Connexion à distance, migration vers le cloud, ajustements des architectures réseaux. Senior Manager Solutions Architect chez Verizon, Edwin Determann a accompagné ses clients à répondre aux défis de l’entreprise connectée en des temps record. Une transformation à marche forcée qui n’a pas été sans embûche.
Les crises récentes (Covid-19, guerre en Ukraine) ont-elles signé l’avènement de l’entreprise connectée ?
Edwin Determann : Sans aucun doute. Avec le télétravail généralisé dû au Covid-19, le besoin accru de connectivité s’est traduit par l’augmentation des capacités des connexions simultanées à distance, mais aussi par une réorganisation des architectures réseaux des entreprises pour assurer les flux vers les applications dans le cloud et allouer plus de bande passante aux services prioritaires, notamment les métiers de nos clients directement en contact avec leurs propres clients (services commerciaux, centres d’appels…).
Par exemple, avant la pandémie, la visioconférence était très peu utilisée. Aujourd’hui, elle est devenue une application critique au sein des entreprises et beaucoup de clients nous demandent de redéfinir les priorités au sein des réseaux pour assurer que ce type de trafic, venant des outils de visioconférences, s’écoule très rapidement.
Toutes ces transformations ont bien sûr dû s’accompagner de leur sécurisation grâce à des mécanismes comme les Secure Web Gateways (SWG), des architecture Zero trust ou des outils d’authentification. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, certains de nos clients nous demandent également de s’assurer qu’il n’y ait pas d’intrusion sur leurs infrastructures réseaux et de pouvoir fermer très rapidement des sites compromis, avec un “kill button” par exemple.
Pour quelles demandes avez-vous rencontré les plus grandes difficultés ?
Pour certains de nos clients, avant la pandémie, la quasi-totalité de leurs services étaient encore hébergés sur site avec une capacité fixe. Il a fallu les migrer vers le cloud vers des services comme les Secure Access Service Edge (SASE). Il s’agissait là de changements qui ont demandé de régir très rapidement.
C’est-à-dire que là où, précédemment, on ramenait toutes les applications vers les réseaux et les data centers de nos clients pour les traiter, les sécuriser et en donner accès aux employés, aujourd’hui, on les sécurise directement dans le cloud, depuis lequel on y accède, sans passer par les réseaux de l’entreprise.
Un autre effet de bord que l’on a remarqué concerne plutôt les infrastructures réseaux. Avec la massification du télétravail, il a fallu augmenter les interconnexions des réseaux des FAI avec ceux de Free, par exemple, qui était très peu connecté avec le monde l’entreprise mais que certains collaborateurs de nos clients utilisaient à domicile. Ainsi, en accord avec Free, nous avons rerouté le trafic vers d’autres points de peering pour augmenter la bande passante.
Pour aller plus loin : Retour sur le workshop « Entreprise connectée & adaptabilité : quelles recettes pour préparer demain ? »
La crise a-t-elle permis d’accélérer la transformation numérique des entreprises ?
Oui, et sur de nombreux aspects ! Même chez nous, où la signature des contrats s’effectuait de manière traditionnelle, sur du papier qui était ensuite scanné. Avec la crise et le télétravail, nous sommes passés à la solution de signature électronique Docusign, que nos clients utilisent aussi de plus en plus.
Un autre exemple concerne la téléphonie. Auparavant, la téléphonie d’entreprise s’appuyait traditionnellement sur des infrastructures physiques sur site, avec des autocommutateurs téléphoniques privés (PABX) et des téléphones physiques sur les bureaux.
Avec la crise, nous avons assisté à une redéfinition de l’espace de travail, avec moins de bureaux dédiés par individu et davantage de bureaux partagés que l’on peut réserver à la demande. Ainsi, la partie téléphonie est de plus en plus dématérialisée, à travers des applications sur PC ou smartphones, via Microsoft Teams, ou Cisco Webex, par exemple. Cela permet aux employés de travailler de n’importe où tout en retrouvant le même environnement de travail et le même numéro de téléphone.
Quel est le rôle des métiers dans cette transformation à marche forcée ?
Ils sont très impliqués. Grâce aux suites logicielles low-code ou zero-code, nous recevons de plus en plus de demandes de la part des métiers eux-mêmes pour qu’on les accompagne sur le développement d’applications utiles pour eux sans passer par tout un processus de développement très lourd – qui continue à exister en parallèle, bien sûr.
Il faut notamment que nous nous assurions que ces nouvelles applications soient sécurisées, avec la gestion des identités, l’authentification, la sécurisation des données sensibles, le respect du RGPD, etc., mais aussi que nous les intégrions dans les listes d’applications prioritaires dans le réseau et leur allouons la bande passante nécessaire.
Autre point positif : les collaborateurs sont de plus en plus sensibilisés à ces questions de cybersécurité, justement. Nous l’avons vu par la recrudescence des campagnes de sensibilisation à l’hameçonnage (phishing) ou encore une augmentation des demandes de désactivation de certaines applications jugées invasives, comme Siri ou Alexa. Cela nous rappelle qu’il ne faut jamais négliger l’aspect humain pour réussir sa transformation numérique.
Quels sont d’après vous les chantiers à venir ? Quelles tendances se dessinent ?
Aujourd’hui, l’entreprise connectée est là. Nous devons encore accompagner beaucoup de nos clients sur cette voie car ils ne sont pas tous aux mêmes niveaux de connectivité, mais l’entreprise connectée est une réalité. Ce qui émerge aujourd’hui, c’est le besoin, pour certains clients, d’opérer eux-mêmes certains services jusqu’alors gérés par nous.
Par exemple, les clients peuvent désormais changer les politiques de routage de leur SD-WAN, pour prioriser certains flux pendant une période donnée – tels que les flux vidéo lors de l’adresse du président à tous les employés ou encore les échanges de documents pour la paie en fin de mois –, puis revenir à la configuration initiale.
Il y a aussi une demande grandissante de temps réel, c’est-à-dire d’utiliser des outils d’analyse dans les processus métiers, comme les solutions de machine learning, pour prendre des décisions de manière quasi-instantanée. Par exemple, un de nos clients qui gère des ascenseurs voudrait mettre à profit tous les capteurs qui sont installés dans ses ascenseurs pour traiter et analyser les données en temps réel afin de mettre en place des processus de maintenance prédictive, de déclencher la bonne intervention au bon moment. Une telle fonctionnalité serait un grand atout pour son offre.
Enfin, nous avons remarqué le glissement progressif de l’entreprise connectée à l’entreprise étendue, qui se concrétise par une demande accrue de la part des métiers de s’interconnecter avec leurs clients, partenaires ou fournisseurs.