Edouard Plus (Le Swave) : « Nous voulons cultiver l’écosystème en construisant la confiance »

Le directeur du Pôle Solutions Entreprise du Swave, la plateforme d’innovation et d’incubation de Paris&Co dédiée aux fintechs, insurtechs et regtechs, revient pour Alliancy sur ses perspectives après un an de crise sanitaire. Entretien.

Alliancy. Vous avez incubé votre première promotion de 22 start-up durant l’année 2018. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Edouard Plus directeur du Pôle Solutions Entreprise du Swave

Edouard Plus directeur du Pôle Solutions Entreprise du Swave

Edouard Plus. Nous venons d’accueillir la quatrième promotion de start-up. Au lancement du dispositif à l’époque, nous recrutions entre 20 et 25 FinTech chaque année. Aujourd’hui, nous prenons des promotions de 10 à 12 start-up uniquement, et de plus en plus mâtures. Au global, nous devons être à 70 start-up accompagnées. A noter que les onze entreprises de cette nouvelle promotion (lire encadré ci-dessous) comptent en moyenne 16,6 collaborateurs à l’entrée pour un chiffre d’affaires moyen qui atteint le million d’euro en 2020

Qu’attendent ces entreprises plus mâtures ?

Edouard Plus. En France, on met le mot « start-up » sur tout… mais en fait, qu’est-ce que c’est ? Une TPE, une PME, qui a une composante technologique forte, mais leur réalité est très hétérogène… Les plus jeunes doivent encore structurer leur offre ou leur produit ; les plus mâtures, viennent chercher leur marché et des collaborations, notamment avec nos partenaires corporate* ! Elles sont en phase 2 de leur déploiement… dans un secteur où la compétition devient de plus en plus forte

Ce n’est pas ce que vous avez toujours recherché ?

Edouard Plus. Oui, en partie. Notre ambition n’est pas de voler au secours du succès, mais nous avons besoin d’avoir des promotions de start-up hétérogènes, avec des locomotives et des projets prometteurs qui ont encore besoin de mûrir. Il faut réellement ce mix ! On veut faire ce lien dans le tissu économique entre des sociétés très jeunes, des entreprises plus seniors et des grands groupes. Et d’en faire des entreprises innovantes de croissance, des grosses PME. Chez Paris&Co, on a accompagné des projets de la feuille blanche jusqu’à la cotation en bourse. Nous voulons faire de même au Swave…

Comment y parvient-on ? En cultivant un écosystème ?

Edouard Plus. C’est un ouvrage collectif en effet. Nous voulons cultiver l’écosystème en construisant la confiance ! Il faut mettre du lien dans cet écosystème et faire en sorte que des interactions se passent entre start-up, entre start-up et scale-up, entre elles et des ETI ou des grands groupes. Notre ambition est de densifier le tissu économique.

Qu’est-ce qui reste complexe pour réaliser cet objectif ?

Edouard Plus. Il n’y a pas une culture française apte à la collaboration comme chez les Allemands par exemple. Dans les différents écosystèmes – et ce n’est pas vrai que dans la FinTech – on a besoin du liant, de faire parler ensemble des acteurs qui n’ont pas nécessairement le sens du dialogue, qui ne parlent pas le même langage et qui vivent à des rythmes très différents, telle la Banque de France et une start-up qui a besoin d’un agrément… mais il faut arriver à concilier ces deux mondes en un temps raisonnable.

De quel côté reste la plus grande difficulté ?

Edouard Plus. On pourrait tirer à boulets rouges sur les grands groupes ou les institutions, mais ce n’est pas toujours vrai. La réalité se situe entre les deux ! Les entrepreneurs doivent aussi comprendre l’écosystème dans lequel ils évoluent et dans lequel ils veulent renverser la table… En tant qu’entrepreneur, il faut à la fois l’énergie du révolutionnaire et la patience du réformiste, mais pas trop non plus. Le faire comprendre aux start-up n’est pas simple, notamment face à de grands groupes qui sont des navires beaucoup plus complexes à manœuvrer.

Comment qualifier l’écosystème des start-up de la finance en France aujourd’hui ?

Edouard Plus. L’écosystème financier en France, par rapport aux autres écosystèmes de la Tech, commence à se structurer avec des acteurs qui trouvent leur voie, chacun faisant de mieux en mieux son métier… Nous concernant, c’est l’accompagnement des entrepreneurs et l’accélération. Aujourd’hui, mieux structurés, nous avons trouvé le chemin, mais nous n’en sommes pas au bout. Les pouvoirs publics ont compris que le secteur financier pouvait être stratégique au regard de ce qui s’est passé avec le Brexit. Nous avions une carte à jouer en proposant des alternatives aux acteurs concernés par cette problématique. On a ainsi rapatrié à Paris des institutions financières de 1er plan… et l’on commence à peine à en voir les effets. Pour cela, il faudra encore attendre que la pandémie se calme.

Comment les entreprises que vous accompagnez ont-t-elles passées la crise ?

Edouard Plus. Plutôt bien. Le paiement ou la finance sont restés des sujets ! Les FinTech ne sont pas du tout à l’arrêt comme on a pu voir s’arrêter des pans entiers de l’économie. La crise sanitaire a poussé à une rationalisation des actifs… On a vu une vague de création de FinTech très forte avant la crise, et parmi elles, celles qui avaient franchi le cap des financements (dits Seed) ont réussi à passer 2020. Ensuite, il y a beaucoup de liquidités sur le marché (la masse monétaire a cru de 60% d’après le Rapporteur général de la commission des finances)… Où va cet argent ? Contrairement aux crises précédentes, il a été injecté en partie dans les petites entreprises et les start-up, mais pas obligatoirement les plus jeunes.

Que diriez-vous sur les start-up étrangères présentes au Swave ?

Edouard Plus. Cette année, il y a eu moins d’entreprises étrangères dans les candidatures reçues (20 % habituellement) et nous avons surtout vu des sociétés françaises, plutôt avancées, venir vers nous. Ce qui est légitime au vu de la situation internationale.

Comment évolue le fonctionnement des grands groupes qui sont vos partenaires ?

Edouard Plus. Nous sommes sur une logique d’open innovation et dénombrons de nombreuses collaborations entre start-up et grands groupes… Au Swave, nous accompagnons environ 35 FinTech actuellement, et l’on compte 64 collaborations actives entre nos partenaires et ces start-up. Il ne sert à rien de venir chez nous pour trouver une bonne idée et aller la refaire chez soi… On doit accepter qu’il y a des choses que l’on ne sait pas faire en interne et dans la logique « Make or Buy », quand on ne sait pas faire, on achète. Ensuite, on coache aussi nos entrepreneurs pour leur apprendre à nouer des partenariats, à collaborer avec un grand groupe… et vendre le « quoi » (l’usage) et non le « comment » (la technologie). En ce sens, nous sommes leur tiers de confiance, des deux côtés.

[bctt tweet= »Créé en 2017 par Paris&Co au cœur de la Grande Arche de La Défense, Le Swave aide start-up et scale-up à se développer, en mettant à leur disposition une équipe d’accompagnants et un réseau de partenaires étendu, notamment à l’étranger, comme avec d’autres incubateurs spécialisés. » username= »Alliancy_lemag »]

Quels sont les objectifs du Swave pour 2021 ?

Edouard Plus. La belle aventure se poursuit ! Aujourd’hui, nous sommes installés sur 2 500 mètres carrés à la Défense. D’ici à la fin de l’année, nous allons agrandir le dispositif pour passer à près de 6 000 mètres carrés, toujours dans la Grande Arche, où l’on va pouvoir accélérer davantage de start-up et continuer à accompagner les scale-up sur l’innovation dans les services financiers.

Je pilote également la plateforme Rhizome, lancée début 2018, dédiée à l’innovation dans les ressources humaines et l’emploi, et le but est de faire naître des synergies entre nos différentes plateformes. Le pôle « solutions entreprises » réfléchit donc à trouver les liens entre nos différents programmes et nos projets, quels sont les débouchés multiples pour nos start-up ? Quelles sont les solutions pour nos partenaires ? Que ce soit dans les RH, la cyber-sécurité ou la finance…

Est-ce dans une logique du « Plus forts ensemble »…

Tout à fait et c’est là où l’on peut arriver à des résultats probants pour l’écosystème et pouvoir répondre aux enjeux des fonctions transverses des entreprises. Dans la cyber-sécurité par exemple, en lien avec le projet de Cyber Campus qui arrive à la Défense, on peut imaginer travailler sur la confidentialité des données dans la finance, les problématiques de paiement dans les ressources humaines… On réfléchit également à élargir nos réflexions autour de l’expérience client/collaborateur… On doit personnaliser les approches et les désiloter… autour de ce qui commun à toutes les entreprises.

Cela veut-t-il dire que les frontières s’estompent entre vos différentes plateformes ?

Edouard Plus. Le Swave est une initiative « newtonienne » en quelque sorte. Nous voulons créer des ponts pour jouer la transversalité. C’est notre principal objectif.

* Société Générale, AG2R La Mondiale, Mastercard, Matmut, La Française des Jeux, Exton Consulting et Le Crédit Municipal de Paris.

LA SELECTION DES 11 START-UPS QUI REJOIGNENT LA PROMO#4

4e-promotion-Swave

EcoTree : Société de gestion forestière qui valorise et récompense la conscience écologique des particuliers et des entreprises dans le reboisement et le bon renouvellement des forêts françaises.

Opensee (anciennement ICA) : Solution permettant l’exploitation de quantités presque illimitées de données numériques, palliant l’incapacité des solutions de stockage existantes à offrir des outils d’analyse performants sur de tels volumes.

Mila : Nouvelle compagnie d’assurance IARD, spécialisée sur les risques à destination des professionnels de l’immobilier.

OnlyOne : Etablissement financier durable, qui a développé une application tout en 1 où dépenser, épargner et gagner de l’argent est synonyme d’impact positif pour notre futur.

Qlower : Service de gestion locative en temps réel qui simplifie la vie des investisseurs immobiliers en conjuguant les technologies d’Open Banking et d’Intelligence Artificielle.

Sharegroop : Première solution de paiement prédictif qui permet aux marchands de personnaliser leur expérience de paiement selon le profil de leurs clients et leurs commandes.

ShareID : Solution d’authentification continue de l’identité pour créer la confiance numérique entre particuliers et professionnels lors d’échanges de données personnelles en ligne.

Spliiit : Plateforme de mise en relation et intermédiaire de paiement pour permettre aux propriétaires d’abonnements ou aux personnes souhaitant souscrire à des abonnements, de faire des économies et ainsi de profiter d’encore plus de services.

Vialink : RegTech de référence sur la digitalisation des processus métiers complexes. Sa mission est de révolutionner les parcours clients (essentiellement à l’onboarding digital) grâce à une solution de vérification automatique des pièces justificatives des dossiers clients et d’une solution de signature électronique.

Woonivers : L’application mobile permet aux utilisateurs de demander et recevoir leurs remboursements de TVA de leurs achats en ligne ou en magasin directement via leurs smartphones en quelques minutes.

Yakman : Insurtech experte en couverture de risque solidaire qui conçoit le futur de la couverture de risque, pensée pour les distributeurs et leurs clients via une plateforme en ligne en marque blanche permettant de gérer l’intégralité du parcours client, de l’adhésion à la gestion du sinistre ainsi que l’ensemble des flux financiers.