Source d’économies et de nouveaux produits, la Data est stratégique pour EDF, Saint-Gobain et SFR. Mais la transformation par les données implique de mener de multiples chantiers de front, comme celui de la qualité. Témoignages de 3 directeurs Data.
Chez EDF, la politique Data a été initiée quatre ans plus tôt. Mais les projets menés depuis n’ont pas porté seulement sur l’utilisation des données. Ils ont été aussi organisationnels dans une entreprise “très silotée”, comme le souligne Gérard Hatabian, Directeur Donnée Groupe.
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Le bon usage des données nécessite donc un désilotage, mais aussi une évolution culturelle, y compris vis-à-vis de la data elle-même. “Chacun considère la donnée comme sa propriété.” Pour rompre avec cette culture et développer une plus grande collaboration interne, le rôle de la direction a été capital.
Une politique Data destinée aux opérationnels
C’est ainsi le président d’EDF, Jean-Bernard Lévy, “qui a imposé l’existence d’une politique de la donnée, et une politique groupe s’adressant non pas à des experts et des techniciens, mais aux métiers eux-mêmes”, déclare Gérard Hatabian lors de la conférence Data On Board 2021.
Cette intervention de la direction s’est traduite par des mutualisations de moyens au sein de verticales d’EDF, dont le nucléaire et l’hydraulique. Les entités travaillent donc en commun sur un même patrimoine de données. Et celui-ci est riche : un siècle de données d’exploitation.
C’est l’utilisation de ce capital stratégique qui a permis de dégager “assez facilement” de la valeur, par exemple sur le nucléaire dans le cadre des opérations de maintenance. “Nous avons économisé du temps, des ressources polluantes et beaucoup d’argent”, se félicite le directeur des données de l’énergéticien.
Pour obtenir ces résultats, EDF a notamment dû déployer des actions sur la qualité des données, et pour cela créer de nouveaux métiers. C’est le cas avec l’opérateur de la donnée. Son travail consiste en particulier à décrire la donnée via un catalogue, et à la mettre à disposition.
C’est une première dimension. La direction Data a aussi impliqué salariés et managers afin de les sensibiliser aux enjeux liés à la performance de l’entreprise. Cette prise de conscience a été accélérée par une initiative d’EDF en matière d’open data (“Parlons Energies”).
Les salariés ont exprimé eux-mêmes le besoin de disposer simplement des données comme pour les données publiques ouvertes à l’externe. L’entreprise a répondu à cette attente en créant sa plateforme de mise à disposition de la data pour les collaborateurs.
La qualité, un travail permanent et une exigence
SFR, dans le secteur des télécommunications, est également une entreprise riche en données, notamment sur la partie réseaux avec 21 millions de cartes SIM en France et 4 milliards d’événements par jour.
Les usages ne se cantonnent pas aux besoins internes. Le capital de données est aussi utilisé dans des offres. Comme son concurrent Orange, SFR exploite les données (anonymisées) pour analyser et mesurer les flux de déplacements des populations. En période de crise sanitaire, ces informations présentent d’ailleurs un intérêt évident pour le domaine de la santé.
Les Hôpitaux de Paris et l’Inria ont accédé aux données pour suivre les déplacements des parisiens lors du 1er confinement. L’objectif : anticiper les besoins hospitaliers sur les zones d’accueil. Si la qualité des données est une problématique pour tous les secteurs, elle l’est encore plus pour délivrer des services commerciaux basés sur la data.
“Dès lors que la donnée est accessible directement en open data ou commercialisée, le niveau d’exigence est encore plus élevé”, explique Marc Jossermoz, directeur de l’analyse des données chez SFR. Et avec le développement de la data visualisation, les problèmes de qualité peuvent rapidement devenir évidents et générer un préjudice d’image.
“La qualité des données se travaille en permanence et elle s’impose plus encore lorsqu’il s’agit de la rendre accessible au plus grand nombre et au travers de la data viz”, insiste l’expert. Au sein de SFR, le sujet de la Data est par ailleurs suivi par la direction générale.
Toutefois, si la direction Data et Analytics est née d’une décision des instances dirigeantes, les compétences Data ne sont pas cloisonnées. Elles sont directement intégrées aux équipes opérationnelles via des “interactions quasi permanentes” avec les responsables métier. Car la valeur créée par l’usage de la Data découle uniquement de son utilité, rappelle Marc Jossermoz.
Des synergies IA et intelligence humaine
Démontrer la valeur est central, confirme Benoît Lepetit, directeur groupe Data et Analytique de Saint-Gobain. Cette preuve de valeur a été permise notamment par les cas d’usage. Parmi ceux-ci : la réduction de l’attrition ou churn ou l’aide aux commerciaux dans leurs actions.
Ces applications ont permis dans la distribution de générer 50 millions d’euros en 2020 sur un P&L de 5 milliards d’euros. Le sponsoring de la direction sur ces projets a aussi été facilité par la fourniture d’indicateurs prévisionnels lors d’une période sans équivalent : le confinement.
“Le plan stratégique de Saint-Gobain sur les 3 prochaines années place la data comme un vecteur fort de croissance sur les 10 ans à venir”, déclare Benoît Lepetit. Mais il a fallu au préalable convaincre. “Convertir l’organisation à la data ne s’est pas fait par magie.” Le travail a commencé au niveau des opérationnels via une approche de “démocratisation”. Celle-ci a pris la forme de formations et de réalisations répondant aux besoins réels.
Dans le cadre de cette acculturation, Saint-Gobain a mis en place des “comptoirs Data” dont la mission est de répondre aux besoins analytiques des collaborateurs. A la clé, “un mouvement bottom-up assez fort au sein de l’organisation”. Les comptoirs ont fait émerger des demandes, fédérées au sein de projets “devenus structurants et à forte valeur ajoutée” pour l’entreprise.
La transformation n’est pas achevée dans ces 3 grandes entreprises. Pour SFR, l’avenir se situe dans une plus grande synergie entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine. Chez EDF, la démocratisation est la priorité, comme le partage des données entre entreprises. L’énergéticien espère faire avancer cette ouverture entre industriels de l’énergie grâce à Gaia-X. Enfin, pour Saint-Gobain, la Data jouera un rôle central dans la décarbonisation du secteur de l’habitat au travers d’une optimisation des actions.