Depuis quelques années, l’économie de l’abonnement explose. Un modèle de revenus récurrents qui commence également à intéresser des acteurs de l’économie circulaire. Retour d’expériences pour illustrer ce changement de paradigme au bénéfice du client.
L’économie de l’abonnement (« j’achète un service ! ») ne cesse de croître, pour s’élever aujourd’hui à 650 milliards de dollars dans le monde. Son engouement est tel qu’elle devrait grossir jusqu’à 1 500 milliards de dollars par an d’ici à 2025, selon une étude du cabinet McKinsey. Le dernier rapport du Subscription Economy Index™ indique d’ailleurs des taux de croissance 4,6 fois plus élevés pour les entreprises ayant déjà adopté ce modèle, par rapport aux taux de croissance des entreprises du S&P 500 ces dix dernières années…
Si cette économie de l’abonnement a démarré par la dématérialisation d’un produit ou la création de services digitaux complémentaires (divertissement, télécoms, énergie, CRM…), elle touche désormais de nombreuses industries reposant sur la vente de produits physiques. « Ce qui ouvre de vraies opportunités de croissance pour toutes les entreprises, y compris dans le secteur de l’économie circulaire », explique Michael Mansard, directeur de la Stratégie de Zuora, fournisseur d’une plateforme de gestion des abonnements dans le cloud pour les entreprises de tous secteurs. Pour l’expert, cette « relation récurrente avec le client permet beaucoup plus d’échanges. L’entreprise peut alors améliorer ses produits, mieux produire et, en conséquence, moins surproduire. »
[bctt tweet= »Le marché de l’économie de l’abonnement pourrait croître de 18 % par an en moyenne jusqu’en 2025 pour atteindre un montant de 1 500 milliards de dollars (source : McKinsey Analysis). » username= »Alliancy_lemag »]L’entreprise, née dans la Silicon Valley, vient d’ailleurs d’annoncer travailler sur ce nouveau segment avec des acteurs comme Recygo ou Decathlon, pour lancer de nouveaux services. Depuis sa création en 2018, Recygo, filiale commune La Poste/Suez accélère partout en France le déploiement du tri, de la collecte et du recyclage de déchets de bureaux, via ses différentes offres d’abonnement, adaptées aux besoins de ses clients, allant de la PME aux plus grandes entreprises internationales (environ 23 000 bureaux, ce qui représente au total 65 tonnes de papier collectées quotidiennement).
« L’abonnement n’est pas le modèle classique dans l’industrie du recyclage, explique Félix Schouller, responsable du SI et du Digital chez Recygo. Mais cette option permet d’adresser une pluralité de profils d’entreprises tout en répondant à leurs besoins quotidiens, avec des offres sur-mesure, capables de grossir avec nous. » Car, au-delà même de son engagement de collecte et de recyclage, Recygo collabore avec des filières locales, notamment des usines papetières dont la production peut ensuite être réutilisée par les entreprises clientes de Recygo, aujourd’hui forte d’un portefeuille de 700 000 utilisateurs.
Avec Decathlon, le projet pour Zuora était totalement différent. « Il s’agissait de renforcer l’offre Sports-as-a-service du distributeur d’équipements sportifs (1 700 magasins dans 70 pays avec plus de 105 000 collaborateurs) pour soutenir sa stratégie de développement durable », explique Michael Mansard, initiée dès 2016 et la conclusion des accords de Paris (Cop 21) à la fois pour des raisons environnementales et économiques.
Historiquement, Decathlon conçoit et commercialise ses propres produits. Les contraintes des nouveaux marchés ont un temps renforcé cette stratégie qui a évolué ces dernières années pour aller vers une approche de place de marché de produits et de services autour de la pratique sportive.
L’économie circulaire, clé de voûte du futur de Decathlon
Du point de vue écologique, Decathlon estime que 70 % de son impact environnemental provient de la fabrication et la commercialisation de ses produits. Sans rien toucher au modèle, il est donc impossible de réduire ses émissions tout en augmentant sa cadence de production pour gagner en part de marché. Or, le groupe considère les consommateurs et l’environnement comme des parties prenantes clés de son écosystème, sachant que du point de vue économique, la course mondiale pour produire au prix le plus bas est une impasse.
Aussi, l’économie de l’usage chez Decathlon se caractérise aujourd’hui par des changements profonds du cycle de vie des produits via quatre activités que sont la réparation, la vente d’occasion, la location et le recyclage. Le groupe a donc entrepris de développer ces quatre piliers et de créer de nouveaux indicateurs de performance pour refléter cette ambition. « L’efficacité de la chaîne d’approvisionnement est limitée. On ne peut pas vendre 15 % de produits en plus tout en réduisant l’empreinte carbone de 50 %, explique Yann Carré, leader de la location chez Decathlon. Si vous souhaitez vraiment répondre à l’enjeu environnemental, vous devez augmenter le nombre et les opportunités d’utilisation des produits sportifs tout en réduisant les quantités mondiales de produits fabriqués par Decathlon ».
Si la satisfaction des utilisateurs, la création nette de valeur et l’impact de ce modèle circulaire sur la planète sont pris en compte, l’indicateur-clé reste « le nombre de jours de sports par quantité de produit ». Ainsi, en maximisant la durée de vie d’un produit, Decathlon espère parvenir à résoudre l’équation de la croissance économique et de la réduction des émissions. Pour parachever cette vision du Sport-as-a-Service, Decathlon est convaincu que la location longue durée, à travers la souscription à un abonnement mensuel, est un élément-clé de réussite bien qu’elle implique toute une batterie de services afférents, comme la réparation des équipements et des textiles, mais aussi les assurances, la livraison, le montage, le démontage, le coaching, etc. L’abonnement se positionne donc comme le modèle économique le plus adapté, que le groupe a testé pour se lancer par le marché du vélo pour enfants en France. L’occasion pour Decathlon de proposer un équipement sportif coûteux pour seulement quelques euros par mois, et ce juste le temps nécessaire…
Dans le contexte économique actuel, les clients s’intéressent en effet en priorité à ce qui correspond vraiment à leurs besoins et se montrent prêts à ne payer qu’à l’usage. « Ce que permet l’économie de l’abonnement en proposant une offre plus proche de leurs attentes, avec une valeur pour le prix beaucoup plus mesurable », poursuit l’expert, qui estime qu’un abonnement bien pensé permet un meilleur partage des risques… « Par exemple, l’obsolescence programmée n’a aucun sens dans l’abonnement, car le cycle de vie du produit est porté par l’entreprise, qui a tout intérêt à proposer un produit mieux conçu, réparable et potentiellement recyclable ». D’ailleurs, 84 % des consommateurs mondiaux sont intéressées par des solutions durables, selon une autre étude d’EY.
Pour aller plus loin sur l’économie servicielle
Pour autant, lancer de nouvelles offres sur ce segment nécessite un changement culturel pour l’entreprise. Aujourd’hui, « tous nos clients se posent la question de la circularité », conclut Michael Mansard. Un modèle basé sur la consommation flexible (modèle récurrent tout au long du cycle de vie du produit) qui permet une relation dans la durée avec les clients, mais qui nécessite pour l’entreprise des besoins en financement plus importants, comme le modèle SaaS l’a imposé dans l’IT pour les éditeurs de logiciels.
Les 4 cas d’usages en termes d’abonnement
1/ Un abonnement pour des produits durables (machine à laver/Haier Washpass, automobile/Tesla ou Renault, ordinateur portable/Acer, HP, Dell ou Lenovo…) avec un seul utilisateur sur une durée longue. Il faut donc que le produit dure un maximum de temps : soit par la mise à jour logicielle, soit par son taux de réparabilité…
Pour la machine à laver par exemple, l’avantage de ce nouveau produit, disponible uniquement en location, se rapproche du pur service : le client ne peut utiliser autre chose que la lessive prévue dans les cartouches ; la machine, connectée à Internet, calcule la quantité exacte de lessive nécessaire à chaque lavage et commande automatiquement et livre chez le client les cartouches dès qu’elles sont presque vides.
Chez Acer par exemple, dans le domaine du Device as a Service (DaaS), le constructeur taïwanais propose aux TPE-PME une plateforme dédiée uniquement à l’abonnement.
2/ Un abonnement pour des produits durables, toujours mono-utilisateur mais sur une période plus courte (de l’ordre du mois). Là, on est sur une extension par la réparabilité.
La location d’équipements chez Décathlon entre par exemple dans cette catégorie. Pour le vélo pour enfants, tous les 12-18 mois, je peux changer le vélo pour un modèle plus grand… ou je peux le faire réparer si besoin. J’ai donc toujours le bon vélo au bon âge !
Idem pour l’épilateur Lumea de Philips, soit neuf ou de seconde main…
3/ Un abonnement pour un produit durable, mais multi-utilisateurs
C’est le cas de l’offre Vélib’ à Paris, ou encore Mobilize de Renault qui promeut le modèle de Vehicle-as-a-Service (VaaS), une offre intégrée autour du véhicule, de la technologie et des services, nativement conçu pour un usage intensif tel que l’auto-partage ou les parcours professionnels.
4/ L’abonnement pour les consommables. Beaucoup de services existent aujourd’hui autour du consommable, souvent générateur de déchets.
HP fait par exemple plus de 500 millions de dollars de chiffre d’affaires autour de son offre « HP Instant Ink », qui fonctionne avec des cartouches à très haut rendement, une tarification à la page imprimée et une livraison directe. Grâce à cette offre, le groupe revendique utiliser moins de cartouches, moins de packaging et moins de logistique… Que du mieux donc pour la planète.