifier sept modèles d’affaires types. La combinaison de deux ou plusieurs de ces modèles peut décupler les effets et amplifier la création de valeur ou améliorer la gestion des ressources à l’ère de la digitalisation accrue.
Dans un modèle circulaire, les entreprises peuvent adopter différentes stratégies, telles que :
- La conception de produits durables et réparables pour prolonger leur durée de vie (la robustesse serait privilégiée à la performance)
- La mise en place de systèmes de collecte et de réutilisation de produits en fin de vie (la fin de l’abondance connue par la société auparavant)
- L’utilisation de matières premières recyclées pour fabriquer de nouveaux produits (la matière première se fait de plus en plus rare comme les minerais, les fibres naturelles…)
- La création de partenariats pour favoriser l’échange et la réutilisation de ressources entre les entreprises (la coopération et la coopétition à la place de la compétition).
L’économie circulaire appliquée au monde numérique
A l’ère du digital, plusieurs plateformes et applications mobiles ont vu le jour en reprenant ce modèle d’affaire qu’on appelle parfois aussi communautaire : Recommerce dans le domaine des appareils reconditionnés, Too Good To Go dans le domaine de la lutte contre le gaspillage alimentaire, Vinted dans le domaine des habits de seconde main, ReFUNK dans le domaine de la Mode responsable, Leboncoin dans le domaine de commerce électronique entre particuliers, Bricolib dans le domaine du bricolage entre particuliers, etc.
A l’ère digital et surtout en période de crises, mobiliser son intelligence digitale pour tirer profit de cette économie circulaire devient plus qu’essentiel pour profiter des avantages donnés par les technologies émergentes. La citoyenneté digitale pousse les individus et les organisations à repenser leur consommation. Grâce à leur créativité digitale, les entreprises redésignent leur produits et services et optimisent leurs processus de production et de livraison. La compétitivité digitale amène les organisations et les gouvernements à redéfinir leurs stratégies de déploiement sur les marchés pour soit concourir à d’autres, soit préserver les existants afin de garder leur avantage concurrentiel, voire géopolitique.
Cependant, l’adoption de l’économie circulaire peut nécessiter des investissements initiaux plus importants pour les entreprises. Elle implique souvent des changements dans les processus de production, de gestion des déchets et d’équipement technologique (transformation responsable des organisations). Toutefois, à long terme, elle permet aux entreprises de réaliser des économies en réduisant les coûts d’approvisionnement et de gestion des déchets, tout en renforçant leur image de marque en tant qu’acteur engagé dans la protection de l’environnement. Beaucoup d’enseignes de l’économie traditionnelle optent aujourd’hui pour ces alternatives à l’économie circulaire.
Un outil de transformation au service de la transition écologique
Le modèle de l’économie circulaire contribue à plusieurs des Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies (notamment 8, 9, 12,13 et 14) en réduisant la consommation de ressources naturelles, en favorisant la création d’emplois durables, en réduisant la production de déchets, en diminuant les émissions de gaz à effet de serre et en protégeant les écosystèmes.
Le développement durable fait partie depuis longtemps de la politique stratégique de l’Institut Mines-Télécom et l’économie circulaire représente un des quatre axes de sa stratégie d’ensemble 2023-2027. C’est dans cette perspective que son école de management, IMT-BS organise chaque année un événement : « Social Innovation Game ». Il sensibilise les élèves des programmes Bachelor et PGE (Programme Grande Ecole) à ces problématiques. Du côté de son incubateur IMT Starter, on peut citer Recommerce Solutions. Ses deux fondateurs diplômés de l’école ont levé 50M€ en 2018. La startup est aujourd’hui leader européen du reconditionnement-revente des téléphones portables, et par ailleurs parrain avec le cabinet MC2I de la promotion 2019-2022, touchée par la Covid et donc sensible à cette économie. Les acteurs académiques plus que jamais doivent s’emparer de cette problématique et l’intégrer à leur enseignement.
Et si à l’avenir l’économie circulaire était la règle et l’économie linéaire, l’exception ?
[1] Il décrit la manière dont l’entreprise crée, livre, capitalise de la valeur pour en tirer des revenus. C’est une formalisation de la création de valeur par l’entreprise, expliquant comment, pour qui et avec qui. Il existe plusieurs business models à l’ère du digital comme les modèles : Uberisation, Freemium, Add-on, Data-driven, Pay as You Go, Experience Selling, circulaires, etc.