Economie collaborative : A l’affût de solutions techniques

BlaBlaCar_Team-article

1,2 milliard d’euros, c’est le poids économique réel de Blablacar, soit 18 % du chiffre de SNCF Grandes lignes. Le calcul se fonde sur le volume d’affaires du site et tient compte du prix des trajets qui y est inférieur de 70 à 75 % à son équivalent chez l’opérateur ferroviaire (OC&C Strategy). © Blablacar

Les besoins des plates-formes de l’économie collaborative en nouvelles technologies grandissent au rythme de leur spectaculaire croissance. Des outils et des services qu’elles cherchent souvent à l’extérieur…

Impossible pour un site de covoiturage de fonctionner sans une solution de cartographie ! WeDrive a choisi d’en avoir deux : Google Maps comme interface client, afin que chauffeurs et passagers se retrouvent au bon endroit, et la solution open source Map Quest en back-office. Le produit concurrent de celui de Google lui sert à construire les communautés de « wedrivers » (le nom donné à ses membres) les plus pertinentes en fonction des lieux de résidence et de travail. « Avec ses 100 000 lignes de code, ce logiciel est notre plus gros outil de travail », annonce Cédric Nicolas, son CEO. Gérer des transactions entre particuliers et prélever une commission au passage exige un système de paiement particulier et efficace. « Une brique vitale pour un site d’économie collaborative », confirme Yoann Lesouef, fondateur de Cocourse, une plate-forme née à Rennes en 2013 où des particuliers proposent aux personnes de livrer leurs courses. Matthieu Jacquot, le directeur Stratégie et Développement de Covivo, une plate-forme qui centralise l’offre de différents moyens de transport (covoiturage, auto-partage, vélo-partage, transports en commun) fait les comptes : « Nous avons cinq partenaires technologiques. Deux pour le paiement, deux pour le calcul d’itinéraires et un pour l’auto-partage ».

Services de géolocalisation, systèmes de paiement, mais aussi gestion ScreenHunter_137 Mar. 30 11.01 d’accès ou logiciels de vérification d’identités… Les start-up de l’économie collaborative sont en demande de quantité d’instruments pour répondre aux spécificités de leur activité (lire encadré ci-contre). Le recours à des partenaires technologiques devient vite indispensable même quand les fondateurs ont des compétences de développeur.

Clients, partenaires, voire investisseurs

C’est le cas chez Cocourse. Ingénieur en électronique et en informatique, passé par STMicroelectronics et Zodiac Aerospace, Yoann Lesouef a écrit chacune des lignes de code de son site. Aujourd’hui, il songe à trouver une solution pour vérifier l’identité des candidats qui postulent sur son site. Pour l’instant, il fait tout manuellement : contrôle du numéro de téléphone, des scans de papiers d’identité et mise à jour des profils.
« Il faudra bien que je trouve une solution pour automatiser les choses si je reçois des centaines de candidatures par jour », anticipe-t-il.

ScreenHunter_138 Mar. 30 11.02 Aux Etats-Unis, le géant Airbnb a déjà franchi cette étape. Il a confié à la société Jumio la vérification des centaines de milliers d’identités d’internautes qui s’inscrivent sur son site chaque année. Ses outils opèrent un premier filtrage, mais certaines opérations se font toujours manuellement. La preuve que les platesformes, même les plus grosses, ne sont pas complètement équipées !

Les «  Gafa  » de la «  nouvelle- nouvelle économie » ont les moyens de dynamiser le secteur des technologies du Web. Ce sont des clients ou des partenaires crédibles. Voire même de potentiels investisseurs ! Rien n’interdit d’imaginer qu’Airbnb rachète un jour Jumio pour ses brevets ou ses équipes comme le font régulièrement Amazon, Google ou Facebook avec d’autres.

Jusqu’aux constructeurs automobiles…

Ces nouveaux venus pourraient créer un appel d’air même très en amont dans la chaîne de valeur. La sharing economy, le terme anglais pour désigner l’économie collaborative, pourrait avoir un effet d’entraînement sur les… constructeurs automobiles et les spécialistes de la domotique. Louer sa voiture ou son appartement sans avoir à rencontrer le locataire pour lui remettre les clés sera un jour un service exigé par les usagers. Un boulevard pour l’Internet des objets. « Tout le monde sait que les voitures seront partagées dans dix ans, et que les entreprises n’en achèteront qu’à la condition qu’elles soient partageables », prédit Louis Chatriot, le président de Local Motion France, une société américaine propriétaire d’une technologie ouvrant les portières d’une voiture grâce à un badge ou un smartphone. Plusieurs constructeurs automobiles installent déjà, d’origine, sur certains de leurs modèles des systèmes de ce type. Si les marchés ouverts par l’économie collaborative sont tangibles, leur potentiel reste difficile à évaluer. D’abord parce que les acteurs du secteur, y compris les plus installés, sont encore très jeunes. Uber, le cauchemar des taxis, a vu le jour en 2009. Airbnb, avec ses 900 000 hébergements qui sont ScreenHunter_139 Mar. 30 11.03 accessibles d’un simple clic dans le monde, depuis 2008. Et Blablacar, le champion tricolore du covoiturage, né il y a à peine dix ans. L’autre inconnue tient à la dynamique même du secteur. Combien d’usagers l’économie collaborative réussira-t-elle à gagner ? Une partie de la réponse dépendra des services que les plates-formes leur fourniront. « Plus elles grossissent, plus elles font appel à des sociétés qui leur apportent des briques technologiques qui lèvent des freins à l’usage », analyse JeanMichel Cagin, associé en charge des technologies au cabinet de conseil OC&C Strategy qui vient de publier une étude sur le sujet*. C’est notamment vrai du paiement. Des solutions qui fluidifient les transactions – plus aucune espèce à échanger – inciteront les Français à recourir davantage au covoiturage. C’est également vrai des procédures de vérification des identités. Plus les plates-formes garantiront qu’elles ont contrôlé en détail les antécédents des locataires, plus les propriétaires accepteront de mettre leur maison en location.

Tout n’est pas gagné pour autant ! La très grande majorité de ces acteurs restent fragiles. Aucun ou presque ne dégage de bénéfice et leur capacité d’investissement est réduite. « Nous sommes des entreprises jeunes, qui n’ont pas les moyens de faire appel à un prestataire spécialiste de chaque domaine (hébergement, sécurité informatique, structuration du système d’information…) », constate Matthieu Jacquot de Covivo. Choisir de travailler avec les plates-formes de l’économie collaborative est un pari d’avenir.

* L’Acsel vient de publier « La sharing economy. Le numérique au service des échanges collaboratifs ». Ce cahier s’appuie sur une cinquantaine d’interviews, pour analyser ce phénomène collaboratif et ses effets sur l’économie. L’ouvrage, rédigé par le journaliste Olivier Bitoun, est préfacé par Nicolas Colin.

A la recherche d’alternatives

Payer

L’usage des espèces pour les transactions entre particuliers n’est pas toujours la solution, surtout pour les rendus de monnaie… Quid du portemonnaie électronique ? 

Géolocaliser

Uber, Airbnb ou sites de covoiturage…, qui y recourent pour fixer le lieu de rendez-vous entre chauffeurs et passagers ou aider le locataire à localiser son hébergement, cherchent des alternatives à Google Maps. 

Contrôler l’accès

Remettre et récupérer les clés de son appartement ou de sa voiture à un tiers tient souvent du casse-tête. La solution ? Autoriser l’accès à distance grâce à des systèmes commandés depuis son smartphone (coffres à clés extérieurs, serrures connectées). 

Exploiter les données

Avec des communautés de plusieurs millions de membres qui réalisent des transactions sur les plus grandes plates-formes, c’est un gisement de données à analyser en perspective…

Vérifier les identités

S’assurer que leurs membres n’usurpent pas une identité et, demain, pousser les contrôles plus loin (assurances en règle, historique du chauffeur ou locataire…), c’est la première garantie à offrir pour une plate-forme, qui a besoin d’outils pour automatiser ces opérations souvent faites manuellement.

E-réputation

Note ou étoile, quelle que soit la traduction visuelle, l’économie collaborative ne peut pas fonctionner sans ces signes de confiance. Pour l’heure, ces évaluations sont propres à chaque site. Une seule évaluation qui suivrait chacun d’entre nous, quel que soit le site, reste-t-elle à développer ?