En cette rentrée, il est difficile pour les entreprises de répondre à toutes les attentes qui se sont créées ces derniers mois en matière d’intelligence artificielle. Et parmi toutes les organisations de la tech, c’est sans doute Nvidia qui est la plus confrontée à cette réalité. La firme américaine, conceptrice de cartes graphiques et principale fournisseuse de puces pour les nouveaux besoins en matière d’IA, annonçait le 28 août dernier ses très attendus résultats pour le 2ᵉ trimestre 2024.
Après s’être largement imposée sur le devant de la scène en quelques mois seulement, Nvidia a montré qu’elle continuait sur sa lancée. L’entreprise a une nouvelle fois battu les prévisions des analystes, en présentant un chiffre d’affaires record pour le 2ᵉ trimestre de 30 milliards de dollars, soit une augmentation de 122 % sur un an. Mais la Bourse sait toujours se montrer ingrate, et le cours de la firme de Santa Clara n’a pas manqué de décrocher de plusieurs points dans la foulée des annonces, les investisseurs s’attendant visiblement à ce que l’écart positif avec les prévisions soit encore plus important. « L’hypercroissance ne suffit plus », commentait BFM Business.
Mais au-delà de ce jeu permanent des valorisations, c’est sans doute un autre aspect de la discussion lors de l’annonce de ces résultats impressionnants qui mérite de retenir notre attention.
« Nous pensons que les revenus liés à l’IA souveraine atteindront sans doute plusieurs milliards cette année », a ainsi déclaré Colette Kress, la directrice financière de Nvidia, laissant même entendre des résultats « à deux chiffres » significatifs pour l’exercice 2025. Jensen Huang, le charismatique patron du fabricant, a semblé lui aussi insister sur cette dynamique. « [Les pays] doivent utiliser l’IA, construire leur propre infrastructure d’IA afin de disposer de leur propre intelligence numérique », a-t-il souligné, en mettant en avant que les gouvernements considèrent les données, qui servent de matière première aux cas d’usage d’intelligence artificielle, notamment générative, comme une « ressource nationale ».
Pour Nvidia, l’expression « IA souveraine » désigne les capacités d’un pays à « produire de l’intelligence artificielle » en utilisant sa propre infrastructure, ses données, sa main-d’œuvre et son écosystème d’entreprises. En creux, l’idée renvoie à la capacité d’avoir à la fois des champions technologiques, des entreprises utilisatrices capables d’innover avec ces capacités et des formations à la hauteur. La prise de conscience en la matière s’est accélérée depuis 18 mois, sur fond de tensions géopolitiques croissantes, qui ont par exemple vu les États-Unis mettre des limites aux exportations de puces de dernière génération à l’étranger, en particulier vers le rival chinois.
Bien entendu, chaque pays ne pourra pas être présent de façon décisive à tous les niveaux d’une chaîne de valeur aussi complexe, mais Jensen Huang s’attend à ce que la volonté des États de mieux maîtriser le développement de l’IA soit une occasion en or pour l’utilisation de ses puces, le hardware étant notoirement le maillon le plus délicat sur lequel créer un leadership.
Bien sûr, en France, l’attention médiatique se porte dans cette dynamique sur des pépites comme Mistral, qui a su se faire une place sur la scène mondiale en très peu de temps. Mais Nvidia souligne aussi les efforts de Scaleway, filiale du groupe Iliad, pour construire le supercalculateur IA dans le cloud le plus puissant d’Europe. De telles usines d’IA deviendront « le fondement des économies modernes dans le monde entier », estime Jensen Huang, qui évalue le potentiel économique de transformation des datacenters mondiaux avec l’IA à plus de mille milliards de dollars. Quels sont les pays qui parviendront à tirer leur épingle du jeu ? Quelle que soit la réponse, Nvidia, elle, estime que son avenir est tout tracé.