Le Premier ministre veut combler un « retard » dans les équipements en nouvelles technologies des PME françaises. Objectif : les embarquer dans le mouvement « mondial » en cours de transformation !
A Vélizy-Villacoublay (Yvelines) ce jeudi 20 septembre, en déplacement au siège de Dassault Systèmes, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé plusieurs mesures visant à accélérer la transformation numérique de l’industrie, dont un retour du suramortissement directement fléché sur les PME. Une façon pour le gouvernement de s’attaquer « à ce qui est aujourd’hui un talon d’Achille à la compétitivité hors coûts de l’industrie française pour réorienter l’investissement et pour créer des emplois ».
Ce dispositif, qui existait déjà entre 2015 et 2017, consiste en un avantage fiscal « exceptionnel » qui permettra de déduire du résultat imposable jusqu’à 40 % du prix de revient d’un bien d’équipement nouvellement acquis. Mais, attention, à condition qu’il soit directement lié à la robotique et la transformation numérique. Ce coup de pouce fiscal sera ouvert sur une période de deux ans, de janvier 2019 à fin 2020. « Concrètement, cela représentera jusqu’à 11 % de baisse du coût de l’investissement dans les machines de fabrication additive ou d’impression 3D, dans les logiciels de gestion de la production ou encore dans les capteurs connectés », a-t-il précisé.
Le gouvernement s’est aussi fixé l’objectif d’accompagner la transformation numérique de 10 000 PME supplémentaires d’ici à 2022, en partenariat avec les régions (contre 5 200 actuellement). Selon France Industrie, « cet accompagnement repose actuellement sur une grande pluralité d’acteurs, et les industriels accueillent avec intérêt la proposition du Rapport de l’Institut Montaigne sur l’industrie du futur, de rationaliser et transformer ces dispositifs en instituant des plateformes d’accélération à destination des PME et ETI. La mission lancée ce jour par le Conseil National de l’Industrie sur la mise en place de plateformes d’accélération pour l’industrie du futur permettra d’éclairer rapidement les décideurs sur les formes d’accompagnement les plus efficaces… ».
Une autre mesure attendue a été confirmée : la mise en conformité du régime fiscal français des brevets avec les règles de lutte contre l’optimisation fiscale, édictées par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et adoptées par l’Union européenne.
La fiscalité baissée pour les datacenters
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé une baisse de la fiscalité énergétique pour les centres de stockage de données (ou datacenters), afin d’en favoriser l’implantation en France. Le secteur, gros consommateur d’énergie, s’est de son côté engagé à baisser ses besoins en la matière de 15 % d’ici 2022 (par la baisse du PUE de leurs installations).
Il sera ainsi créer, dans le projet de loi de finances 2019 qui sera présenté lundi prochain, « un tarif réduit de la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) pour les datacenters électro-intensifs. […] Cette réduction de taxe rend la France plus attractive notamment dans le contexte du Brexit et du Cloud Act, qui vont mécaniquement déclencher des nouveaux investissements dans le cloud européen », a fait valoir Edouard Philippe.
« C’est une annonce historique, a reconnu Régis Castagné, directeur général Europe du Sud d’Equinix le plus grand fournisseur de datacentres IBX et de solutions d’hébergement d’infrastructures au monde. « Il est clair que, de plus en plus, la question de l’interconnexion façonne l’économie numérique et participe à son évolutivité », ajoutait-il. Le gouvernement, qui ajoute à cela un dispositif de soutien aux programmes de R&D en matière de supercalculateurs, compte bien en effet en tirer parti pour entraîner le reste de l’économie.
Le coût de l’ensemble des mesures prévues a été chiffré à 500 millions d’euros, dont la moitié pour le suramortissement, le reste provenant de subventions via le Programme des investissements d’avenir (PIA). « L’automatisation et la robotisation des procédés de fabrication […] sont les conditions d’une compétitivité qui garantit la puissance de l’appareil industriel français, et donc le développement de l’emploi », a conclu le Premier ministre.
Du coworking partout en France
Rien de tel pour ranimer des régions délaissées et en mal d’emplois, le gouvernement compte subventionner le développement d’espaces de travail partagés (ou de coworking). Ces lieux à mi-chemin entre travail et entreprises, qui mutualisent l’utilisation d’espaces ou d’équipements selon leur vocation. « Ce qui unit ces différents sites, c’est qu’aujourd’hui, il y a de plus en plus de volonté d’être indépendant et, pour autant, une peur totale de faire tout cela seul », a estimé récemment Julien Denormandie, secrétaire d’Etat à la Cohésion des Territoires, lors de la présentation d’un rapport commandé par le gouvernement.
Soixante millions d’euros seront ainsi injectés dans une politique publique d’aménagement de ces espaces et autres tiers lieux (fablabs…). En France, la plupart des acteurs (WeWork, Spaces, Nextdoor…) se concentrent sur la région francilienne. C’est de cette réalité que souhaite sortir le gouvernement qui y voit aussi un outil pour ranimer l’activité de régions délaissées, de même qu’il a déjà promis cinq milliards d’euros pour revitaliser les centres de 200 villes moyennes et veut couvrir tout le pays en très haut débit numérique d’ici à 2022.
Cette initiative est toutefois analysée différemment selon les acteurs concernés… Car il n’est pas si simple de concilier le développement des territoires avec la rentabilité et la diversité de tels lieux, souvent financés par de grands opérateurs. Julien Denormandie, qui compte sur 50 millions d’euros d’investissements privés à côté des subventions de l’Etat, assure ne pas s’inscrire dans une vision planificatrice, alors qu’il souhaite voir émerger quelque 300 « fabriques des territoires ». Reste donc à trouver les bons montages financiers entre acteurs publics et privés.